Les valeurs s'effondrent les unes après les autres au profit d'une post-modernité aux contours moraux fluctuants et encore flous. L'euphorie universelle consécutive à l'implosion de l'ex-glacier soviétique s'est vite estompée pour laisser place à une angoisse tout aussi universelle où personne – pas même les grands dirigeants de la Planète– ne détient les codes du monde si cruel qui s'annonce sous nos yeux. Le retour de la Russie, l'émergence de la Chine, la naissance de puissances régionales particulièrement volontaristes et l'essoufflement de la vieille Europe constituent les symptômes visibles d'un dérèglement géostratégique qui vient s'agglutiner sur celui, autrement plus apocalyptique, du climat. Plus grave est l'alchimie déstabilisatrice qui frappe la matrice sociétale d'un nombre considérable de peuples partout dans la zone MENA, en Afrique et même en Europe. En effet, le chienlit qui secoue depuis quelques semaines Israël et la France, mais aussi la désintégration institutionnelle qui frappe la Tunisie depuis l'élection de Kaïs Saïed, ou encore la cascade des putschs survenus en Afrique depuis trois ans (Soudan, Burkina Faso, Guinée, Tchad, Mali...), ne sont guère étrangers à cette angoisse universelle qui s'apparente à la fin du monde. Si l'on y ajoute l'inflation exponentielle, le stress hydrique, la crise énergétique, la fin de l'orthodoxie financière et le déficit de bonne gouvernance, y compris au sein de certaines grandes démocraties occidentales, on obtient l'image de ce monde dont on ignore les codes et donc les tenants et les aboutissants. Tout ce capharnaüm universel interpelle sur le devenir de la démocratie et même sur les concepts fondamentaux que sont l'Etat, la nation, le peuple ou encore la citoyenneté. Mais il y a pire : pour les hommes politiques, partout dans le monde, l'heure semble être à l'impuissance imposée par le marché-roi et donc à la paralysie du volontarisme. Cela s'apparente, pour les classes moyennes et les couches déshéritées, à un mal-être quasi existentiel. Les taux de suicide, de (cyber)criminalité, de délinquance, de divorce, de solitude... en sont les manifestations les plus tragiques. Ainsi, les valeurs qui ont guidé l'humanité depuis des siècles s'effondrent les unes après les autres au profit d'une post-modernité aux contours moraux fluctuants et encore flous. Nous sommes donc en face d'un package de «néo-valeurs» qui peine à s'emboîter avec les référentiels ancrés dans l'imaginaire collectif des peuples. Là est le hiatus béant de la déshumanisation ! Sinon où se trouvent donc dans notre monde Dieu, la solidarité, la fratrie, le père, l'autre, le bien commun, la cohésion de la cité..., bref, toutes ces notions qui ont longtemps soudé les peuples et les communautés ? Que signifient désormais le socialisme, la famille, l'entreprise, les notions de «travail fixe» ou de retraite, la démocratie et même le capitalisme ? Tout cela est vertigineusement chamboulé au profit de l'inconnu ! Toute cette pagaille mondiale est accompagnée d'une explosion du populisme sous toutes ses coutures au sein des réseaux sociaux, notamment le désormais incontournable Facebook. Plus que tous les autres réseaux sociaux réunis, Facebook est devenu un divan planétaire où s'exprime tout ce que l'être humain porte au plus profond de lui en certitudes, en interrogations, en tourments, en motions, en émotions, en empathie, en aigreur, en espérance ou en absurdités. Facebook est devenu, surtout, ce «Mur de lamentations» universel où l'on vient s'indigner à satiété. Tous azimuts et à tout-va ! Plus les codes opérationnels de cette mondialisation débridée se refusent à notre entendement, plus la virulence de notre indignation augmente d'intensité. Plus généralement, les technologies de l'information, si elles ont réussi à retirer aux politiques l'exclusivité du «pouvoir de l'information», elles ont, pour la première fois dans l'Histoire des hommes sur terre, pulvérisé le temps et l'espace en imposant l'immédiateté. C'est cette immédiateté qui a, à son tour, fragilisé la démocratie dans ce tourbillon cinétique où aucun recul réflexif n'est plus possible. Au point que le taux mental de rotation des générations, qui était auparavant de 22 à 30 ans, s'est rétréci à... 5 ans ! En effet, la formule des «modèles matriciels de population», est désormais invalidée au registre des mentalités à l'heure de la «dictature cathodique». Et si Francis Fukuyama avait raison, non pas dans sa célèbre «Fin de l'Histoire», mais dans son ouvrage «La fin de l'Homme» ? Certes, pas uniquement par le seul biais des biotechnologies comme il le certifie, mais surtout par les technologies de l'information qui ont investi jusqu'aux arcanes de la diplomatie, de la sécurité et de l'armement après avoir conquis la sphère mentale ! Où allons-nous ? Je vous le demande.