A fin août, la confection enregistrait un recul de 5% en valeur et la bonneterie baissait de 13%. Les effets de la crise mondiale pourraient aggraver la situation. Certains industriels ont commencé à réduire leurs effectifs faute d'activité. Alors que l'on pensait, à la lumière des statistiques du premier semestre, que le textile accusait relativement bien le coup dans une conjoncture mondiale morose, les dernières statistiques de l'Office des changes et la situation sur le terrain font craindre le pire. Déjà, sur les huit premiers mois de 2008, les exportations n'ont totalisé que 20 milliards de DH. En extrapolant linéairement, à la fin de l'année, le chiffre global des exportations ne devrait pas dépasser les 30 milliards de DH, contre 31,7 milliards pour l'exercice 2007, soit une baisse de 5,3%. Même calcul pour les volumes exportés qui laissent apparaître une baisse linéaire de 3% d'ici la fin de l'année. Le décalage entre variation de volume et de prix s'explique par le cours élevé de l'euro durant la période estivale. Des chiffres inquiétants, arrêtés avant la crise, qui plus est Dans le détail, ce sont la bonneterie et la confection, les deux gros postes d'exportation, qui sont les plus sérieusement touchés. A eux deux, ils représentent près de 90% des ventes de textile à l'étranger. Or, à fin août, ils accusaient une baisse très sensible. A peine 17 672 MDH contre 19 177 MDH pour janvier-août 2007, soit 7,8% de moins. Et c'est la bonneterie qui est, selon les données de l'Office des changes, le plus touchée puisque le recul est de l'ordre de 13,4 % en valeur et de 8,2% en volume. Pour ne rien arranger, il s'agit là des chiffres arrêtés à fin août, soit avant le déclenchement de la crise financière mondiale. Quant on sait que la France et l'Espagne, nos deux plus grands clients sont au bord de la récession, on peut craindre le pire… Il faut savoir qu'en France, deuxième débouché pour les exportations marocaines de textile et d'habillement, la consommation de vêtements a connu un repli de 2,7% depuis le début de l'année, recul qui pourrait se poursuivre jusqu'en 2009. Quant à l'Espagne, elle a connu une baisse de 2,4%. Qu'est-ce qui explique cette chute, pour le moins brutale, après trois années de bonne croissance ? La double régression des exportations (en valeur et en volume) est due, selon les industriels, à la conjoncture internationale. Pour ce qui est des volumes, les donneurs d'ordre ont orienté la fabrication de leurs petites séries et les commandes de réassort (dans un souci de réactivité) vers le Maroc où les grosses commandes n'ont, semble-t-il, plus droit de cité. Le recul de la valeur des exportations s'explique, quant à lui, par le fait que les entreprises marocaines ont dû faire un effort sur les prix pour préserver leurs parts de marché en Europe. Alors, doit-on vraiment parler de crise du secteur ? Les avis sont partagés. Ainsi, au ministère du commerce et de l'industrie, tout comme à l'Association marocaine des industries du textile et de l'habillement (Amith), on considère qu'il est trop tôt pour se prononcer et qu'il faut «attendre les chiffres de septembre et octobre pour voir si la tendance se confirme». Par ailleurs, le ministère explique que la baisse revient, en premier lieu, à la dépréciation du dollar et de la livre sterling par rapport au dirham, qui dure depuis le début 2008. Une dépréciation qui a atteint 30 % pour la livre sterling et qui a principalement affecté les entreprises de la région de Rabat-Salé, connues pour exporter la quasi-totalité de leur production vers le marché britannique. Le ralentissement de la consommation européenne et mondiale ne constitue, selon le département de Ahmed Chami, que le deuxième facteur explicatif de la régression des exportations textiles. Un point de vue que ne partagent pas certains industriels, pour lesquels «le discours du ministère du commerce et de l'industrie s'inscrit dans la consigne générale d'affirmer que la crise internationale n'a pas touché le Maroc. Ce qui est aberrant !». Car, poursuivent-ils, «les pays européens, qui sont les principaux clients du Maroc, ont enregistré une croissance négative durant deux trimestres de l'année 2008». Les exportations sur les marchés britannique, allemand et italien ont chuté respectivement de 25%, 22% et de 12%. Austérité et agressivité commerciale peuvent permettre de s'en sortir Pour un industriel de la région de Rabat-Salé, «il y a une répercussion directe de l'essoufflement de la consommation européenne sur l'activité». Il annonce ainsi que son chiffre d'affaires a baissé de 40 % par rapport à la même période de 2007 et que, faute de commandes, il sera obligé de réduire son effectif. Un fabricant de vêtements pour enfants, implanté dans la zone industrielle de Lissasfa, à Casablanca, souligne qu'il «n'y a pas de visibilité» et que «l'usine tourne au ralenti». Un industriel de la bonneterie, filière la plus touchée par la baisse des exportations, précise que «ce manque de visibilité perdurera tant que les donneurs d'ordre, qui souhaitent aujourd'hui avoir des partenaires flexibles, n'auront pas encore fait le choix des pays fournisseurs». Pour ces derniers, le Maroc est en concurrence avec l'Asie et la Turquie. Si l'inquiétude est réelle, le risque de vivre une crise de l'ampleur de celle de 2005 est moindre. Toutefois, les opérateurs sont conscients qu'ils devront faire preuve de lucidité et de réactivité.Tous estiment que les entreprises doivent jouer la carte du fast-fashion et de la qualité. Pour un autre opérateur, les exportateurs sont contraints, pour s'en sortir, à l'austérité (compression des coûts et maîtrise des coûts des intrants et matières premières) et à l'agressivité commerciale sur certains marchés, notamment ceux de l'Europe du Nord, où les exportations textiles marocaines sont quasi inexistantes. A titre d'exemple, ce même opérateur cite les opportunités d'affaires à développer avec un groupe comme H&M qui réalise un chiffre d'affaires de 9 milliards. Une conjoncture difficile mais porteuse de grandes opportunités Les marchés allemand et italien, suggèrent certains opérateurs, sont également des débouchés à développer. En revanche, les industriels sont peu optimistes à propos des Etats-Unis, pour la simple raison que «seule une minorité d'entreprises peuvent s'y positionner». L'attentisme des donneurs d'ordre, de l'avis d'un membre de l'Amith-Rabat, exportateur de produits finis, «touche à sa fin et nous avons aujourd'hui constaté une reprise au niveau des commandes. On peut même dire que la demande est très intéressante car de plus en plus de donneurs d'ordre ont décidé de s'approvisionner au Maroc plutôt qu'en Chine, même si nous sommes plus chers». Le différentiel varie entre 15 et 20 %, certes, mais le facteur coût a moins de poids sur la décision qu'en 2005, année où le secteur avait connu sa dernière crise à la suite du démantèlement de l'accord multi-fibres. Aujourd'hui, estiment de nombreux exportateurs, les donneurs d'ordre sont plus sensibles à la proximité et à la réactivité des fournisseurs. Quoi qu'il en soit, les industriels ne veulent retenir qu'une chose : comme pour celle de 2005, cette conjoncture difficile est porteuse de grandes opportunités pour le textile habillement puisque les stratégies de sourcing internationales favoriseront les approvisionnements à court terme et en petites séries. Le secteur ne doit pas, concluent-ils, rater le coche.