9 000 étudiants étrangers, dont 7 000 d'Afrique, sont boursiers de l'Etat marocain. Ils sont inscrits dans les établissements supérieurs publics. Une bourse de 750 DH par mois, un logement gratuit, une situation stable et des études de bonne qualité. Les motifs de choix du Maroc sont nombreux. L'université marocaine attire de plus en plus d'étudiants africains. En cette saison scolaire 2010/2011, ils sont 7000, parmi 9 000 étudiants étrangers, à être inscrits dans les établissements publics selon l'Agence marocaine de coopération internationale (AMCI). Ils seraient autant, sinon plus, dans les établissements supérieurs privés. Pas de chiffres officiels, mais selon certaines estimations on évalue leur nombre à 8 000. Il faut dire que le Maroc présente plus d'un atout pour ces étudiants. Au lieu d'opter pour l'Europe où les études même gratuites engendrent des frais rédhibitoires, sans parler des tracasseries administratives – souvent dissuasives- pour l'obtention du visa notamment, ces étudiants préfèrent le Maroc, pays musulman (un critère décisif pour certains de ces étudiants), ouvert, et, le plus important, doté d'infrastructures universitaires de haut niveau. Le Maroc abrite en effet 15 universités, cinq facultés de médecine et de pharmacie et plusieurs grandes écoles d'ingénieurs, de management ou d'architecture, aux standards internationaux. Une autre raison du choix du Maroc est invoquée par une grande part de ces étudiants interrogés : la stabilité politique dont jouit le Maroc, et, par ricochet, un climat d'études stable, qui ne souffre pas de perturbations majeures dues aux grèves et autres arrêts de cours qui agitent beaucoup d'autres universités africaines. Le Nigérien Karimoune Effat Abdoulahi, qui étudie au Maroc depuis 2004, et qui est en même temps le secrétaire général de la Confédération des élèves, étudiants et stagiaires africains étrangers au Maroc (CESAM), en sait quelque chose. Au cours de l'année de son bac dans un lycée à Niamey, il redoutait déjà des études supérieures dans la capitale nigérienne perturbée à tout bout de champ par des débrayages : «Les années blanches, à cause des grèves des étudiants et des professeurs, ne se comptent plus dans nombre de pays d'Afrique. J'ai opté alors pour le Maroc qui jouit d'une bonne réputation au Niger quant à son système universitaire et sa stabilité. Et beaucoup de cadres qui exercent actuellement dans notre pays ont été formés au Maroc», reconnaît Karimoune, visiblement satisfait de son choix. Après deux ans à Tanger à l'Institut national d'action sociale, cet étudiant de 25 ans met le cap sur Rabat pour intégrer l'Ecole nationale d'administration (ENA), il y est toujours en attendant de finir son cycle supérieur. Comme tous les boursiers du gouvernement marocain, il touche 750 DH par mois, somme qu'il juge insuffisante «mais mieux que rien». Fahmi Saïd Ibrahim, ministre des affaires étrangères des Iles Comores a étudié au Maroc De toute façon, les 7 000 étudiants boursiers actuels du gouvernement marocain ne se contentent pas de cette modique somme pour subvenir à leurs besoins, ils sont tous aidés financièrement par leurs familles, bien que 800 d'entre-eux soient logés quasi gratuitement (50 DH par mois) à la Cité universitaire internationale (CUI) à Hay Riad de Rabat. Pourquoi ces faveurs du Maroc envers les étudiants africains alors que la bourse octroyée à ses propres étudiants ne dépasse pas 1 200 DH par trimestre ? Le Royaume applique en fait une politique de proximité en Afrique qui lui permet d'entretenir son image auprès des futures générations de décideurs. Entamée au milieu des années 80, et notamment après sa sortie de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), cette politique s'est intensifiée avec le nouveau règne, le Roi Mohammed VI ayant fait le pari de se tourner vers l'Afrique. Les sept ans que Karimoune a passés au Maroc lui ont permis de bien assimiler la culture marocaine, d'apprendre l'arabe et d'avoir des responsabilités au sein de la CESAM, une ONG qui regroupe plusieurs associations d'étudiants de pays d'Afrique, appartenant à quelque 38 nationalités. Ces cadres formés au Maroc ayant occupé de hauts postes de responsabilités après leur retour à leurs pays, comme le dit Karimoune, se comptent, en effet, par centaines. Certains sont devenus ministres, d'autres de hauts cadres dans l'administration. C'est le cas par exemple de Fahmi Saïd Ibrahim, l'actuel ministre des affaires étrangères des Iles Comores (pays, d'ailleurs, dont le nombre de bourses d'études octroyées par le Maroc passera de 55 actuellement à 105 à partir de la rentrée prochaine) qui a effectué une partie de ses études supérieures à Rabat. Mais il n'y a pas que la stabilité du pays et la qualité des études qui attirent les étudiants africains, la réussite sociale après le retour des ex-lauréats des universités marocaines dans leur pays est une autre raison pour choisir le Maroc. Jamila Bent Cheikh est mauritanienne. Son père, comme elle actuellement, était boursier de l'Etat marocain et a effectué ses études à l'ENA de Rabat. Il est devenu ministre de la justice de son pays à la fin des années 1980. Jamila, sa fille, débarque à 16 ans dans la même capitale où son père étudia, après un bac obtenu avec mention «Bien» à Nouakchott, pour s'inscrire à la Faculté de médecine. C'était en 2004. Sept ans après, elle est en passe de devenir médecin. Son dossier de candidature pour étudier au Maroc était «solide comme du béton», se rappelle-t-elle : un bac avec mention, une maîtrise du français, un père ex-lauréat de l'ENA, et absence de faculté de médecine, à l'époque, en Mauritanie. Une année de mise à niveau en langues pour les non francophones Il faut rappeler que la candidature pour faire des études supérieures au Maroc suit une procédure : elle est envoyée aux autorités compétentes des pays africains concernés pour transmission par le canal diplomatique à l'AMCI, et ce dans le cadre des accords bilatéraux de coopération entre ces pays et le Maroc. Chaque pays bénéficie d'un quota, arrêté en commun accord entre l'AMCI et le ministère de l'éducation nationale marocain. Les étudiants sénégalais et mauritaniens, proximité géographique, culturelle, linguistique et politique oblige, sont les plus nombreux au Maroc. El Hajji Mamadou Gueye est sénégalais de Thiès. Il a 22 ans et il est étudiant en 3e année de l'Institut supérieur de l'information et de la communication (ISIC). Il habite à la CUI, comme 800 autres étudiants appartenant, selon Youssef Imani, directeur général de l'AMCI, «à 75 nationalités, dont 60% d'Africains. On y héberge aussi des étudiants venus des Caraïbes, du Mexique, du Maghreb, de Haïti, d'Indonésie, du Vietnam, de Mongolie, de Palestine… Et chacun de ces étudiants a les mêmes chances d'accès aux établissements universitaires que les nationaux. Pour les non-francophones, nous leur proposons une année de mise à niveau de langue». Cette formation linguistique est le fruit d'une collaboration entre l'AMCI et la Faculté des sciences de l'éducation, à Rabat. En moyenne, 200 étudiants suivent cette formation chaque année. Dans quelques mois ouvrira le centre d'apprentissage de la langue construit par l'AMCI à proximité de la Cité universitaire internationale. «Il n'y a pas que l'infrastructure universitaire, mais aussi un hébergement décent, un centre de mise à niveau de la langue, et, depuis peu, un service médical et un cabinet dentaire équipé de A à Z dans cette cité. Tout cela c'est pour ces étudiants», lance avec fierté M. Imani. Sept médecins, toutes spécialités confondues, viennent à tour de rôle examiner chaque semaine, et gracieusement, les étudiants malades. El Hajji Mamadou, l'étudiant de Thiès, comme beaucoup d'autres, a choisi le Maroc à défaut de pouvoir aller en Europe. Deux écoles françaises l'ont accepté, mais les démarches pour le visa étaient tellement longues et compliquées qu'il a fini par jeter son dévolu sur le Royaume. Par ailleurs, ils ne sont pas tous boursiers et n'empruntent pas tous la voie diplomatique. Quelque 8 000 étudiants au Maroc sont venus de leur propre chef pour y suivre des études supérieures dans les écoles et les universités privées. Ils ne comptent que sur leurs propres moyens, c'est-à-dire sur leurs familles, pour subvenir à leurs besoins. Ils appartiennent, comme les boursiers, à toutes les nationalités africaines et habitent souvent en copropriété. Moucharaf Yessoufou, béninois, est l'un d'eux. Arrivé en 2007 à Rabat, il y suit actuellement un cursus en informatique dans une école privée. Le coût des études est cher : 60 000 DH par an vont à l'école et 20 000 DH pour lui. C'est la famille qui paie. Il trouve la vie un peu chère au Maroc par rapport à son pays, mais plus agréable. Du racisme ? «Cela existe partout, il y a des Marocains xénophobes, d'autres accueillants, mais rien de grave, il faut savoir gérer cela», convient-il. Comme le dit clairement Karimoune, le président de la CESAM : «Les Marocains racistes ? Ça dépend des milieux sociaux et intellectuels, de l'éducation. Mais on a mal quand un enfant nous insulte à cause de la couleur de notre peau, et que son père qui assiste à la scène, au lieu de le vilipender, se met à rigoler. Cela dit, le racisme existe entre les Africains noirs eux-mêmes».