Faute de budget, ce projet qui devait être achevé en 2013 n'est pas encore entamé. L'objectif est de réduire la densité du site afin de fluidifier la voirie et la circulation dans le quartier et tout autour. La mobilisation de l'essentiel des moyens de transport est imputée aux super grossistes qui ne constituent que 8% des 2 000 commerçants du site. Le rapport définitif de l'étude de requalification du site de Derb Omar vient d'être remis. Réalisée par le cabinet de conseil EMC, avec un budget de 1,8 million de DH (financée par le fonds Rawaj), cette étude, dont La Vie éco livre la teneur en exclusivité, fait ressortir trois scénarios de restructuration. Le premier consiste en un «statu quo amélioré» avec la délocalisation des activités de messagerie. En d'autres termes, Derb Omar gardera son positionnement actuel. Cependant, les activités de transport de marchandises devront être transférées sur un terrain d'un hectare situé à proximité du site. Ce scénario dont le délai de mise en œuvre est relativement rapide (entre 1 an et 2 ans), permettra la modernisation des commerces et l'amélioration de la voirie. En revanche, le rapport souligne que «la délocalisation des activités de messagerie aura un impact sur le coût de la marchandise livrée aux autres villes et, in fine, sur la compétitivité du site». Le deuxième scénario, «Casa Trade Center», vise à consolider le positionnement de Derb Omar en tant que site de négoce à vocation locale, régionale et nationale. Le commerce de détail pourrait être maintenu, mais «la destination devra privilégier l'installation d'activités de bureaux et de services». D'une autre manière, le déploiement de ce deuxième scénario se traduira par le transfert des activités des grossistes en alimentation générale et celles liées aux pneus vers un autre site de 16 hectares. La suppression de ces activités, qui représentent environ 30% de la surface de vente globale, transformera progressivement le site en un lieu d'exposition des articles et de négoce. Cela consolidera la place de Derb Omar en tant que référence nationale pour certaines professions et certains produits (tissus, produits de beauté, ustensiles de cuisine…). Enfin, le troisième scénario consiste en la transformation de ce site historique en zone dédiée aux activités de vente au détail. Ainsi, les activités de gros et de semi-gros s'opéreront sur d'autres sites dédiés à cet effet. En somme, les trois scénarios visent à réduire la densité du site afin de fluidifier la voirie et la circulation dans le quartier et tout autour. Certains proposent de transformer le stade Philip en parc logistique La prochaine étape porte sur «l'organisation d'une réunion multipartite, entre les représentants des commerçants, le ministère de l'industrie et du commerce, le Conseil de la ville de Casablanca et le Centre régional d'investissement, et cela, dans l'objectif de designer le scénario qui répond le plus aux attentes des professionnels», explique-t-on du côté du CRI. Cependant, selon une source au sein de la Chambre de commerce de Casablanca, «cette rencontre n'est pas envisageable pour le court terme». Preuve en est que les professionnels avancent ne pas être au courant de l'état d'avancement de ce projet d'étude de requalification. «Notre dernière réunion avec les trois départements impliqués dans ce projet date de 2011. Depuis, nous n'avons eu aucune nouvelle sur ce dossier», confirme Abderrazak Lazrak, président de l'Association des grossistes de tissus. Initialement, tout ce processus devait être achevé au plus tard en 2013. Faute de budget, la requalification du site qui nécessite la mobilisation d'une assiette foncière très importante n'est pas encore engagée. «Ce projet est tributaire du déblocage de la deuxième partie du fonds Rawaj», déclare-t-on du côté de la Chambre du commerce de Casablanca. Le financement n'est pas le seul facteur qui résoudra le problème de Derb Omar. Le plus important est de trouver un arrangement pour convaincre les grossistes à accepter l'un des scénarios. A la Chambre de commerce de Casablanca, on estime que le troisième scénario, qui consiste à transférer l'activité des grossistes vers d'autres sites, est le seul qui pourrait rendre à Derb Omar son attractivité. «Nous avons aujourd'hui plusieurs zones industrielles dans la périphérie de Casablanca. Les grossistes de Derb Omar ont les moyens financiers pour se procurer des locaux dans ces zones. Il faut juste les motiver par des incitations d'ordre fiscal», soulignent les équipes de la Chambre de commerce. Les professionnels de Derb Omar, quant à eux, sont conscients des désagréments causés par la nuée de camions. Par conséquent, c'est le premier scénario qui leur paraît logique. «Si les autorités veulent requalifier le site, ils n'ont qu'à renvoyer ces camions de messageries dans d'autres zone», rétorque Abderrazak Lazrak. Il ajoute que «face à la rareté du foncier dans la zone, nous avons déjà proposé à Mohamed Sajid de transformer le stade Philip en parc logistique pour ces camions, mais en vain». Ne risquerait-on pas de transférer le problème dans un autre quartier tout aussi fréquenté de la ville si le maire accédait à cette requête ? Les commerçants redoutent de devoir régler la totalité de leurs arriérés d'impôts avant de pouvoir quitter les lieux Quoi qu'il en soit, il est avéré que les désagréments proviennent essentiellement de l'afflux massif de poids lourds dès les premières heures de la journée. Au total, 700 véhicules de différents gabarits (poids lourds, camions, camionnettes, triporteurs, semi-remorques…) transitent chaque jour par le quartier. Ces services de messagerie «à bas prix» transportent plus de 800 000 tonnes de marchandises par an. Du point de vue du président de l'Association des grossistes de tissus, «ce sont les super grossistes (8% des 2 045 commerçants du site) qui font appel aux services de ces transporteurs. Vu l'importance de la marchandise, ils ne travaillent qu'avec les transporteurs ayant des véhicules de 14 tonnes», déplore-t-il. Et de renchérir : «Les autres distribuent leurs marchandises avec des véhicules de 3 tonnes. Ces dernières ne bouchonnent pas la circulation». Interrogé sur la possibilité de transfert d'activité au cas où l'Etat leur accorde des incitations fiscales, les professionnels rejettent en bloc cette idée. «Il est impossible que nous nous déplacions ailleurs. La Chambre de commerce nous a déjà fait cette proposition, et nous l'avons refusée. D'ailleurs, cette organisme ne défend pas les intérêts des commerçants de Derb Omar», déclare Abderrazak Lazrak. Même son de cloche chez Mhamed Ellatify, président de l'Association des commerçants en produits alimentaires en gros et détail. «Avec la concurrence asiatique, la plupart des grossistes sont surendettés. Ils n'ont pas les moyens de s'installer dans d'autres zones». Selon lui, les commerçants seront obligés de régler leurs arriérés d'impôts avant de pouvoir transférer leurs fonds de commerce. Cette perspective pourrait pousser une grande partie d'entre eux à baisser les rideaux. Enfin, il est à préciser que le mode d'exploitation par les commerçants est dominé par la détention de pas de porte dont les prix vont de 40000 DH à 120 000 DH par m2. Autrement dit, le prix moyen d'un local de 160 m2 avoisine les 10 millions de DH. «Alors en cas de départ, est-ce que les propriétaires voudront nous rembourser cette somme ? Est-ce qu'il y a des détaillants qui peuvent débourser des sommes équivalentes pour avoir un magasin à Derb Omar ?», s'interroge le professionnel.