Une année exceptionnelle où le déficit pluviométrique touche toutes les régions. Les barrages sont à un taux de remplissage très faible. Les cultures céréalières sont presque perdues. La situation de l'élevage est également critique. La campagne agricole 2021/2022 est visiblement compromise. Les professionnels contactés sont inquiets de ce manque flagrant de pluviométrie qui touche l'ensemble des régions du pays et évoquent même des pertes sèches. «Cette année est exceptionnelle dans la mesure où les précipitations sont inexistantes dans tout le pays. Avant, lorsqu'il y avait un déficit pluviométrique, il était enregistré plus dans des régions que dans d'autres ; les pluies ayant été mal réparties. Mais, cette année, toutes les régions manquent de pluies», se désole Rachid Benali, vice-président de la Confédération marocaine de l'agriculture et du développement rural (Comader). Ce qui impacte tous les types de cultures, qu'elles soient en irrigué ou en bour. D'ailleurs, la situation actuelle des barrages n'est pas du tout rassurante, puisque certains, les plus importants, sont presque vides. C'est le cas du barrage Massira dont le taux de remplissage est de moins de 7%, ou encore celui de Bin El Ouidane qui atteint à peine 14,5% de remplissage. «Il est à souligner que la pluviométrie de l'année dernière a permis de réaliser une campagne agricole très favorable, certes, mais n'a pas permis forcément d'améliorer la situation des barrages», note un professionnel du secteur. Il ajoute : «Cette ''sécheresse'' (ndlr : non encore déclarée officiellement) a beaucoup duré. Elle a déjà touché la partie la plus importante de l'agriculture représentée par les céréales qui constituent 75% de la superficie emblavée». Ce qui n'a pas permis aux agriculteurs de labourer leurs terres à temps et donc de développer les cultures céréalières au début de leur cycle. Certaines cultures ont même été déprogrammées dans les zones irriguées de certaines régions, au moment où d'autres ont été remplacées plutôt par des cultures printanières. «La situation actuelle est telle que les cultures céréalières, les légumineuses et les oléagineux sont perdues à hauteur de 60% à 65%», explique M.Benali. Les 30% restants peuvent être récupérés si la pluviométrie est au rendez-vous d'ici à fin mars. «Cela va de même pour les cultures arboricoles et maraîchères. On va devoir attendre que le ciel soit plus clément», espère-t-il. En plus des cultures agricoles, ce déficit pluviométrique affecte de manière très ample l'activité de l'élevage, dans le sens où le parcours végétal est devenu très faible. «La situation devient encore plus exacerbée par le renchérissement des prix des aliments du bétail à l'international, dont l'orge, le soja et le maïs, avec des progressions allant même jusqu'au double pour certains», détaille M'hammed Karimine, président de la Fédération interprofessionnelle des viandes rouges (Fiviar). Conséquence: une augmentation importante du coût de production de l'élevage, laissant planer un changement des prix des viandes rouges. Sur ce point, les professionnels restent partagés entre le maintien des prix ou leur baisse. «Les éleveurs de petite taille, n'en pouvant plus, compte tenu de la hausse des matières de base, sont déjà en train d'abandonner leur cheptel, à des prix bas, tirant à la baisse les prix de vente dans les marchés», signale M.Karimine. Cependant, les autres de plus grande taille continuent de subir ces contrecoups et brader leurs marges, pour pouvoir maintenir leurs prix de vente et si la situation devient intenable les augmenter graduellement. Dans ces conditions, le recours aux nappes phréatiques pour irriguer les cultures s'avère très coûteux. Le coût de pompage et donc d'énergie est tellement conséquent que ce moyen n'est presque jamais utilisé. D'autant que ces nappes souterraines sont à un niveau délicat, puisqu'elles sont surexploitées. Certaines d'entre elles sont même à un faible niveau, à l'instar de la nappe de Berrechid qui est menacée d'assèchement. Rappelons que des interventions ont été réalisées par le ministère de l'agriculture dans le cadre du PMV afin de limiter la surexploitation des nappes. Elles ont concerné El Guerdane à Agadir, Azemmour/Bir Jdid, au Saïss... Cela, à côté de programmes de formation dispensés auprès des agriculteurs pour assurer une gestion durable de la ressource. Comme une conséquence entraîne toujours une autre, cette situation aura pour effet final d'augmenter l'endettement des agriculteurs et de peser lourd sur leur trésorerie. Ce qui devra les pousser à cherche d'autres moyens de subsistance en favorisant notamment l'exode rural. Sur un plan plus macro-économique, pour assurer l'approvisionnement sur le marché national, l'Etat n'aura d'autres choix que d'avoir recours aux importations, grevant ainsi sa balance des paiements, mais aussi sa croissance économique. Pour l'heure, des réunions entre l'autorité de tutelle et les autres parties dont les fédérations interprofessionnelles, se succèdent afin de trouver un moyen pour «sauver l'année agricole». Il est plus qu'urgent de déployer un plan de sauvetage. Aucune annonce officielle n'a encore été faite, mais «les professionnels évoquent une possibilité de subvention des aliments du bétail, notamment l'orge et le maïs, pour préserver le cheptel», conclut M.Benali. Plusieurs stratégies d'approvisionnement en eau sont lancées Pour parer au stress hydrique que subit le Maroc depuis plusieurs années, le pays avait lancé en 2020 un programme national pour l'approvisionnement en eau potable et l'irrigation 2020-2027, d'un coût global de 115 milliards de DH. Il s'articule autour de 5 axes fondamentaux dont le développement de l'offre en eau, la gestion de la demande et la valorisation de l'eau, le renforcement de l'approvisionnement en eau potable en milieu rural, la réutilisation des eaux usées épurées et la communication et la sensibilisation. A côté, un plan d'urgence 2021-2022 a été lancé pour garantir l'approvisionnement en eau potable dans les bassins hydrauliques de la Moulouya, de l'Oum Er Rbia et du Tensift avec une enveloppe budgétaire de 2,42 milliards de DH.