Un nouveau souffle pour le monde de l'entrepreneuriat et de l'innovation. Certains seuils de souscription au capital et de dons fixés dans le projet de loi sont à revoir selon les professionnels. Pour une plate-forme, il faut un capital minimum de 300 000 DH. Le tant attendu projet de loi n°15-18 relatif au crowdfunding a récemment été adopté par le conseil de gouvernement. L'avancée législative pour cette alternative au financement traditionnelle est clairement une aubaine pour les porteurs de projets, et un réel stimulus pour le monde des start-up, de l'entrepreneuriat et de l'innovation. On ne définit plus le crowdfunding. Son principe de base est simple : un groupe de personnes finance directement le projet d'un ou plusieurs individus pour différentes motivations (sociales, économiques, etc.). Il permet donc au porteur de projet d'accéder à une sorte d'épargne populaire. En parallèle, il donne au contributeur la possibilité de choisir le projet à financer, de le suivre sur une plate-forme. Celle-ci sera labélisée et répondra à des règles de l'Autorité marocaine du marché des capitaux, pour assurer un maximum de sécurité pour l'épargnant contributeur. Généralement, le crowdfunding se présente sous quatre formes principales, à savoir le don, le prêt, l'achat/pré-vente et l'investissement. Adnane Addioui, président du Centre marocain pour l'innovation et l'entrepreneuriat social (MCISE), explique que «jusqu'ici, le don est de loin la forme la plus répandue pour financer des projets associatifs culturels et caritatifs». Il faut dire que malgré un vide juridique qui a duré plusieurs années, les plateformes de crowdfunding se sont accrochées en essayant de s'adapter à un semblant de cadre législatif. Que va apporter cette nouvelle loi sur le crowdfunding ? «C'est un nouveau souffle apour le développement économique et social du Maroc. Dans le sens où elle permettra une meilleure inclusion financière des petits projets qui trouvent des difficultés à accéder aux sources de financement classique (en capital ou en dette). Avec l'adoption de cette loi, nous pourrons voir l'émergence de projets créatifs, innovants et à fort impact social», s'enthousiasme M.Addioui. Pour Zakaria Fahim, président de la commission PME au sein de la CGEM et de BDO Maroc, «ce projet de loi est du pain béni pour le secteur. Il est important aujourd'hui d'ouvrir les vannes et permettre aux acteurs de démarrer et aller chercher au plus près des projets innovants dans toutes les régions du Royaume, toucher plus de personnes pour avoir plus d'impact. C'est cela l'intérêt du crowdfunding». Pour M. Addioui, la forme prêt et investissement sera vraisemblablement une aubaine pour les porteurs de projets, encore faut-il que les individus jouent le jeu. «Il est utile de préciser que le crowdfunding s'adresse surtout aux start-up innovantes dans leur premier stade de vie, une phase connue pour être fortement risquée, nécessitant une mobilisation significative de ressources financières. Sans substituer les banques, cette loi permet à ces start-up innovantes de trouver une offre plus en adéquation avec leurs spécificités. Ainsi, le crowdfunding vient en complément aux services des banques, et se consacre spécifiquement aux besoins en fonds propres non financés par celles-ci». Des seuils de don à revoir Au delà de l'engouement qui entoure cette avancée en matière de législation, le projet de loi devrait être soumis à quelques ajustements, selon les acteurs de ce marché. De l'avis de M. Fahim, «le projet ne permet pas à quelqu'un qui fait des dons de faire aujourd'hui de l'equity». Et d'ajouter : «A mon sens, il faudrait lancer au moins deux activités et non pas une pour que cela soit rentable». Aussi, «certains seuils sont à revoir», enchaîne-t-il. M.Addioui, quant à lui, estime que «les autres formes, notamment de dons et d'achat, risquent de ne pas se développer au Maroc, et, pour cause, des procédures potentiellement fastidieuses et un capital minimum imposé de 300 000 DH. Ces conditions pourraient dissuader plusieurs acteurs». Dans ce sillage, le projet de loi dans son article 15 stipule que le siège social des sociétés gestionnaires des plate-formes électroniques doit être établi au Maroc. Elles devraient, en outre, disposer d'un capital minimum de 300 000 DH, complètement libéré lors de la constitution. Aussi, elles devront présenter des garanties suffisantes quant à leur organisation, leurs moyens humains et techniques et leur système d'information (sécurité, lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, etc.). Elles sont également tenues de détenir un ensemble d'informations relatives aux porteurs de projets et aux contributeurs. Elles sont également appelées à fournir au public toutes les données relatives aux projets présentés sur les plateformes, pour que ce dernier mesure l'intérêt de chaque projet et les risques potentiellement encourus. Campagne crowdfunding [tabs] [tab title="Comment se déroule une campagne crowdfunding ?" id=""]Typiquement, les appels de fonds se font sur une plate-forme en ligne qui collecte l'argent et le reverse par la suite au porteur de projet, après déduction des frais de la plate-forme et du partenaire de traitement des paiements. C'est d'ailleurs l'une des plus grandes forces de ce type de financement. La combinaison de la technologie numérique et des process développés par des analystes permet de traiter les dossiers très rapidement. Les plate-formes de crowdfunding étudient chaque projet en profondeur. Une fois la phase de sélection réussie, le projet est présenté au public. Les seuils et les plafonds varient selon le projet. Quelques heures ou quelques jours suffisent à récolter les fonds demandés. Puis la plate-forme débloque l'argent au bénéfice de l'entreprise. Entre le dépôt du dossier et la réception des sommes, le temps qui s'écoule est particulièrement court si l'on compare avec les établissements bancaires traditionnels.[/tab] [/tabs]
Campagne crowdfunding
[tabs] [tab title="Ce qu'il faut retenir pour réussir sa campagne" id=""]Publier simplement son projet sur une plate-forme ne garantit nullement le succès d'une opération de levée de fonds. Réussir une campagne de financement participatif demande une implication du porteur de projet et il est indispensable qu'il soit fortement mobilisé. Il faudra avant tout définir le cadre de sa campagne, à savoir son objectif financier, sa date de lancement et sa durée. En écrivant "sa story telling" (l'histoire de son projet), les experts du crowdfunding conseillent d'utiliser un ton direct et humain et d'éviter le discours commercial impersonnel. S'agissant des contreparties, elles doivent être attractives pour les futurs contributeurs. Une fois sa story telling finalisée, il faudra lancer sa campagne de communication (lister les différents réseaux mobilisables afin d'adapter le message à chacun d'entre eux, établir un planning de communication pour la durée totale de la campagne) Il est fortement recommandé de communiquer, notamment à son réseau proche, avant même le début de la campagne. Lorsque celle-ci est terminée, si l'objectif est atteint, il faut naturellement penser à remercier l'ensemble des contributeurs et planifier la remise des contreparties. Si l'objectif n'est pas atteint, les contributeurs sont remboursés.[/tab] [/tabs]
[tabs] [tab title="La Loi n° 15-08 en bref" id=""]Après plusieurs années d'étude, le cadre juridique commence à prendre forme. Le texte prévoit, tout d'abord, la création du statut de gestionnaire de plate-formes de financement collaboratif (PFC) – en l'occurrence les sociétés de financements collaboratifs (SFC). Il définit aussi le dispositif d'agrément par l'administration des SFC et de supervision des activités de financement collaboratif. Un dispositif assuré par la Banque Centrale pour les activités de prêt et de don et par l'Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) pour les activités d'investissement en capital. Le texte prévoit également les procédures et les modalités de création et de fonctionnement des PFC, et la définition des engagements et des obligations des SFC en matière d'information du public, de publicité, et de reporting, par exemple. Il fixe aussi les règles à respecter en matière de vérification préalable des projets à financer, de sécurisation des transferts et de protection des contributeurs et fixe également l'établissement de plafonds en termes de montants à lever par projet et par contributeurs pour les différentes formes de financement. Enfin, le texte prévoit la définition de règles spécifiques à chacune des formes de financement collaboratif.[/tab] [/tabs]