Un scénario dans lequel deux types de Marocains jouent chacun son propre rôle. Le premier participe à la marche du pays qui lui garantit le minimum vital. L'autre essaie de trouver l'essentiel pour vivre, quitte à devenir une charge et un danger potentiel. Aadel Essaadani Acteur culturel, il a été à l'origine de nombreux événements et festivals.
Imaginons un Marocain serein. La scolarité de ses enfants gratuite et de qualité. Sa santé et celle de sa famille assurées par un service public accessible et respectueux. Un salaire minimum qui lui permet de vivre dignement et de ne pas être obligé de quémander l'essentiel. Rajoutons à cela ce qui fait notre essence civilisationnelle, un peuple gai, jovial, créatif, aimant vivre et rire. Ce Marocain ne peut qu'avoir un esprit libre pour participer à la vie de la cité, à innover, à créer, à prendre soin des ses semblables. A se projeter, à avoir des rêves, à vouloir participer à construire son pays, dans son pays, avec ses concitoyens, pour la meilleure vie possible et imaginable. A contrario, imaginons un Marocain qui doit se bagarrer pour joindre les deux bouts. Pour payer les deux derniers mois impayés de l'école privée de ses deux enfants. Pour trouver un moyen de payer la dialyse hebdomadaire de sa maman qui vient d'apprendre qu'elle était malade. Pour faire face aux dépenses supplémentaires de l'Aïd... Ce Marocain-là, s'il ne devient pas violent et s'il ne déprime pas, nourrira encore plus son esprit de fatalisme et de résignation, se soumettra à Dieu, aux cieux, aux marabouts, au gouvernement, au destin, aux charlatans, aux influenceurs du net... Et sombrera, au café avec ses amis et à la maison avec sa famille, dans la critique aisée et répétitive. Deux Marocains aux antipodes Le premier contribuera, avec envie, au développement de son pays, en positivisme, en innovation et en civisme. Il participera à toutes les élections, parce qu'il en voit des résultats concrets et qu'il est convaincu qu'il peut, en tant que citoyen, agir sur son propre présent et sur l'avenir de ses enfants. Economiquement, une fois les services publics garantis, son salaire minimum lui permet de vivre et d'avoir des loisirs. Acheter des livres et les lire. Conseiller des films à ses amis dans des conversations constructives. Une partie de son salaire participera à l'économie du pays. Il ne rechignera plus à payer ses impôts. Le second contournera la loi, ne paiera pas ce qu'il doit à l'Etat, ne trouvera pas indécent d'avancer un peu de bakchich pour un service dans une administration. Ne prendra pas soin de l'espace public dans lequel évolue tout le monde, puisqu'il a compris qu'il n'y a pas droit de la même manière que d'autres, mieux lotis que lui. Il intériorisera un sentiment d'infériorité proportionnel au traitement inégalitaire qu'il ressent. Sa violence sera dirigée, horizontalement, vers ses semblables parce qu'il n'arrive pas à être revendicatif envers ceux qui dilapident l'argent public. Parce qu'il pense qu'ils sont inaccessibles ou mieux protégés ou carrément impunis. Héros négatif malgré lui Ce Marocain ne participera pas au developpement du pays. Il constituerait même un éventuel problème pour les nantis (ou ceux qui croient l'être) et pour les services qui assurent l'ordre dans ce pays. La conclusion serait de le contenir et de lui administrer une dose de peur utile pour le maîtriser à moindre coût. Avec le risque de le rendre facilement influençable et aisément corruptible. Nous voyons bien que la sérénité et le développement sont le résultat d'une culture démocratique d'émancipation et de solidarité. Une culture de gouvernement et d'élus qui prennent soin de leurs concitoyens en leur rendant une partie de leurs impôts, directs et indirects, sous forme de services publics palpables. Travaillons alors à rendre majoritaire le prototype du premier Marocain. La culture est la solution.