Pour beaucoup d'observateurs, la course effrénée à la performance déshumanise les rapports en entreprise. Visibilité sur l'évolution de carrière, reconnaissance, respect et formation sont, entre autres, à la base d'un bon climat de travail. Les managers doivent donner l'exemple au quotidien à travers plus de proximité avec leurs équipes. Pour nombre d'observateurs, la course effrénée à la performance rend les rapports au sein de l'entreprise de plus en plus difficiles. Que faire alors au sein de l'entreprise pour «humaniser» le mode de gestion ? La question a fait l'objet d'un débat organisé conjointement par La Vie éco et le cabinet Dale Carnegie Maroc. A l'évidence, les managers semblent comprendre que l'humanisation dans la gestion joue un rôle capital dans l'engagement et l'implication des employés. Cette prise de conscience a son importance dans un contexte où les cerveaux sont mis à rude épreuve, notamment par les changements brutaux de l'environnement de l'entreprise, la concurrence, le respect des délais et des objectifs commerciaux et la peur des restructurations. En France, par exemple, on assiste à une montée du suicide parmi les cadres et même dirigeants de grandes entreprises, à cause notamment de la pression qui fragilise les salariés sur le plan psychique. Certes, nous n'en sommes pas encore là au Maroc, mais il est présomptueux de prétendre qu'il n'y a pas de souffrance au travail. Pendant presque toute une matinée, une dizaine de directeurs des ressources humaines et de managers d'entreprises de tailles et de secteurs différents ont échangé leurs idées et analyses sur cet important sujet d'actualité qu'est l'humanisme dans l'entreprise. De ces débats qui sont loin d'être philosophiques, il se dégage que des avantages sociaux consistants, une évolution de carrière garantie, la reconnaissance, le respect et la formation, entre autres, sont à la base d'une bonne ambiance de travail. Si l'on demande à des salariés, cadres ou employés, de citer les principaux critères de choix d'une entreprise où il fait bon vivre, leur réponse ne sortira pas trop de ce qui est listé ci-dessus. Cependant, il est évident que le fait de tomber sur une structure pareille relève de l'impossible. Mais on peut souligner qu'il y a au moins des leviers importants à mettre en œuvre en priorité pour maintenir un bon état d'esprit dans l'entreprise. Selon Yasmina Rheljari-Chbani, DG du cabinet Dale Carnegie, «une entreprise humaine c'est celle qui place également la satisfaction et l'épanouissement de ses équipes au centre de ses préoccupations. C'est une entreprise qui inspire et qui gagne l'engagement des collaborateurs». Pour faire ce constat, Mme Rheljari Chbani s'appuie sur des enquêtes qui se sont penchées sur les sources du bien-être des sociétés. A ce titre, elle cite l'étude du cabinet Mercer Delta qui montre que les collaborateurs engagés créent quatre fois plus de valeur que ceux qui ne le sont pas. Celle du cabinet Gallop conclut, pour sa part, que des collaborateurs impliqués sont moins susceptibles de quitter leur entreprise dans 87% des cas. La gestion par le stress ou la peur peut entraîner une démobilisation Khalid Benghanem, DRH d'Altadis Maroc, aborde, lui, le sujet sous un angle relationnel. Selon lui, «des études ont montré depuis longtemps que l'un des principaux facteurs de motivation au travail est précisément le respect ! Le rapport entre productivité et respect est positif, surtout à long terme». Abondant dans le même sens, Salim Ennaji, DRH de Veolia Environnement Maroc, ajoute qu'on peut être exigeant sans être brutal. L'exigence tient au fait que, dans un contexte concurrentiel, l'entreprise est tenue de réaliser de bons résultats tant pour le bien des actionnaires que pour celui des collaborateurs. Mais le fait de gérer par le stress ou la peur, pour y arriver, peut entraîner une démobilisation. C'est à cet égard que Siham Alami, DG du cabinet AD Associés, considère qu'«avant de se focaliser sur les résultats, il faut d'abord mettre en route les moyens pour y arriver». Elle ajoute que «sans l'adhésion des collaborateurs, on ne peut mettre convenablement en œuvre une stratégie». Ne pas limiter le salarié à un facteur de coût Aussi, pour inciter tout le monde à tirer dans le même sens, Karim El Ibrahimi, DG du cabinet RMS, explique qu'«un bon patron est aussi celui qui est porteur d'une vision pour son entreprise, donne envie aux autres de réaliser des projets, des objectifs, voire les rêves qu'ils ont à l'intérieur d'eux-mêmes». Pour ce patron, il faut être proche de ses collaborateurs, communiquer et être attentifs à leurs attentes en termes de carrière. Quant à Naoual Najid, responsable formation au sein du groupe Banques Populaires, elle estime que «la confiance peut s'effriter quand les promesses d'évolution ne sont pas tenues». Tout comme l'équité, l'affectif a donc bien sa place au travail et rend les rapports plus humains. Ce n'est donc pas un hasard si les experts en management ont encouragé les incentives ou séminaires d'entreprises pour construire ou renforcer des liens entre collègues ou au niveau de toutes les lignes hiérarchiques de sorte à créer des synergies, même si l'objectif n'est pas de susciter une véritable amitié. Tout cela pour dire qu'une bonne ambiance facilite les initiatives, renforce la solidarité et favorise la performance. «Cependant, la proximité doit être vécue au quotidien. Rien ne sert d'afficher des chartes de valeurs, si on ne se montre pas proche des collaborateurs», note pour sa part Fouad Najeddine, DRH du groupe Centrelec. Pour l'anecdote, Salim Ennaji, DRH de Veolia Environnement Maroc, raconte que les salariés du groupe entendaient souvent que leur entreprise leur prônait des valeurs sur l'implication, la performance, la responsabilité sociale et que leur groupe était leader dans son domaine sans trop comprendre ce qu'étaient ces valeurs. Ils l'ont compris le jour où l'un des salariés, grièvement blessé suite à un incendie, a été transporté à temps en France pour y être soigné et sans passeport de voyage. Ils avaient finalement compris que leur entreprise était vraiment digne de leur confiance. M. Ennaji veut dire par là que pour mériter l'adhésion et la confiance de ses employés, un manager doit répondre présent dans les moments difficiles, en oubliant toute préoccupation de rentabilité. Le collaborateur n'est pas seulement un coût, il est avant tout «humain».