L'Istiqlal a toujours su tirer son épingle du jeu en raison d'une maturité électorale, ce ne fut pas le cas de l'USFP. Les alliances ne suffiront pas au RNI et au MP pour rester influents. Il doivent réformer leurs structures. Une alliance PAM-USFP n'est pas une hypothèse farfelue. Comment analysez-vous le champ politique actuel ? Le lancement de l'expérience de l'alternance a été le début du processus politique actuel. Cette expérience a été dirigée par des partis de la Koutla ; mais ceux-ci ont gouverné en compagnie d'autres partis qu'on qualifiait d'administratifs. Cette expérience a pris fin en 2002 lorsque le premier ministre a été désigné en dehors de la carte partisane. L'USFP avait alors protesté contre le non-respect de cette règle, et cela ne l'a pas empêché de participer au gouvernement de Jettou avec des postes ministériels moins importants. Les législatives de 2007 ont été marquées par l'adoption du principe de la «méthodologie démocratique», le recul du taux de participation des électeurs ainsi que par la régression de certains partis, en particulier l'USFP. Un nouvel opérateur politique fait son apparition, le PAM, qui réalisera une percée au niveau des deux Chambres parlementaires, des communes, des conseils régionaux et des Chambres professionnelles. Le champ partisan a connu durant cette période une évolution contrastée. Certains partis ont enregistré une progression ou une stabilité alors que d'autres ont nettement reculé. Pour l'USFP, le grand perdant, sa participation au gouvernement et la nature des portefeuilles ministériels qu'il dirigeait expliquent en partie sa nette régression en 2007 et en 2009. L'entrée du PAM sur l'échiquier politique a également contribué au recul de certains partis dits de l'administration en raison, peut-être, du fait qu'ils puisent des mêmes références et prétendent défendre le projet du Roi. Il y a également eu le recul des formations issues du Mouvement de libération… Malgré leur légitimité historique, il faut dire que la lutte qu'ils menaient, pendant plusieurs décennies, contre le pouvoir central, a été faite au détriment de leur rôle vis-à-vis de la société : encadrement, mobilisation, organisation et formation politique et sociale des citoyens. On s'est rendu compte ensuite que ces partis qui ont souvent appelé à la démocratisation de la vie politique ont occulté l'aspect démocratique dans la pratique au sein de leur formation dans l'exécution des décisions, la participation des jeunes… C'est ce qui explique les scissions qu'ils ont connues… Il y a tout de même l'exception de l'Istiqlal. Ce parti n'a cessé de se renforcer au cours des 20 dernières années…. C'est pratiquement le seul parti politique qui participe à un gouvernement et qui en sort indemne pour rejoindre l'opposition, sans que cela n'affecte beaucoup sa structure. Parfois, il en sort renforcé et, dans le pire des cas, il sauve les meubles. Le mode d'organisation et de fonctionnement de ses structures contribuent à préserver son unité. Sa manière de gérer les postes administratifs et ministériels permet de fidéliser sa «clientèle» composée de militants et de courtisans. Le parti n'hésite pas à faire favoriser ses militants et ses responsables. Les cabinets des ministres istiqlaliens sont ouverts en priorité aux adhérents et courtisans du parti. Peut-on dire que le PI a su s'adapter également aux pratiques électorales qui permettent d'attirer le maximum de voix ? Le PI est devenu mature en matière de maîtrise des règles du jeu électoral. Il adapte ses outils électoraux en fonction des circonstances et des circonscriptions. Il avance les notables là où ce type de candidats est assuré de garantir le maximum de sièges. Là où l'influence des cadres est décisive, il y place les meilleurs. Bref, il a acquis un professionnalisme électoraliste. L'USFP n'aurait apparemment pas compris cela ? L'USFP a été victime de son projet sociétal basé sur le principe de rendre justice aux classes démunies. Or, les revendications de celles-ci sont énormes. En gérant les affaires publiques, en prenant la tête du gouvernement d'alternance et donc en assumant son bilan, l'USFP s'est retrouvée incapable de satisfaire ces revendications. Aussi importantes qu'elles soient, les réalisations du gouvernement d'alternance ne se sont pas répercutées sur la vie quotidienne des citoyens. Quid de la Mouvance populaire et du RNI ? On connaît les conditions dans lesquelles ont été formés ces partis. Il n'empêche qu'ils sont devenus des acteurs importants dans la donne politique. Mais avec l'apparition du PAM, il est difficile de concevoir l'avenir de ces partis en dehors de nouvelles alliances et/ou regroupements. Mais cela ne suffit pas. A défaut d'une réforme profonde de leurs structures, ces partis auront du mal, à court terme, à préserver une place influente. Pouvons-nous dire que le PAM sera au centre des alliances de demain ? Si le PAM continue à travailler avec la même cadence et à renforcer ses positions lors des prochaines législatives en 2012, il est fort probable qu'il soit au centre des principales alliances, les plus influentes en tout cas. Que ce soit celles qui se constitueraient avec ou contre lui… Quelles seraient les alliances les plus plausibles en 2012 ? Il y a des indicateurs à prendre en considération. Certains évoquaient une certaine susceptibilité entre le PAM et le PI. Or, ce dernier a soutenu le candidat du PAM lors de l'élection du président de la Chambre des conseillers. Il y avait peut-être un accord pour assurer la stabilité gouvernementale. L'idée d'une alliance entre les deux partis n'est pas à écarter… Mais le PAM ne craint-il pas d'avoir à ses côtés un allié puissant qui pourrait se révéler nuisible ? En position de force, le PAM n'acceptera jamais de constituer une coalition gouvernementale avec le PI dans laquelle il jouera le second rôle. Il s'y imposera comme le commandant de bord. Et l'USFP dans tout cela ? La donne du PAM devient incontournable. Le débat qui a accompagné sa naissance est aujourd'hui dépassé. Il ne faut pas oublier que le PAM compte parmi ses membres des sensibilités socialistes, gauchistes et des défenseurs des droits de l'homme. Cela pourrait être un facteur de rapprochement entre les deux partis. De même qu'au sein de l'USFP, il y a des voix qui appellent à changer de position vis-à-vis de ce nouvel acteur. En politique, tout est possible. L'ennemi d'hier peut devenir l'allié d'aujourd'hui. N'oublions pas que durant les communales, des alliances entre ces deux partis ont été réalisées pour la présidence de mairies ; certes limitées mais elles sont révélatrices d'un possible changement stratégique au niveau des alliances au niveau central.