Le cadre réglementaire est pourtant propice pour une bonne dynamique dans ce domaine. La culture du cash coûte de plus en plus cher au Maroc, avec un coût équivalent à 0,02% du PIB du Maroc. Depuis la crise sanitaire, 100 milliards de dollars ont été injectés dans les Fintech à travers le monde. Pour les non-initiés le terme «Fintech» est une contraction de «finance» et de «technologie», il est donc question de la «technologie financière». Bref, en Afrique, ils sont seulement 10 pays sur 54 à s'intéresser à la Fintech. De cet investissement global, ces pays ont drainé 1,4 milliard de dollars (contre 1 milliard en 2018), le Maroc, lui, n'a capté que 0,07% de ce montant, soit moins de 1 MDH. Ces chiffres retracent juste la dynamique à plusieurs vitesses de cette technologie à travers le monde. Les Etats-Unis et l'Europe représentent sans surprise les régions les plus actives. En Afrique, malgré un certain retard, le secteur des Fintechs reste tout de même le plus actif dans l'écosystème des start-up du continent. Et pour cause, une forte pénétration du mobile et de l'internet, une population jeune et technophile, et surtout des taux de bancarisation faibles. Ils sont, en effet, 350 millions d'Africains à ne pas être bancarisés, un chiffre évoqué lors du webinaire organisé cette semaine par l'Institut CDG et 212 Founders, autour de l'avenir des start-up Fintechs au Maroc. Les intervenants définissent la Fintech comme une agilité d'innovation, que ce soit pour une start-up ou une entreprise déjà installée. «Beaucoup plus qu'une extension, c'est un moyen de distribution de services financiers là où les banques ne peuvent pas ou n'arrivent pas à offrir de manière optimale», explique Abdessalam Alaoui Smaili, Directeur Général HPS. Pour l'expert en Fintech, Yassine Regragui, «la Fintech est souvent associée au paiement, mais elle concerne tous les services financiers innovants : De l'assurance au financement (crowdfunding), en passant par les technologies purement technologiques : la blockchain, etc.» L'environnement au Maroc est-il propice pour voir naître des champions nationaux de la Fintech ? Il l'est, en tout cas d'un point de vue réglementaire. L'environnement est très favorable pour faire émerger cette technologie. L'idée d'une réglementation est qu'elle n'avance pas avant l'objet de cette réglementation, mais qu'elle ne soit pas une barrière d'entrée. Et c'est le cas! Nous avons aujourd'hui les outils nécessaires pour upgrader les start-up au stade de champions nationaux, s'accordent à dire les intervenants. L'adoption par Bank Al-Maghrib de la loi 103-12 est un exemple concret, permettant aux services non bancaires (notamment les opérateurs télécoms) d'offrir des solutions de paiement mettant fin au monopole des banques pour promouvoir l'inclusion financière. Dans cette même optique, le Royaume est l'un des seuls pays sur le continent à déployer de nombreux efforts pour faire adopter une loi facilitant l'activité du crowdfunding. Jean Michel Huet, associé Bearing Point, affirme qu'il y a «une vraie volonté de la part de la banque centrale et de l'ANRT pour constituer une plateforme unique autour du paiement mobile, et permettre à chacun des intervenants de proposer une offre selon son positionnement». Mais si tous les éléments semblent réunis pour permettre le développement d'un écosystème Fintech performant au Maroc, le secteur a encore du mal à décoller. Pourquoi ? Cela pourrait s'expliquer par un besoin moins incessant pour le Royaume, en comparaison à d'autres pays africains qui souffrent d'un taux de bancarisation très faible, notamment en Afrique subsaharienne : Les Fintechs sont quasiment une nécessité pour ces pays-là. Rappelons que le taux de bancarisation au Maroc est d'environ 80%. Pour M. Huet, un nouveau moyen de paiement n'est pas porté exclusivement par le marketing, l'aspect sociologique y est pour beaucoup aussi. Et quand il s'agit de payer, le Marocain aime beaucoup le cash. Un caprice qui coûte cher, très cher même, puisque le coût du cash représente aujourd'hui 0,02% du PIB du Maroc. Comment y remédier ? En cultivant la confiance du citoyen. Il faut que les acteurs majeurs se lancent sur ces usages. «Le Marocain se lancera, s'il voit à l'avenir sa banque, les commerçants, les opérateurs téléphoniques et pourquoi pas l'Etat, utiliser ces moyens là», affirme M.Regragui. Pour expliquer ce démarrage de la Fintech qui n'arrive toujours pas à prendre, M.Smaili, lui, remet en cause le mindset de certains porteurs de projets. «L'innovation ce n'est pas que la bonne idée. C'est plutôt tout ce cheminement de l'idée à la mise sur le marché. Taper à toutes les portes, chercher du financement et avoir cette culture du ''fail fast'', voilà ce qui manque à la plupart de ces jeunes pousses». Une menace pour les banques ? Pourquoi aller au guichet si on peut faire un virement depuis son téléphone ? Pourquoi remplir des dossiers de demande de prêt bancaire si on peut trouver du financement en quelques clics ? En facilitant, entre autres services, ce rapport à l'argent, la Fintech peut être perçue comme une menace pour la banque. L'est-elle vraiment ? L'émergence des Fintech, et des acteurs non financiers qui proposent des moyens de paiements directs, rapides et peu chers, remettent en question le rôle «d'intermédiaire» joué par les acteurs traditionnels. Il est donc nécessaire pour celles-ci de moderniser leurs infrastructures, l'occasion pour elles de se réinventer et de retrouver une croissance à long terme. Pour Abdelhakim Agoumi, le Directeur du Pôle service à la clientèle et canaux alternatifs au sein du CIH, la transformation de l'usage technologique n'est en aucun cas perçue comme une menace, mais plutôt une opportunité pour s'améliorer. «La technologie a énormément modifié le parcours client. La transformation des usages a poussé la banque à amener la transaction plus près du client et à se rendre compte finalement que le point physique n'est pas la meilleure solution. Dans cette configuration, la banque elle-même s'est placée comme une Fintech», explique-t-il. Partageant ce même avis, M.Regragui ajoute que «l'utilisateur est de plus en plus exigeant, demandant plus de services à sa banque qui se voit poussée à changer son business model. «Avec l'avènement de l'open finance, les banques offrent aujourd'hui des services dits beyond banking ou extrafinanciers en collaborant avec des enseignes comme airbnb, uber, etc.»