Porté par un âge d'or d'artistes de renommée et une relève qui fait honneur, l'art pictural marocain attire petits et grands acheteurs. Esquisse d'un marché hétéroclite et dynamique. L'art marocain ? Merci, il se porte plutôt bien. En cette fin d'année rythmée par le yoyo émotionnel du Mondial, deux acteurs de la scène artistique mettent les dernières retouches à des projets impactants sur le paysage national. Le premier, d'ordre institutionnel, est mené par la Fondation nationale des musées (fnm.ma) et son infatigable président Mehdi Qotbi. Début janvier, un nouveau musée ouvrira ses portes au sein du quartier des Oudayas à Rabat. Inauguré par un membre de la famille royale, il sera dédié à la parure marocaine et donnera à voir une impressionnante collection de vêtements & accessoires illustrant la richesse d'un patrimoine millénaire. Quelques jours plus tard, côté secteur privé, c'est la Compagnie marocaine des oeuvres et objets d'art (cmooa.com) qui fêtera en grande pompe ses 20 ans en organisant sa 77e vente aux enchères avec un catalogue bien fourni. Qui l'eût cru ? 20 ans de ventes aux enchères organisées de manière professionnelle ! L'étonnement fait sourire Hicham Daoudi, le patron de cette entreprise à l'objet social bien particulier. «Les Marocains ont toujours été amateurs d'art, bien avant les ventes aux enchères, mais aussi bien avant l'émergence des galeries d'art au sens moderne du terme. La tendance remonte aux années 60 et c'est le bouche-à-oreille qui prévalait à l'époque. Untel connaissait untel qui jugeait que l'artiste untel peignait de beaux tableaux avec un potentiel de prise de valeur intéressant». Valeur ! Le mot est lâché. Car, comme tout produit ayant une vocation commerciale, un tableau de maître est avant tout un placement qui peut rapporter gros à la revente..., à la différence près qu'il conjugue également une dimension émotionnelle et égocentrique. Un tableau nous parle, nous saisit, nous emporte. Ceci pour le volet émotionnel. Question ego, c'est le fait de posséder la pièce rare et unique que les autres, ses pairs, n'ont pas. Acheter un tableau : émotion, ego et placement ! «Et c'est un peu tout cela qui constitue le marché de l'art au Maroc», explique Aziz Daki, collectionneur et patron de la «Galerie21» qui détaille : «Les Marocains achètent pour diverses raisons. Par passion, par souci du placement, mais aussi par mimétisme en considérant qu'untel a un «Melihi» ou un «Ben Cheffaj» chez lui et pourquoi pas moi ? Banal peut-être, mais ce faisant, on cultive chez la descendance une fibre artistique qui perpétue la demande. Il y a également la classe moyenne qui achète des tableaux d'artistes non connus par goût esthétique, ou ceux qui cherchent à acquérir les estampes et lithographies d'artistes connus pour des prix raisonnables». On l'aura compris, s'offrir un tableau pour orner ses murs n'est pas si inhabituel. «Le Maroc regorge d'artistes connus et moins connus. Il n'y a qu'à parcourir les souks et médinas pour voir la variété de l'offre. Il y en a en fait pour tous les goûts», renchérit Hicham Daoudi. Dans un marché aussi hétéroclite en producteurs qu'en acheteurs, un constat se dégage. Certains artistes marocains se sont fait une renommée mondiale et se retrouvent couramment dans des expositions à Paris, Londres, New York, Doha et Sharjah. «Les exemples sont nombreux. En Angleterre, par exemple, la Tate Modern Galery possède un des plus anciens tableaux de Belkahia et qui fait partie de sa collection permanente. C'est le cas d'autres musées dans le monde et plus récemment au Moyen-Orient», explique Daki. Une dynamique entretenue par le travail de la Fondation nationale des musées (FNM), qui organise des expositions au Maroc et à l'étranger et prête des œuvres à des musées étrangers partenaires aux fins d'exposition. Mieux, «au cours de la période Covid, la Fondation a dégagé un financement pour acquérir des toiles d'artistes en vue de les exposer et donner de la visibilité à ces derniers. Cela permet à la génération montante d'émerger», se réjouit Mehdi Qotbi. Il faut dire aussi que la période Covid a été un catalyseur pour dynamiser l'acte d'achat de tableaux, tous artistes confondus. «La vitrine de l'offre s'est digitalisée et a trouvé un public de Marocains qui ne savait parfois où chercher ni quoi chercher». Tant mieux pour les artistes et les galeristes...
Un prêt royal de 3 500 bijoux pour un nouveau musée Robes, jellabas, tuniques, bijoux, chaussures.... La parure marocaine aura son musée dédié qui ouvrira ses portes au sein du site historique des Oudayas à Rabat, début janvier prochain. L'initiative est à mettre à l'actif de la Fondation nationale des musées (FNM) qui a travaillé pendant plusieurs mois afin de mettre sur pied cette vitrine destinée à illustrer l'incroyable richesse du patrimoine marocain. A côté des vêtements et accessoires, l'on y trouvera également des chaussures, des tapis et même des harnachements de chevaux. «Preuve de l'intérêt porté par le Souverain à l'art marocain, il a mis à la disposition du musée 3 500 bijoux berbères de sa collection personnelle», nous confie Mehdi Qotbi, président de la FNM. Un membre de la famille royale est attendu d'ailleurs pour l'inauguration de ce haut lieu de conservation et de préservation d'un patrimoine millénaire. Records Dans l'effervescence que connaît le marché marocain, il y a quelques particularités à pointer dans la structure de l'offre et la demande. Le fait que le Maroc dispose d'artistes de renommée mondiale crée un petit effet d'éviction. «Quand on sait qu'une toile d'un artiste connu peut valoir des millions de dirhams, en raison d'une offre à la vente réduite, la pression sur la demande est forte», explique Aziz Daki. «Aujourd'hui, il est plus facile de vendre un tableau à 1 MDH qu'un tableau à 100000DH, car le potentiel de placement du premier est plus sûr». Preuve de cet engouement, la cession il y a un an, au Maroc, de deux tableaux de Belkahia et Chebaa pour une valeur dépassant les 2 MDH chacun. Qui dit mieux ! Autre conséquence de ce succès. L'émergence de contrefaçons. Des faux Gharbaoui, Melihi, Belkahia et bien d'autres circulent sur le marché en raison de leur cotation alléchante. Le problème, explique un galeriste, est que «l'arsenal juridique marocain n'est pas spécifiquement étoffé pour ce genre d'escroquerie qui mêle à la fois propriété intellectuelle, droit commercial et bien d'autres domaines. Il n'y a pas eu à ce jour d'exemple retentissant de condamnation qui ferait exemple». La rançon du succès...