Les petites sociétés de production montent au créneau, suite à la publication des résultats des appels d'offres relatifs à la production externe des programmes audiovisuels lancés par la SNRT et la SOREAD. Ils déplorent les montants élevés des cautions provisoires qui les ont écartés de la course. Le ministre de la communication leur promet 20% des marchés à partir de janvier 2014. Les résultats des appels d'offres relatifs à la production externe des programmes télévisés lancés par la SNRT et la SOREAD ont pris de court les producteurs audiovisuels. Ils ont surtout provoqué l'ire des petits producteurs du secteur qui voyaient une lueur d'espoir dans la mise en place du nouveau cahier des charges des médias publics. Adopté en août 2012 par le conseil du gouvernement, ce cahier des charges visait à instaurer l'égalité des chances et, par ricochet, rompre avec l'ancien système de passation des marchés de gré à gré qui profitait surtout aux grandes sociétés de production. Mais cette nouvelle réglementation semble n'avoir eu aucun effet. «Ce sont les grandes boîtes de production qui se sont encore une fois taillé la part du lion», affirme Mohammed Jamai, directeur associé à Connexion Media. Il s'agit précisément de sept entreprises : Public Evenement, Good New Com, Connexion Media, Ali'n production, Disconnected, Recom et Image Factory. Cette dernière a par exemple remporté neuf programmes pour un montant total de 16,89 millions de DH. A l'origine de cette concentration du marché, les montants excessifs des cautions provisoires. En effet, pour soumissionner à un appel d'offres, «il faut déposer une caution qui peut atteindre parfois 1,3 million DH. Immobiliser une telle somme pendant près de 3 mois de procédure est quasiment impossible pour une petite structure», rappelle M. Jamai. De son côté, Mostapha El Khalfi, ministre de la communication, rejette en bloc les constats relevés par les professionnels. «La caution provisoire ne rentre pas dans mes prérogatives», déclare le ministre, avant de préciser qu'«il n'y a aucune disposition dans le cahier des charges qui prévoit le montant de la caution. Ce sont les sociétés (SNRT et SOREAD) qui fixent le montant de cette garantie provisoire». Mostapha El Khalfi affirme en outre que «c'est le gouvernement qui a proposé la mise en place de ce processus de passation des marchés». Toutefois, il explique que ce cahier des charges a réglé de nombreux problèmes dont celui de l'inégalité des chances. «Les petites entreprises ont pu remporter certains lots. De plus, à partir du 1er janvier 2014, 20% des appels d'offres seront réservés à ces petites structures», assure-t-il. Les budgets ont baissé de 20 à 25% Certains professionnels réfutent les propos du ministre de tutelle. C'est le cas de Omar Benhamou, directeur de VTR production, qui confirme qu'aucune petite structure n'a pu bénéficier de ces marchés. Ce professionnel déplore la distinction entre grande et petite entreprise de production. «Nous travaillons dans un milieu artistique où la grandeur d'une structure se mesure par la qualité de ses productions et non pas par son chiffre d'affaires». La qualité du produit est un autre point qui suscite la colère des producteurs. Il est important de préciser que les besoins (nombre et nature des programmes audiovisuels) sont exprimés par les équipes des deux chaînes télé. Or, il n'y a pas de description détaillée de la nature et de l'objectif de l'émission. A titre d'exemple, pour la description d'une émission économique, les chaînes se contentent de mentionner: «Emission consacrée aux questions économiques et sociales». Pire, «même les réunions qui nous permettaient de perfectionner notre concept et de l'adapter aux besoins de la chaîne ne se tiennent plus», ajoute le directeur de Connexion Media. Et pour cause, les directeurs des chaînes ainsi que ceux des programmes n'interviennent plus dans le processus de choix et de validation des projets proposés par les sociétés de production. Ce sont désormais les deux commissions mixtes désignées par la tutelle (une commission pour chaque société) qui assurent cette mission. Constituées de 4 membres internes et 4 autres externes (professeurs universitaires, écrivains…), ces commissions «basent leurs choix sur des critères subjectifs, mais également sur l'offre technique et financière des entreprises, une démarche qui ne peut s'appliquer dans un secteur tel que l'audiovisuel. En d'autres termes, nous ne pouvons appliquer le principe du moins-disant dans ce secteur», confirme Omar Benhamou. Ce critère financier que déplorent les producteurs, M. El Khalfi le considère comme un exploit. «La réduction des budgets est l'une des réussites de cet appel d'offres. Actuellement, nous avons pu reconduire d'anciennes émissions avec des budgets inférieurs de 20% à 25% aux montants des anciens contrats», explique-t-il. Somme toute, pour le ministre de tutelle, le cahier des charges représente un acquis de plus pour le secteur. «Aujourd'hui, ceux qui ne sont pas d'accord avec cette nouvelle démarche et avec les résultats des appels d'offres n'ont qu'à saisir la justice», annonce-t-il. A ce titre, c'est la procédure qu'ont suivie certains producteurs comme Mustafa Labiad, directeur de Mimesis production. Ce dernier a en effet saisi la justice suite à la publication des résultats de l'appel d'offres relatif au programme de Ramadan de la SNRT et a obtenu gain de cause. D'autres sociétés de production lui ont emboîté le pas, à savoir AMD Media's et HM Production. En gros, les petits opérateurs ont décidé de prendre leur destin en mains. Ils envisagent même de créer une association pour défendre leurs intérêts. «Car après une année blanche en 2013, nous sommes dans un état de mort clinique. Plus de 200 entreprises ont fermé et les autres vont suivre si les choses ne changent pas», déplore Mustafa Labiad.