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La justice dans l'Å"il du cyclone
Publié dans La Vie éco le 12 - 12 - 2003

Pour combattre la transhumance des députés, le ministre de la Justice
recourt au Code pénal.
Selon les juristes, la qualification juridique invoquée par le ministre
peut difficilement être opposée à un tribunal.
D'autres difficultés d'ordre procédural risquent de
compliquer la tâche.
Juges corrompus, magistrats en colère, conflit à peine voilé avec la Chambre des conseillers à propos de la transhumance, cette fin d'année s'annonce plutôt chaude pour Mohamed Bouzoubaâ, ministre de la Justice. Jamais son département – et de manière générale les professions dont il a la tutelle – n'auront été autant pointés du doigt, autant sollicités pour jouer un rôle plus actif. La médiatisation poussée des événements récents, conjuguée à l'exigence de transparence émanant d'une opinion publique avertie, ont fait emballer la machine.
Il n'est donc pas étonnant de voir Mohamed Bouzoubaâ effectuer deux sorties médiatiques en cinq jours seulement. Samedi 6 décembre, il donnait son point de vue dans les colonnes du Journal Hebdomadaire. Mercredi 10, il remettait le couvert en défendant ses positions dans le quotidien Aujourd'hui le Maroc.
La transhumance parlementaire n'est pas la moindre de ces affaires. Ce mal pernicieux qui gangrène la crédibilité du Parlement est de nouveau d'actualité. Le ministre de la Justice a décidé de nettoyer les écuries d'Augias de l'institution législative et d'agir par voie judiciaire pour endiguer cette pratique de la honte.
Ainsi, La Vie éco a appris de source autorisée au département de la Justice, qu'après enquête et instruction, des poursuites judiciaires seront engagées contre les parlementaires coupables de transhumance sous les chefs d'inculpation de corruption, d'escroquerie ou d'abus de confiance. Des délits punis par le Code pénal.
Une initiative louable et courageuse. Mais pourra-t-on résoudre un fléau politique par voie judiciaire et, surtout, surmonter les difficultés juridiques qui entraveraient sa mise en œuvre ? Sans compter qu'il faudra vaincre les résistances des deux Chambres du Parlement. Et surtout, le ministre de la Justice s'y est-il bien pris ?
L'affaire s'était déclenchée mardi 11 novembre 2003, lors d'une séance de questions orales à la Chambre des conseillers. L'annonce avait fait l'effet d'une bombe. M. Bouzoubaâ avait révélé l'ouverture d'une enquête judiciaire sur les circonstances dans lesquelles 79 parlementaires (44 représentants et 35 conseillers) avaient changé de groupe parlementaire. Une première.
Le ministre de la Justice a ainsi adressé, à la fin du mois de novembre, une lettre officielle au président de la Chambre des conseillers, Mostafa Oukacha, lui enjoignant de lui fournir la liste de tous ceux qui ont changé de groupe parlementaire. Jusqu'à aujourd'hui, le département de la Justice n'a reçu aucune réponse.
La Chambre des conseillers refuse de communiquer la liste des transhumants
D'ailleurs, au bureau de cette Chambre, on affirme que l'on s'oriente vers le rejet de cette démarche. Pourquoi ? Trois arguments sont avancés. Primo, la procédure de poursuite judiciaire contre les députés est régie par l'article 39 de la Constitution, relatif à la levée de l'immunité parlementaire. Secundo, c'est le Premier ministre qui est censé être l'interlocuteur gouvernemental du Parlement. Tertio, les listes des groupes parlementaires sont disponibles, puisqu'elles sont publiées au Bulletin officiel au début de chaque année législative. S'agit-il d'arguments dilatoires pour bloquer cette initiative ou plutôt d'un point de vue juridiquement défendable ? La vérité est probablement entre ces deux assertions.
Mais même si la transhumance parlementaire est éthiquement condamnable et politiquement déstabilisante, la lutte contre ce phénomène pose de sérieux problèmes juridiques. Najib Ba Mohammed, professeur de droit constitutionnel à Fès, en dénombre trois : «Le premier est celui de savoir si le député a le droit ou non de changer de groupe parlementaire, le deuxième concerne la qualification juridique de la situation héritée de la pratique de la transhumance, le troisième problème est relatif à la levée de l'immunité parlementaire et de la juridiction compétente. Il s'agit donc d'un ensemble complexe de faits qui interpellent le droit, le juriste et le juge».
Sur la première question, la Constitution est sans équivoque. La liberté politique est garantie aussi bien au député qu'au citoyen. Le passage d'un parti à un autre ou d'un groupe parlementaire à un autre n'est interdit par aucun texte légal au Maroc. Mieux encore, le Conseil constitutionnel a déjà invalidé des tentatives visant son interdiction par les règlements intérieurs du Parlement.
Le problème ne se pose donc pas à ce niveau-là. Si la transhumance était un phénomène marginal, et motivé par des divergences politiques, comme cela est le cas dans toutes les démocraties du monde, personne n'y trouverait rien à redire. Or chez nous, l'ampleur du phénomène (79 députés sont actuellement concernés) et les fortes suspicions de corruption qui pèsent sur nombre de transhumants heurtent de front l'éthique publique.
Un problème de lecture juridique
Qu'en est-il de la qualification juridique sur la base de laquelle se feront les poursuites judiciaires contre les députés transhumants ? Comme ils ne peuvent pas être poursuivis pour transhumance parlementaire, puisque cette dernière n'est punie par aucune loi, ils le seraient sous les chefs d'inculpation de corruption, d'escroquerie ou d'abus de confiance. La transhumance est ainsi assimilée à ces délits punis par le Code pénal. Si pour la corruption, les choses s'entendent d'elles-mêmes, que viennent faire l'abus de confiance et l'escroquerie dans cette affaire ?
Explication du ministère : les députés transhumants ont mené campagne sous la couleur d'un parti. Une fois élus, ils sont passés dans le groupe parlementaire d'un autre parti. Ce faisant, ils auraient abusé de la confiance de leurs électeurs et de leurs partis d'origine et auraient, de plus, escroqué l'Etat puisque leur campagne électorale avait été financée, en partie, par les deniers publics.
Ce raisonnement soulève plusieurs difficultés juridiques. Un juriste, ancien ministre de la Justice, semble très sceptique sur la pertinence et les chances de recevabilité de cette qualification juridique. «Poursuivre quelqu'un sous le chef d'inculpation d'escroquerie suppose que les éléments constitutifs de ce délit, définis de façon précise par le Code pénal (voir encadré), soient réunis. A priori, ils peuvent difficilement l'être dans le cas de la transhumance parlementaire. De plus, ce sont les électeurs et les partis politiques, victimes supposés de l'escroquerie, qui doivent prouver le préjudice subi. Enfin, il me semble qu'il y a une espèce de placage de concepts politiques sur des notions juridiques».
Donner l'exemple en poursuivant les corrompus
Le politologue Mohamed Berdouzi raisonne, lui, en termes d'efficacité de la démarche du ministre de la Justice. S'il admet qu'elle est courageuse, il estime que pour être efficace, il vaudrait mieux qu'elle privilégie une seule qualification juridique plutôt que de se disperser dans toutes les directions. «Si l'on arrive à démontrer que des députés ont transhumé en échange d'une contrepartie financière, on réussira au moins à donner l'exemple».
Par ailleurs, le raisonnement sous-jacent à cette qualification juridique proposée par le ministre de la Justice est en contradiction avec la conception même du mandat représentatif consacrée par la Constitution marocaine. «Au Maroc, affirme M. Berdouzi, le mandat de député est représentatif et non pas impératif. L'élu ne représente pas uniquement les électeurs de sa circonscription, mais plutôt la Nation dans son ensemble. Par voie de conséquence, il a toute latitude de changer de parti politique ou de voter avec indiscipline, en son âme et conscience. Et cela arrive dans les démocraties les mieux établies».
Par ailleurs, et même à supposer que tous ces obstacles aient été surmontés, la volonté d'engager des poursuites judiciaires contre des députés transhumants butera inévitablement sur la procédure de levée de l'immunité parlementaire. Cette procédure complexe et vague à souhait, en plus d'un esprit de corps très ancré, ont fait qu'il y a eu un cas unique de levée de l'immunité dans toute l'histoire parlementaire du pays (voir encadré).
Et comme si les choses n'étaient pas déjà suffisamment compliquées, un projet de loi qui tente de préciser et de fixer cette procédure est «à l'examen» à la Commission de la justice et de la législation de la Chambre des représentants depuis juillet 2002 !
Une pathologie politique exige des remèdes politiques
Si, dans le combat contre la transhumance parlementaire, la voie judiciaire semble ainsi bloquée, ou du moins difficile d'accès, c'est que la solution est à rechercher ailleurs. Il faudrait peut-être s'inspirer de la méthode utilisée, avec succès, pour encadrer la multiplication anarchique des candidatures SAP (suite à cela il y a eu très peu de candidatures SAP aux législatives du 27 septembre 2002). Tout en garantissant ce droit, son exercice a été encadré par des conditions sévères voire dissuasives. On pourrait ainsi limiter, dans les règlements intérieurs des deux Chambres, le nombre de fois où un député peut changer de groupe parlementaire durant un mandat législatif ou fixer des critères de candidatures partisanes aux élections dans le projet de loi sur les partis politiques. La racine du mal se situe donc de toute évidence en amont des élections au niveau des partis politiques.
Le politologue Abdelaziz Jazouli met justement l'accent là-dessus. Pour lui, la transhumance est un phénomène qui peut s'expliquer par la nature des partis politiques marocains : certains d'entre eux ne disposent d'aucune culture partisane affirmée pour fidéliser leurs membres, d'autres vivent une crise interne qui pousse nombre de leurs cadres à choisir des cieux plus cléments. Ils deviennent ainsi des vecteurs d'ascension sociale.
Mohamed Tozy va encore plus loin et pose le problème à un niveau plus global : «La transhumance doit se régler au niveau de la culture politique et de la classe politique elle-même. Il doit y avoir une sorte de modus vivendi sur une morale de comportement. Sans cela, toute transhumance est une trahison de la confiance que l'électeur a placée en son élu et un discrédit total jeté sur le jeu politique dans son ensemble»


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