Il est utile de constater le rôle prépondérant des Fake News massivement colportées par les médias et surtout les réseaux sociaux. Abdessamad MOUHIEDDINE, Journaliste & Chercheur Depuis deux ans, alors que le Covid-19 et ses restrictions disparaissaient subrepticement des médias officiels et de la communication institutionnelle des pays africains, commençait un cycle de manifestations parfois très violentes dans nombre de contrées du continent noir. Qu'elles soient motivées par le sentiment anti-français qui s'amplifiait (et s'amplifie toujours) crescendo, par les conséquences socioéconomiques néfastes de la pandémie, par les effets toxiques de la guerre russo-ukrainienne sur les prix ou par l'affrontement entre gouvernants et opposants, ces manifestations expriment une colère qui a traversé une bonne vingtaine de pays. Du Mali au Burkina Faso, du Tchad à la RDC, de la Sierra Leone à l'Afrique du Sud, et même tout dernièrement au paisible Sénégal, la rue africaine s'est embrasée et l'on put compter parfois des centaines de morts. Les motivations sont diverses et variées. Mais si l'on y ajoute les conflits opposant l'éthiopie à l'érythrée, au Soudan ou encore à l'égypte, sans compter les équipées sanglantes des troupes de Wagner un peu partout, notamment au Mali et au Burkina Faso, on est forcé d'admettre l'existence d'une lame de fond qui risque de déstabiliser près d'une vingtaine de nations africaines. Il est utile de constater le rôle prépondérant des fake news massivement colportées par les médias et surtout les réseaux sociaux autour de thèmes où la France, l'Union européenne, la Chine et la Russie ne sont guère absentes. Les appétits semblent, en effet, particulièrement aiguisés autour de l'eau (Nil), de l'énergie (uranium nigérien, gaz et pétrole dans de potentielles et volumineuses réserves, y compris au Sénégal et en Mauritanie), du lucratif commerce des armes et même de la monnaie (Franc CFA). Tous les ingrédients de la déstabilisation du continent noir sont donc ainsi rassemblés. Loin de verser dans quelque complotisme que ce soit, qui peut croire que les grandes puissances internationales et régionales seraient, aujourd'hui comme hier, étrangères à une telle vaste entreprise destructrice ? En 2011, quand le fameux «Printemps arabe» embrasa le monde arabe, de la Tunisie au Yémen, on crut benoîtement à la spontanéité du phénomène. On eut même le chic d'épiloguer longtemps, notamment dans les médias occidentaux, foi d'«experts» autoproclamés à l'appui, sur la «libération des vaillants peuples arabes de la dictature». La chaîne qatarie «Al Jazeera» et les réseaux sociaux relayaient les vœux pieux de «libération» comme des lendemains radieux où régneraient enfin le respect des droits humains, la démocratie et le développement. Une décennie plus tard, on se réveilla devant un paysage cauchemardesque ! Que de richesses violemment usurpées (Libye...) ! Que d'élites décimées ! Un tragique et funeste fiasco dont les conséquences ne cesseront de briser toute espérance de résurrection ! L'Afrique, du Sahel au Cap de Bonne Espérance, est aujourd'hui l'objet des pires convoitises. La guerre russo-ukrainienne et la vive confrontation économique et géostratégique sino-américaine ne font qu'exacerber ces convoitises. Non seulement par le biais de puissances régionales, mais également par milices et autres états voyous interposés. Puissent les dirigeants et les élites d'Afrique comprendre les leçons du funeste «Printemps arabe» afin de faire éviter à notre continent les dévastations institutionnelles, territoriales et sociétales que risquerait de provoquer un fallacieux «Printemps» du même acabit ! Pour y parvenir, il n'existe, à mon humble avis, que trois conditions. La première d'entre elles consiste à verrouiller coûte que coûte les interstices diplomatiques et sécuritaires par lesquelles peuvent s'introduire gaillardement les puissants lobbies énergétiques, miniers ou d'armement qui se foutent (comme de leur dernier prétendu principe d'égalité des peuples) de la prospérité des Africains. La deuxième condition tient en une phrase : multiplier les axes de coopération à travers le monde au lieu de la sempiternelle soumission aux diktats d'une seule et unique puissance prétendument protectrice. La troisième condition consiste à amplifier la mutualisation des moyens au sein d'une coopération Sud-Sud basée sur le respect mutuel et le win-win. Cela exige beaucoup de courage, mais surtout un sens développé de l'écoute des populations et une capacité inébranlable d'anticipation face aux crises. Le salut de notre continent et la réalisation de sa vocation de «futur du monde» passent par cette voie-là et par nulle autre !