L'industrie rejette en bloc le nouvel avant-projet de loi soumis à consultation publique. Selon le président de l'Amisole, il comprend plusieurs obstacles et contraintes qui ne sont pas adaptés à la réalité du marché des énergies renouvelables. Ce nouveau texte confirme un constat, le cadre légal relatif aux énergies renouvelables ne suit pas l'évolution de l'industrie. Khalid Semmaoui, président de l'association marocaines des industries solaires et éoliennes (Amisole), présente dans cette interview la position de l'industrie des énergies renouvelables par rapport au nouveau projet de loi relatif à l'autoproduction de l'électricité. Ce texte de loi apporte, selon le président, plusieurs nouvelles dispositions à même de compliquer la tâche aux industriels. Capacité d'accueil, procédure d'obtention des autorisations, multiplicité des intervenants, etc. Toutes ne semblent pas adaptées à la réalité du marché et sont non-conformes aux recommandations des industriels, souligne M. Semmaoui. Comment avez-vous réagi à la publication du nouvel avant-projet de loi ? Nous, professionnels du secteur et opérateurs privés, que ce soit en tant qu'industriels, intégrateurs, distributeurs ou installateurs, sommes extrêmement déçus par le projet de loi, tel que publié sur le site du Secrétariat général du gouvernement (SGG). Nous avons pourtant envoyé un courrier officiel au ministère de l'énergie le 18 février 2020, suivi d'une entrevue avec les responsables du ministère le 3 avril 2020, en plein confinement, et tenu une réunion présidée par le secrétaire général du ministère le 12 août 2020. Nous avons, à chaque fois, exposé nos remarques sur le projet de loi pour que, objectivement, on puisse développer un marché des énergies renouvelables pour les citoyens et les entreprises, dans l'intérêt du développement de notre pays. Qu'est-ce qui explique cette réaction ? Ce texte vient de fait apporter des contraintes qui n'existaient pas et qui ne permettaient la réalisation que de quelques projets par an. Nous pensons que tout le monde, les entreprises comme les personnes physiques, a le droit de profiter de la baisse du coût des énergies renouvelables. Pourriez-vous nous donner des exemples concrets ? Il faudra maintenant une autorisation, conditionnée par l'aval de multiples acteurs et par la fameuse capacité d'accueil qui, comme nous l'avons vu sur la loi sur les énergies renouvelables, est souvent mise en avant pour ne pas octroyer des autorisations justement. On avait demandé aussi à ce qu'il y ait un guichet unique, au niveau du ministère, pour traiter les demandes, homogénéiser le traitement des demandes, avec un délai clair pour avoir une réponse. Aussi, le seuil entre les différents régimes de déclaration et d'autorisation sera fixé par voie réglementaire mais on nous parle de seuils de 5,10 ou 15 KWc, ce qui est ridiculement bas. Nous proposons plutôt un seuil à 1 MWc au moins. Qu'en est-il des entreprises de services énergétiques ? Le modèle Esco ou PPA (entreprises de services énergétiques) est aujourd'hui un fait : plusieurs entreprises industrielles ont ou souhaitent faire appel à des prestataires spécialisés pour réaliser leur projet d'autoproduction sur leur propre site. Ces prestataires prennent en charge le coût de réalisation et de maintenance sur la durée, et facturent le KWh produit. Les entreprises industrielles clientes considèrent qu'elles ne sont pas compétentes pour mener ce genre de projets mais souhaitent, légitimement, contribuer au développement durable du pays et profiter d'un KWh, en partie moins cher. Ce modèle-là ne figure pas non plus dans ce projet de loi. Ce nouveau texte n'a-t-il pas permis l'injection dans le réseau ? Oui, mais la possibilité d'injection et de revente du surplus de production est dans la limite de 10% de la production annuelle. Dans les versions précédentes, on parlait de 20% !! Il faudrait pour cela payer des frais additionnels qui, comme le tarif de revente, seront définis plus tard. Le nouveau texte donne un an de délai aux installations existantes pour se conformer à la loi. Cela ne se justifierait que pour des raisons de sécurité, autrement la loi ne peut pas avoir un effet rétroactif. Il faut souligner aussi que des peines de prison sont prévues pour des entreprises qui auraient réalisé des installations ou augmenté la capacité d'installations existantes, sans autorisation !!! La loi peut prévoir des pénalités mais les sanctions d'emprisonnement devraient être laissées à la compétence du tribunal, si la gravité des faits le justifie. Que proposez-vous au ministère comme alternative ? Nous avons toujours plaidé pour une approche globale : une loi sur les énergies renouvelables, destinée aux grands projets et ceux utilisant le réseau d'électricité ; et une autre loi, celle de l'autoproduction, destinée aux projets petits et moyens, pour les personnes physiques et les entreprises souhaitant produire in situ. Nous avions même recommandé au ministère de ne pas amender la loi sur l'autoproduction tant que celle sur les énergies renouvelables n'est pas entrée en vigueur. Le but est de ne pas perturber un «marché» qui, même s'il est réduit, occupe des centaines de PME et d'auto-entrepreneurs, avec le savoir-faire et l'emploi qui vont avec. L'autoproduction doit être une chance pour notre pays. C'est une bouffée d'oxygène pour l'ensemble de la profession et notamment les PME, et une réelle opportunité de développement, et parfois la seule, pour les jeunes diplômés du domaine. Nous estimons objectivement que ce projet de loi est non seulement très loin des ambitions du secteur, mais qu'il aura, dans sa version actuelle, l'effet inverse en freinant des projets qui jusque-là pouvaient être réalisés sans entrave, et qui ne représentent au maximum que quelques dizaines de MWc par an, très loin des projets en centaines de MWc de MASEN par exemple.