Le scrutin est prévu pour le 18 juillet, 9 candidats se présentent aux élections, quatre se démarquent du lot. Le président sortant Mohamed Ould Abdel Aziz donné favori. Civil ou militaire, appartenance ethnique, alliances, autant de paramètres qui conditionnent le changement à la tête de l'Etat. Quel sera l'avenir de la démocratie en Mauritanie ? Réponse demain, ou plutôt dans quelques jours. En effet, ce samedi 18 juillet, Mauritaniennes et Mauritaniens iront voter pour élire le Président de la République. Ils ont l'embarras du choix, entre candidats affiliés à des partis politiques et candidats indépendants. Dans ce pays où la crise politique est quasi constante depuis l'Indépendance en 1960, les candidats en lice sont des nationalistes, des gauchistes et des islamistes venant des cinquante partis politiques du pays, les prétendants étant issus de différentes ethnies. Ahmed Ould Deye, le président de la commission électorale, a confirmé que la Mauritanie est prête pour le jour du scrutin et que tout se déroulera dans la transparence. Selon l'article 26 de la Constitution mauritanienne, le président est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés, en cas de non-obtention de cette majorité au premier tour du scrutin par l'un des candidats, un second tour est organisé une semaine plus tard pour trancher. Pour ces élections, ils étaient dix à présenter leurs candidatures dès le mois d'avril. Maintenant, ils ne sont plus que neuf depuis que Sghair Ould M'bareck a décidé, vendredi 10 juillet, de se retirer et de soutenir Mohamed Ould Abdel Aziz. Chez les candidats, l'on remarque la constitution de deux pôles différents. «Un pôle de droite qui regroupe les candidats militaires et un pôle de gauche qui réunit les militants de l'opposition», explique Adama Wade, journaliste mauritanien au Maroc. Vall, candidat face à son cousin Ould Abdel Aziz Quatre candidats se distinguent du lot : Mohamed Ould Abdel Aziz, auteur du dernier coup d'Etat, en août 2008, Ahmed Ould Daddah, Messaoud Ould Boulkheir et Ely Ould Mohamed Vall. Ils sont considérés comme étant ceux qui ont le plus de chance de gagner dans la mesure où ils sont présents sur la scène politique depuis des décennies. En Mauritanie, la candidature d'Ely Ould Mohamed Vall, face à son cousin germain Mohamed Ould Abdel Aziz, laisse l'électeur mauritanien un peu perplexe puisque les deux hommes avaient collaboré auparavant, en août 2005, notamment à l'occasion du coup d'Etat qui avait entraîné la chute de Mouaouia Ould Taya. A l'époque, à l'occasion d'un voyage de Mouaouia Ould Taya en Arabie Saoudite pour les obsèques du Roi Fahd, Ely Ould Mohamed Vall, alors directeur de la Sureté nationale, et Mohamed Ould Abdel Aziz, responsable de la garde présidentielle, prennent le pouvoir. Rapidement, le Conseil militaire pour la justice et la démocratie est créé et promet au peuple d'organiser des élections présidentielles démocratiques. Promesse tenue. Des élections transparentes, en mars 2007, permettent à Mohamed Ould Cheikh Abdallahi de gouverner le pays et d'entamer le processus démocratique. Un peu plus d'un an après l'élection de ce dernier, le général Mohamed Ould Abdel Aziz organise un autre coup d'Etat le 8 août 2008 et le justifie par la crise économique que connaît le pays, le coût de la vie et l'incapacité de l'équipe Abdallahi à gérer la situation. Selon des observateurs, Mohamed Ould Abdel aziz a plus de chances de gagner mais un communiqué rédigé par quatre des candidats que sont Ahmed Ould Daddah, Messoud Ould Boulkheir, Mohamed Jemil Ould Mansour et Ely Ould Mohamed Vall, l'accusant d'utiliser des biens appartenant à l'Etat dans sa campagne électorale, risque de porter un coup à sa popularité. En face, chez les candidats de l'opposition, l'on retrouve Ahmed Ould Daddah, frère du premier Président de la Mauritanie indépendante, Moktar Ould Daddah, et Messaoud Ould Boulkheir, membre de la communauté harratine, dont la popularité très forte au sein des 40% de la population qui appartient au même groupe ethnique. L'islamiste Mohamed Jemil Ould Mansour, pour sa part, a peu de chance de gagner, selon les médias, puisque «l'islam en Mauritanie est un islam différent, un islam du désert. Ce candidat fait partie des gens qui ont fait des études à l'étranger et qui sont revenus avec une autre forme d'islam, élitiste», explique Adama Wade. En somme, ces élections reposent sur un scénario complexe qui réserve beaucoup de surprises en matière d'alliances en cas de deuxième tour. En effet, le Front national pour la défense de la démocratie, représenté par Messaoud Ould Boulkheir, a signé un engagement avec la formation politique de Ahmed Ould Daddah pour se soutenir mutuellement si l'une des formations réussit au premier tour. Rien n'est confirmé pour l'instant, mais considérant le rapprochement des idéologies des ex-militaires devenus candidats, une alliance entre Mohamed Ould Abdel Aziz et Ely Ould Mohamed Vall est possible bien qu'ils soient concurrents pour le moment. Autres enjeux : ethnies et tribus des candidats Au-delà de la donne politique, les appartenances ethniques des candidats influent fortement sur l'issue de ces élections. En effet, en Mauritanie, il existe différentes ethnies et les candidats à la présidence viennent chacun d'une tribu différente. Ba Mamadou Mbaré, le président d'Etat par intérim, est d'origine Pulaar, la minorité non-arabe la plus importante en Mauritanie. Les Haratine, contrairement à l'idée répandue, ne sont pas tous des descendants d'esclaves. «Ils parlent la langue hassani et sont des Arabes», explique l'anthropologue John Shoup joint par La Vie éco. Les deux derniers coups d'Etat ont été, rappelons-le, organisés par des hommes de la tribu Oulad Bou Saba', également installée au Maroc. On l'aura compris, l'ethnie et la tribu sont des aspects importants pour ces élections. Toutefois, il faut noter que durant les élections présidentielles de mars 2007, le peuple a élu Ould Cheikh Abdallahi qui s'est présenté en tant qu'indépendant, souligne l'anthropologue. Cette initiative démocratique a été appréciée par le peuple mauritanien et à l'échelle internationale puisqu'elle a apporté un nouveau souffle à un pays où la crise politique n'a cessé de croître. Les Mauritaniens feront-ils le bon choix ? Eliront-ils un candidat à même d'assurer un avenir plus stable au pays ?