Médias. Quatre nouvelles chaînes de télévision sportives verront bientôt le jour au Maroc    Un projet de décret relatif à la liste des diplômes et certificats relevant d'Al Quaraouiyine approuvé    Recettes touristiques: Le Maroc grimpe de 10 places dans le classement mondial    Décarbonation: INNOVX et NetZero s'associent pour produire du biochar    SM le Roi adresse un message de condoléances aux Souverains d'Espagne suite aux inondations    Inondations en Espagne: La priorité actuellement est de retrouver « les disparus »    RDC. Les conflits, principale cause de l'insécurité alimentaire    Burkina Faso. "La Patrie ou la mort"    Maroc : Le PJD et la FGD critiquent les propos d'Emmanuel Macron sur le Hamas et Israël    Inondations en Espagne : Un MRE retrouvé mort, la communication interrompue avec d'autres    Liga: Ezzalzouli prolonge au Betis jusqu'en 2029    Inondations en Espagne : Report du match du Real Madrid à Valence    BMW Golf Cup Maroc 2024 : Succès des phases qualificatives à Marrakech    Centrale Danone et Tibu Africa s'allient pour la santé et l'emploi des jeunes à Fquih Ben Salah    Casablanca : Une personne sous enquête pour actes criminels    Tanger : Un homme de 32 ans interpellé pour piratage des réseaux de télécommunications    The three pillars of French engagement in the Saharan provinces    Maroc-France : Le renforcement de la coopération culturelle et créative au cœur d'entretiens entre Bensaïd et Dati    Arrestation du militant Fouad Abdelmoumeni : les circonstances relevées    «La France se tiendra aux côtés du Maroc dans toutes ses questions existentielles» : Emmanuel Macron et la résonnance des mots    Macron : «La position de la France vis-à-vis du Sahara est en train de faire bouger d'autres pays européens»    FAR : Mohammed Berrid reçoit le Chef d'Etat-Major des Forces Armées Émiraties    Inondations en Espagne : Un mort, un blessé et 25 Marocains portés disparus    Marrakech Air Show : Un Rendez-vous Clé pour l'Industrie Aéronautique au Maroc    UM6P inaugure une nouvelle branche dédiée à la cybersécurité à Rabat    Campagne agricole 2024-2025 : La production prévisionnelle des dattes estimée à 103.000 tonnes    Industries manufacturières : baisse de l'indice des prix à la production de 0,1% en septembre    OM-PSG : Amine Harit écope d'un match de suspension    Lille : Ayyoub Bouaddi bientôt Lion de l'Atlas?    inwi Money : une stratégie réfléchie pour le mobile payment    Assurances en Afrique: Le Sommet BimaLab trace la voie d'une inclusion financière durable    Quand la visite de Macron au Maroc soulève des comparaisons avec l'Algérie    PLF 2025 : l'emploi et l'investissement, défis à relever pour la majorité    Campagne agricole 2024-2025: la production prévisionnelle des dattes estimée à 103 000 tonnes    Le Maroc signe un accord avec Embraer dans les domaines de la défense et de l'aviation commerciale, jusqu'à 1 milliard de dollars prévus    Marrakech Air Show, une plate-forme importante pour le développement de l'industrie aéronautique au Maroc, dit Loudiyi    Musique : « h.u.b », l'as de Rita qui pique nos cœurs    La Cardiologie Pédiatrique au Maroc : Enjeux, Progrès et Perspectives    Les prévisions du jeudi 31 octobre    CDM (F) U17: Victorieuse des EU d'Amérique, la Corée du Nord en finale    Man. United - Leicester City : El Khannous marque son premier but "anglais" !    OMS: Quelque 8,2 millions de nouveaux cas de tuberculose diagnostiqués en 2023    Awake Festival 2024 : Marrakech « rave » encore    MMVI : Cobra, l'exposition qui célèbre l'amitié culturelle entre le Maroc et les Pays-Bas    Les retrouvailles musicales !    Décès du célèbre acteur égyptien Mustafa Fahmy des suites d'un cancer    Le Festival de Marrakech rend hommage à 3 grandes figures du cinéma national et mondial    Festival Ecran Noir de Yaoundé : Farah El Fassi rafle le Prix de la Meilleure Actrice    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le livre marocain, entre morosité et espoir
Publié dans La Vie éco le 20 - 02 - 2009

Sale temps pour l'édition marocaine, qui prend, au fil du temps, sombre tournure.Faute de volonté politique de promouvoir la lecture et à cause du manque de lecteurs.Toutefois, l'on doit prendre acte d'une embellie qui se dessine.Pourvu qu'elle soit le prélude à un ciel complètement dégagé.
Interrogé sur l'état de santé de l'édition marocaine, Rachid Chraïbi, directeur de Marsam, lance un énigmatique «nous faisons comme si elle se portait bien». En clair, le secteur éditorial souffre, et pas seulement d'un rhume. «Nous nous battons pour répandre la bonne du livre. Mais il faut croire que les Marocains sont fâchés avec la lecture», se plaint Chraïbi. Et d'ajouter : «Au début, je tirais, contre toute prudence, à 3 000 exemplaires. Le tiers m'en restait sur les bras. Par la suite, je me suis contenté de 2 000 exemplaires. Aujourd'hui, je ne dépasse pas 1 000 exemplaires, que j'éprouve beaucoup de peine à écouler». Il aurait depuis belle lurette fermé boutique, assure-t-il, s'il ne poussait pas le zèle jusqu'à puiser dans les dividendes tirés de ses autres activités, celles de galeriste et de propriétaire d'un atelier d'arts graphiques. Si l'on en juge, d'après ses propos, l'édition irait de mal en pis.
Les soutiens à l'édition sont aussi parcimonieux que soumis à beaucoup d'exigences
En tous cas, ce n'est pas en s'embarquant dans la galère de l'édition qu'on peut espérer faire son beurre. Un roman vendu à 40 DH revient à 15 DH, auxquels s'ajoutent la part de l'auteur (10%) et du diffuseur (40 à 50 DH), sans compter les frais de promotion. Le coût de fabrication d'un livre pour enfants proposé à 40 DH est de l'ordre de 20 DH. Mais l'éditeur empoche à peine 5 DH, une fois les frais déduits. Quant au prix de revient d'un beau-livre digne de ce nom, il s'élève à
400 000 DH au bat mot. Si au moins les éditeurs étaient suffisamment aidés dans leur sacerdoce ! Il fut un temps où le ministère de la culture apportait son écot sous forme d'une centaine d'exemplaires par titre paru, qu'il destinait aux bibliothèques. Il a cessé de le faire, déplorent les éditeurs, depuis deux ans. En revanche, il a maintenu sa contribution à la fabrication de livres (entre
15 000 et 30 000 DH par titre). Mais, observe Abdelkader Retnani, directeur de la Croisée des chemins, elle ne concerne pas plus de 35 titres. En outre, elle n'est versée qu'un an après.
Entre 15 000 et 30 000 DH, tel est aussi le montant accordé à une quarantaine de parutions par le bureau du livre de l'ambassade de France. Pour en jouir, l'éditeur doit «se farcir» une montagne de formulaires «rébarbatifs», selon Retnani. Ce qui est souvent dissuasif. Au rebours des chiches encouragements du ministère de la culture et de l'ambassade de France, ceux émanant des mécènes sont substantiels. Un bémol, cependant, ils privilégient le beau-livre au détriment des autres genres. A la Fondation d'Ona, la BMCE, la BMCI, Maroc Telecom ou l'Agence du Sud, les éditeurs de beaux-livres sont reconnaissants. «Sans le concours de l'Agence du Sud, certifie Chraïbi, je n'aurais jamais été à même d'éditer Al Khaïma, La Tempête noire du désert, Secret du Sud et Les Gravures rupestres de la région de Smara».
1 300 parutions, 150 000 acheteurs par an, c'est dérisoire
1 300 publications par an, 15 éditeurs de livres littéraires et d'essais, 30 éditeurs de livres scolaires et littéraires, 150 000 acheteurs chaque année, en dehors du Salon international de l'Edition et du Livre. La tendance indiquée par l'enquête menée par le ministère de la culture, en 1998, se confirme, sinon empire. Il en résultait que 50% de Marocains seulement lisent annuellement entre 2 et 5 livres. N'auraient-ils pas goût pour la lecture ? Si, proteste Retnani, étayant son assertion par la carrière de l'essai Au-delà de toute pudeur, commis par Soumaya Nouâmane Guessous, dont 48 000 exemplaires se sont envolés, en vingt ans. Autre argument, la campagne de sensibilisation de l'enfant à la lecture (en 2008), pendant laquelle les enfants des quartiers défavorisés et des campagnes reculées se sont rués sur les 67 000 livres publiés par Yanbow Al Kitab et offerts gracieusement par les Fondations Zakoura et Esprit de Fès.
Pour autant, rien ne va, manifestement, au royaume du livre. La raison en incombe, au premier chef, aux parents, peu soucieux d'exalter, auprès de leur progéniture, les vertus de la lecture. Les enseignants, eux, ne sont exempts de tout reproche, rares sont ceux qui se font un devoir de donner le goût du livre à leurs ouailles. Le ministère de l'éducation, autre coupable désigné par la corporation des métiers d'édition, s'obstine à ne pas inscrire les auteurs marocains au programme des collèges et lycées. Pourtant, c'eût été tout bénéfice pour les éditeurs : «Si le ministère de l'éducation prescrivait 4 livres marocains par an aux établissements scolaires, je peux vous garantir qu'en moins de 4 ans, notre production passerait de 1 300 à 4 000 titres annuellement, et l'on dépasserait allégrement un pays comme le Liban», plaide Retnani. A cela se greffe un déterminant culturel, traduit par l'attitude intimidée des Marocains envers les librairies, dont ils ne franchissent la porte qu'en cas de force majeure. Dans des espaces qu'ils jugent plus accueillants, tel le Salon international de l'Edition et du Livre, ils assouvissent sans gêne leur désir de lecteur. En 2008, 500 000 personnes ont visité le Siel, emportant 300 000 livres.
Enfants et adolescents sont atteints d'anorexie livresque
Psychologues et sociologues établissent que l'enfant a un penchant spontané pour la lecture. Visiblement, ce sentiment s'émousse chez les nôtres, au fil de leur évocation. La faute aux parents, blâme Nadia Essalmi, des éditions Yomad. «Jamais ils n'accompagnent leurs enfants à une librairie, jamais ils ne prennent le temps de leur lire une histoire. Or, un enfant à qui on a lu un conte ou un récit qui l'a accroché, en demande d'autres», affirme-t-elle. Ce à quoi souscrit la directrice de Yanbow Al Kitab, Amina Hachimi Alaoui, soulignant que «les rares parents qui se présentent à une librairie avec leurs enfants ne laissent pas ces derniers choisir librement leur livre. Quand un gosse est attiré, par exemple, par une bande dessinée, son père lui impose un roman. Ce qui fait qu'il est vite dégoûté de la lecture». Cette anorexie des enfants en matière de lecture, induite par le comportement parental, est telle que les maisons d'édition vouées à l'enfance, Marsam, Yomad et Yanbow Al Kitab, ont longtemps tiré le diable par la queue avant de connaître des jours meilleurs. D'autant qu'elles pâtissaient de la concurrence des éditeurs étrangers. Il y a deux ans, Anas Laassel, libraire au Carrefour des Livres, nous disait : «D'après l'étude qualitative que je viens de faire, les livres édités au Maroc ne trouvent pas grâce aux yeux des enfants. Ils les trouvent fades et n'ont d'yeux que pour les livres importés, qui les épatent par leur qualité esthétiques». C'est sûrement ce constat qui a incité Rachid Chraïbi, Nadia Essalmi et Amina Hachimi Alaoui, à se mettre au diapason. Résultat : le livre pour enfants marocains connaît, depuis deux ans, un léger mieux, surtout grâce au bol d'air apporté par le ministère de la culture qui, en 2007, a financé partiellement vingt titres destinés aux enfants. Reste que la bataille n'est pas encore gagnée.
Elle est perdue d'avance sur le terrain des ados. Ceux-ci préfèrent aux romans, qu'ils considèrent comme «une prise de tête», les gestes de zapper, surfer ou rapper, entre clips, sites et mags. Il leur arrive même de lire. Les garçons sont friands de Harry Potter et de la bande dessinée (Black et Mortimer, Astérix, Tintin, Iznogoud, Lauteust de Troy, Mangas…). Les filles, elles, ont la fringale des romances, et elles se parfument d'eau de rose dans les livres de la Bibliothèque rose, de la Bibliothèque verte et des collections comme Toi et moi : cœur et Sabrini. Tout cela fait l'affaire des éditions étrangères, pendant que les Marocains tiennent la chandelle.
Les livres en format de poche, en raison de la modicité de leur prix, font un tabac
Du côté des adultes, ce n'est guère plus reluisant. Si l'on excepte les enseignants du secondaire, les universitaires et les intellectuels, il n'y a pas grand monde qui se bouscule au portillon des librairies. Non que les autres catégories socioprofessionnelles aient un quelconque préjugé défavorable contre la lecture, mais parce que le livre n'est pas à la portée de leurs bourses. Cette pierre d'achoppement a été contournée, depuis 3 ans, par les éditions Le Fennec, qui proposent des livres en format de poche à 10, 15 et 20 DH. Avec succès. Layla Chaouni, qui en a eu l'initiative, s'enorgueillit de pouvoir en débiter plusde 4 000 exemplaires en moins de quatre mois. On comprend alors que d'autres sociétés d'édition entendent marcher sur les brisées du Fennec. Rachid Chraïbi ne cache pas son intention d'éditer ses best-sellers, une fois épuisés, en poche. Pour peu que d'autres suivent, le paysage éditorial prendra des couleurs radieuses.
Les prémices d'une éclaircie, si l'on en croit Abdelkader Retnani, se profilent déjà à l'horizon. Les ventes, en 2008, ont progressé de 10% par rapport à 2007. L'essai sociologique y tient le haut du pavé, les ouvrages sur l'histoire du Maroc occupent le deuxième rang, distançant le roman, lequel bouscule la poésie et le théâtre, peu prisés par les lecteurs. «Je reste très optimiste quant à l'avenir de l'édition au Maroc, s'exclame le directeur de la Croisée des Chemins. Les temps de disette ne seront plus qu'un mauvais souvenir». On souhaiterait partager son optimisme.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.