L'aggravation du déficit budgétaire pousse le Trésor à lever davantage de fonds sur le marché domestique. 63% des souscriptions s'effectuent sur le segment court terme. Certains analystes prévoient une poursuite de la hausse des taux, d'autres s'attendent à un maintien au niveau actuel. Les taux des bons du Trésor subissent une pression à la hausse depuis le début de l'année. Et pour cause, les fondamentaux du pays poursuivent leur dégradation. Le déficit budgétaire continue de s'aggraver, plombé par des charges de compensation qui s'envolent et par des ressources en perte de vitesse. En effet, les subventions ont totalisé sur les trois premiers mois de l'année 16,5 milliards de DH, soit une croissance de 50,3% par rapport à fin mars 2012. Parallèlement, les recettes fiscales ont atteint à peine 49,5 milliards de DH, enregistrant un repli de 3,6%. Du coup, le déficit budgétaire s'est établi à 23 milliards de DH contre 2 milliards de DH une année auparavant. Cette situation pousse le Trésor à accélérer ses levées des fonds sur le marché domestique. Les analystes d'Attijari Intermédiation expliquent, en plus, que «face à des tombées (remboursements de la dette) dépassant 26 milliards de DH au premier trimestre de cette année, le Trésor a exercé une pression significative sur les liquidités domestiques, tirant ainsi à la hausse les taux obligataires». Les levées ont ainsi atteint 46 milliards de DH sur les trois premiers mois de l'année, en hausse de 40% sur un an. Il faut dire que l'argentier de l'Etat continue de se financer sur des maturités courtes, en raison notamment de la prudence des investisseurs qui préfèrent ne pas miser sur le long terme. Ce qui rend les remboursements plus fréquents et plus conséquents. Attijari Intermédiation précise par ailleurs que 63% de ses souscriptions reviennent à l'échéance courte vu les taux de rendements attractifs qu'offre ce segment contre seulement 32,1% sur le moyen terme et 4,6% sur la partie longue. Dans ces conditions, le taux de la maturité 52 semaines a atteint 4,17% à fin mars, en progression de 41 points de base depuis le début de l'année. Celui de la maturité 2 ans a augmenté de 32 points de base pour se situer à 4,46%. Et la hausse se poursuit puisqu'en date du 13 mai, ces taux se sont établis à 4,28% et 4,62% respectivement. Cette pression a été renforcée par un retard dans l'encaissement de certains financements extérieurs, de l'ordre de 23 milliards de DH. Dans un contexte général marqué par un manque de visibilité sur le comportement des finances publiques et, partant, sur les besoins de financement du Trésor, les analystes sont partagés sur l'évolution des taux au cours des prochains mois. Attijari Intermédiation estime que la situation devrait se détendre au deuxième trimestre de cette année en raison de la baisse des cours des produits énergétiques qui pourrait alléger les charges de compensation. Par conséquent, une pression moins élevée devrait s'exercer sur les finances du Trésor, «ce qui pourrait au mieux maintenir les taux stables», prévoit un analyste de la place. Un autre professionnel du marché obligataire anticipe une poursuite de la hausse des taux, mais à un rythme moins soutenu. Selon lui, «si hausse il y a, elle devra être contenue à 5 ou 10 points de base au maximum car le potentiel de hausse a été entièrement consommé». Qui plus est, l'engagement du gouvernement de réduire le déficit budgétaire à 5,5% en 2013 contre 7,1% réalisé en 2012, notamment par sa récente décision de tailler dans les investissements budgétisés 15 milliards de DH, devrait donner un signal positif à la communauté financière tant nationale qu'internationale et devrait probablement amener le Trésor à se refinancer sur les marchés étrangers à des conditions avantageuses. En effet, l'Etat dispose d'autres leviers pour réduire la pression sur le marché intérieur à l'instar des émissions de dettes extérieures, la titrisation ou encore les opérations de privatisation d'après Attijari Intermédiation. D'autres analystes estiment que les dépenses de l'Etat devraient continuer à augmenter à cause essentiellement de la Caisse de compensation. «La baisse actuelle des cours des produits énergétiques ne peut avoir qu'un effet courtermiste surtout que le cours du dollar est marqué par une forte volatilité depuis le début de l'année», explique un professionnel. En outre, les coupes budgétaires opérées pourraient certes apaiser la croissance des dépenses de l'Etat. Néanmoins, le problème majeur reste le niveau des subventions. Par ailleurs, la situation n'est pas meilleure sur le marché monétaire. En effet, le déficit de liquidité persiste, atteignant 71,7 milliards de DH à fin mars contre 64,5 milliards à fin 2012, soit une progression de 11%. Le déficit aurait pu être encore plus lourd si le système monétaire n'avait pas bénéficié de rentrées de liquidités liées aux cessions des participations de Centrale Laitière et Bimo à Danone et Kraft Food. Ces recettes en devises de près de 7 milliards de DH ont permis justement de renflouer le marché monétaire. En parallèle, Bank Al-Maghrib continue de jouer son rôle d'unique fournisseur de liquidités bancaires et devrait ainsi le préserver en vue d'éviter un dérapage des taux monétaires. A ce titre, le loyer de l'argent a enregistré une détente de 10 points de base au 1er trimestre avec une moyenne de 3,07% contre 3,17% au trimestre précédent selon Attijari Intermediation. Cette situation devrait se maintenir d'ici la fin de l'année surtout que BAM ne compte pas abaisser son taux directeur.