Dans l'attente de la publication, en avril prochain, de la liste des médicaments dont les prix doivent baisser, les officines se gardent de constituer des stocks. La gestion des invendus suscite des interrogations tant chez les pharmacies d'officine que du côté des laboratoires. Le stock d'invendus pourrait être repris par les laboratoires pour être distribué comme échantillon ou être réétiqueté. Début d'année difficile pour le secteur pharmaceutique. Le marché est marqué, depuis le 1er janvier, par une grande morosité qui s'est traduite concrètement par une baisse de 30% des ventes. D'habitude, la demande grimpe au premier trimestre, selon les professionnels, en raison des maladies de la saison (grippe et rhume) et de la reconstitution des stocks au niveau des officines. Le changement est aussi bien ressenti par les pharmaciens d'officine que par les laboratoires qui avancent unanimement que «c'est l'attentisme à la veille de l'entrée en vigueur de la baisse du prix des médicaments prévue pour le 19 juin 2014 qui est derrière cette baisse de régime». Aujourd'hui, les pharmacies travaillent à flux tendus. C'est-à-dire que les commandes se font ponctuellement en fonction des ventes afin d'éviter le stockage de médicaments. Elles sont en train de liquider leurs stocks et particulièrement celui des médicaments coûteux et certains génériques à prix élevé. De leur côté, les laboratoires disent enregistrer une baisse des commandes qu'ils affirment comprendre «car les officines ne peuvent pour l'instant constituer des stocks avant la publication de la liste». Etant déjà en difficulté, les professionnels craignent une perturbation du marché des médicaments durant la période transitoire. Pour rappel, le décret instituant la baisse des prix a été publié le 19 décembre et la liste des médicaments concernés par la baisse sera publiée le 19 avril prochain. L'entrée en vigueur est, quant à elle, prévue pour juin, et se fera progressivement jusqu'en juillet. Le système du tiers payant ne profiterait qu'à une minorité de pharmaciens Une période transitoire qui, pensent les professionnels, ne sera pas facile à gérer. Des réunions ont lieu quotidiennement avec le ministère de la santé afin de mettre en place les modalités d'application pour éviter une perturbation ou une aggravation de la crise que connaît déjà le marché depuis le début de l'année. Les modalités à mettre en place doivent apporter des solutions aux problèmes liés à la gestion des invendus et à la mise à jour des systèmes informatiques des grossistes. Concernant le premier point, les pharmaciens d'officines estiment que «les pouvoirs publics doivent éviter que la perte ne soit supportée que par eux». Ils suggèrent que les laboratoires reprennent les invendus pour les distribuer comme échantillons ou bien envisager, et ce à titre exceptionnel, de les réétiqueter. Les industriels estiment que la reprise des médicaments invendus est envisageable, mais ils estiment que «les volumes sont importants car il faut reprendre les stocks des pharmaciens ainsi que ceux des grossistes», ce qui serait lourd à gérer si un mécanisme de régulation n'est pas mis en place. Deuxièmement, les grossistes, dont la marge passe de 30 à 34%, doivent bénéficier d'un plus long délai pour mettre à jour leur système informatique pour programmer la nouvelle marge et aussi passer du Prix public Maroc (PPM) au Prix public de vente (PPV). Sachant que les deux prix seront appliqués durant la période transitoire de juin et juillet avant la suppression définitive du PPM. Hormis ces deux soucis techniques, les professionnels estiment que le ministère de la santé doit contrôler la distribution et le fonctionnement du tiers payant mis en place par la CNSS. Sur le premier point, les pharmaciens signalent qu'ils n'ont toujours pas récupéré, comme convenu, les médicaments distribués jusqu'ici par la pharmacie de la CNOPS. Celle-ci ayant fermé à la fin décembre, la commercialisation des médicaments devait automatiquement relever des officines. «Or, ce n'est pas le cas aujourd'hui. Ils sont plutôt distribués par les cliniques, les pharmacies hospitalières et certaines associations!», dénonce un membre de la Fédération nationale des syndicats des pharmaciens qui ne manque pas de souligner que les professionnels avaient accepté la distribution de ces médicaments chers en contrepartie d'un forfait minimal de service fixé à 300 DH pour un produit coûtant entre 1000 et 3 000 DH et à 400 DH pour tout médicament dont le prix est supérieur à 4 000 DH. Et d'ajouter que le ministère devrait également être plus vigilant quant à la distribution des produits vétérinaires qui se fait principalement par les praticiens et donc en dehors du circuit de distribution. Sur le second point (le tiers payant), les résultats sont en deçà des attentes. «Nous n'avons pas ressenti son impact au niveau du marché pour la simple raison que toutes les pharmacies n'en bénéficient pas. Par exemple, sur les 1 200 pharmacies de Casablanca, peut-être une trentaine seulement en bénéficient», assure le membre de la fédération.