Ces habitations abritent 144 000 familles, dont 112 000 dans les médinas, casbahs et ksours, et 32 000 dans les quartiers d'habitat non réglementaires. Depuis 1999, l'Etat a signé 74 conventions relatives à des projets de réhabilitation, mais l'ampleur du fléau dépasse ses capacités. En plus des problèmes techniques, le refus des ménages d'être relogés perturbe la mise en oeuvre du programme. Alors que le chantier de la lutte contre les bidonvilles semble s'acheminer vers un succès, après la résolution des problèmes de retard affectant quelques villes comme Casablanca, ce qui a même valu au Maroc un prix de la part de l'ONU (voir page 8), le ministère de l'habitat, de l'urbanisme et de l'aménagement de l'espace doit faire face à un autre chantier d'une ampleur tout aussi importante. Trente mille habitations menacent de tomber en ruine sur l'ensemble du territoire. Cette situation est d'autant plus problématique que ces habitations abritent actuellement 144 000 familles, dont 112 000 dans les médinas, casbahs et ksours, et 32 000 dans les quartiers d'habitat non réglementaires (QHNR). Au total, ce sont 720000 habitants installés dans une vingtaine de villes qui dorment dans des conditions périlleuses. Fès, Casablanca, Oujda, Essaouira, Beni-Mellal, Salé, Marrakech, Ksar Sghir, Rabat, Meknès et Tétouan sont les plus touchées. Pourtant, ce n'est pas parce que l'Etat n'a pas cherché à y remédier que le problème subsiste. Casse-tête alors que «plusieurs programmes de réhabilitation et de mise à niveau urbaine et architecturale visant essentiellement l'amélioration des conditions de vie des ménages ont été initiés depuis 1999», rappelle Fatna Chihab, directrice de l'habitat social au ministère de l'habitat, de l'urbanisme et de l'aménagement de l'espace. Entre 1999 et 2009, 74 conventions relatives à l'habitat menaçant ruine (HMR) ont été signées. La subvention du ministère se monte à 1,1 milliard de DH dont 170 millions provenant du Budget de l'Etat et 930 millions du Fonds de solidarité de l'habitat (FSH), alimenté, lui, par une taxe sur les ventes de ciment. Les fondements de l'intervention du ministère sont variés. Ils portent notamment sur la protection et la mise en valeur du patrimoine (médinas), l'intervention sur les plans réglementaire et opérationnel (quartiers non réglementaires), les programmes de réhabilitation et de revitalisation des ksours et casbahs (patrimoine architectural spécifique en péril), la requalification des espaces publics et, enfin, des actions directes sur des constructions menaçant ruine qui sont l'objet de confortement, de consolidation ou de démolitions. D'après les chiffres communiqués par le ministère, 35 conventions ont été signées dans 19 médinas, sur les 31 que compte le pays. Les 600 MDH alloués ont bénéficié à 23 600 ménages, dont 3 600 ont été relogés et 8 000 ont engagé des travaux de confortement de leur habitation. Dans les ksours et casbahs, 6 400 ménages se sont partagé 140 MDH de subventions à travers 23 conventions. Enfin, au sein des quartiers d'habitat non réglementaire, 15 conventions ont été signées et 257 MDH engagés. Cet argent a permis le traitement de plus de 10 000 bâtisses. En définitive, 1 500 ménages ont été relogés et 2 000 ont bénéficié du confortement de leurs maisons. Avec tout cela, on est loin, très loin du compte et c'est ce qui inquiète le plus. De fait, les problèmes sous-tendus par l'approche des constructions menaçant ruine sont complexes, ce qui rend difficile la mise en œuvre des solutions existantes. A un premier niveau, se trouve «la difficulté de quantifier le phénomène en dehors d'une expertise technique conduite par des spécialistes. Nuancer les pathologies et désordres affectant les constructions reste un travail assez technique nécessitant des profils déterminés» , explique Fatna Chihab. Et de poursuivre que «certains problèmes sont endogènes et liés à des défaillances dans la structure suite au vieillissement ou à une intervention humaine préjudiciable à la stabilité, d'autres sont exogènes et peuvent être liés à la rupture des équilibres dans le voisinage immédiat. A ceci s'ajoutent la spécificité et la nature des tissus concernés et des facteurs impondérables tels que le temps, la difficulté d'estimer la durée de vie restante des constructions». A ces difficultés, s'ajoute une autre, bien humaine celle-là : le champ d'action du ministère trouve aussi des limites face aux résistances de familles qui ne souhaitent pas être relogées et, souvent, refusent même l'expertise salutaire. Enfin, chez l'Habitat on admet que les catastrophes naturelles telles que des séismes ou des inondations demandent une réactivité instantanée pas toujours au rendez-vous.