L'annonce d'une décision impopulaire n'est pas facile ; la forme est aussi décisive que le fond. Ne jamais s'isoler dans sa tour d'ivoire, les échanges permettent de renforcer l'adhésion de l'équipe. Respecter ses promesses si un marché a été conclu. «La nouvelle a été brusque», témoigne Rachida B., attachée commerciale dans une société informatique. Lors d'une réunion impromptue, la direction annonce la décision: leur siège doit fermer pour cause de non-respect des normes de sécurité. Le rapport d'audit a été formel : les issues de secours sont insuffisantes, l'effectif est trop important par rapport à la superficie des locaux, les dispositifs de désenfumage ne sont plus aux normes… Le bâtiment doit être fermé durant quelques mois pour travaux. Entre-temps, les 500 salariés du bâtiment sont dans l'expectative. Des rumeurs ont alors commencé à circuler : la décision était une ruse du management pour fermer le site, toute reprise serait précédée de licenciements, le bâtiment était déjà vendu à un promoteur qui voulait le transformer en bureaux de haut standing… Bref, toutes sortes de spéculations. A juste titre, d'ailleurs. En effet, des cas pareils ont été observés sur la place, notamment dans le textile. Ainsi, il y a quelques années, un patron a profité des longues fêtes de l'Aïd El Kébir pour démonter les machines et prendre la poudre d'escampette. Il a donc fallu une mobilisation générale des employeurs de Rachida B. pour calmer le personnel et l'assurer que l'activité serait transférée avec les mêmes effectifs dans des locaux voisins… Dans la vie courante, tout manager est souvent appelé à prendre des décisions qui ont des répercussions importantes sur la bonne marche de l'entreprise ou de l'équipe qu'il dirige : licenciement, rupture d'un contrat commercial, refus d'augmentation de salaire, orientation stratégique, abandon d'un produit, fermeture d'un site… Annoncer une mauvaise nouvelle, une technique managériale qui s'apprend Forcément, les collaborateurs ne manquent pas de s'interroger davantage sur les conséquences que sur les raisons, d'où des réactions assez brutales. Première chose à faire quand un problème survient : il faut oser l'annoncer soi-même aux concernés, car éviter la confrontation peut avoir des conséquences plus graves que le problème lui-même. Un exemple ? il peut arriver que la personne que vous avez chargée de le faire à votre place ne donne pas les bonnes raisons, ou en rajoute négativement sur votre compte pour se dédouaner. Vous avez alors non seulement une ou plusieurs personnes sur le dos, mais, en plus, le conflit prend une nouvelle tournure. Un jour ou l'autre vous risquez d'en faire les frais. Quand il faut monter au front, il convient de ne pas s'y prendre n'importe comment. Annoncer une mauvaise nouvelle est une technique managériale comme les autres, et, à ce titre, elle s'apprend. A défaut de bien la maîtriser, il faut minimiser au mieux les dégâts collatéraux. Comment faire? Que la décision ait un caractère courant ou stratégique, il convient de bien maîtriser l'information en essayant de distinguer les données essentielles de l'accessoire. Vous annoncez des restrictions budgétaires. Mettez-y la forme. «Il ne sert à rien de donner des arguments chiffrés à tous les coups pour faire passer le message. Il faut savoir montrer que la décision peut être temporaire et qu'en temps opportun, la situation s'améliorera», explique Mouhcine Ayouche, consultant coach et fondateur associé du cabinet BMH Coach. Refuser d'accorder une augmentation n'est pas non plus chose aisée : un manager ne peut évoquer les mauvais résultats de l'entreprise et s'offrir une voiture à un million de dirhams par la suite. Autre principe : ne jamais regretter ses choix. «Si le manager le fait, il perd sa crédibilité et la confiance des autres. Il faut toujours être sûr et convaincu de ses décisions, qu'elles soient bonnes ou mauvaises», souligne pour sa part Khadija Boughaba, DG du cabinet Invest RH. Néanmoins, il n'y a pas de honte à prendre du recul quand les collaborateurs ne suivent pas. Un bras de fer est toujours préjudiciable à l'entreprise, quel qu'en soit le vainqueur. Moralité : ne jamais s'enfermer dans sa tour d'ivoire. L'adhésion joue en effet un rôle important dans la mise en œuvre d'une décision. Cela ne signifie pas qu'il faille opter pour une décision collégiale à tous les coups pour fuir ses responsabilités. Un échange peut toujours être fructueux, il permet de neutraliser les préjugés et de renforcer l'engagement des uns et des autres. Donnezà vos collaborateurs l'envie de coopérer Il arrive cependant que, en dépit de tous les efforts qui sont déployés pour informer et expliquer, une décision s'enlise dans le processus de communication. Que faire ? «Plutôt que d'insister, mieux vaut s'interroger sur la façon dont on a posé le problème», estime M. Ayouche. En l'explorant sous de nouveaux points de vue, en retravaillant sa formulation, on arrive souvent à une question plus pertinente, qui conduit à une solution plus simple, plus convaincante… Le plus dur reste cependant à gérer, tenir ses promesses. Si la mesure annoncée est limitée dans le temps, il est important d'y revenir quand les délais auront expiré. Le cas échéant, la perte de confiance des collaborateurs pourrait pousser au refus de toute autre initiative, pour peu qu'ils estiment qu'elle est de nature de remettre en cause leurs acquis.