L'évaluation n'est pas seulement un outil de motivation mais un moyen de développement pour le salarié. Pour que l'évaluation porte ses fruits, l'évaluateur doit avoir les pleins pouvoirs. Les managers ne savent pas forcément évaluer et doivent être formés pour cela. «Chaque fois, c'est la même chose», soupire Souad, cadre dans une multinationale. Face à son formulaire de préparation à l'entretien d'évaluation, elle a l'impression de reproduire tous les ans la même litane de réussites et d'échecs, sans vraiment comprendre ce qu'on attend d'elle. Pour nombre d'entreprises, le «grand oral» annuel approche. Ce face-à-face n'est jamais une simple formalité. C'est souvent là que se joue la crédibilité, le niveau d'augmentation du salaire voire l'avenir des salariés. Mais s'il se banalise, cet outil reste mal connu : évalués et évaluateurs n'en mesurent pas bien l'objectif ni les enjeux. Il est souvent pris comme une fin en soi et non comme support pour la mise en œuvre d'une politique ressources humaines. Il faut dire que la rémunération focalise l'attention – en particulier côté salarié – et constitue le principal point de désaccord. DRH, spécialistes en ressources humaines sont toujours face à ce dilemme : faut-il mettre la priorité sur le lien entre évaluation et salaire ou sur le développement des collaborateurs ? Les partisans de la rémunération considèrent qu'elle permet d'accroître les performances, en tout cas de les orienter dans le sens souhaité par la direction. Ils voient aussi dans cette démarche un outil de motivation et de gestion des coûts (plus de performances, moins de dépenses). Les autres pensent au contraire que la rémunération variable n'a aucun impact sur la motivation. Pour eux, elle conduit à des coûts plus élevés, crée des mentalités de mercenaires et est finalement improductive : on ne travaille plus pour une entreprise ou un projet mais pour l'argent. Il faut donc créer un environnement favorable à l'épanouissement individuel pour que le collaborateur puisse donner le maximum de son potentiel. Un entretien d'évaluation se prépare minutieusement des deux côtés L'autre sujet de discorde concerne la notation. D'une part, celle-ci se fait souvent sur une échelle subjective : grilles d'évaluation comprenant une série de questions de type QCM ou des questionnaires ouverts demandant au collaborateur de décrire la façon dont il a mené ses projets ou comment il envisage sa progression professionnelle. D'autres formulaires sont centrés sur des éléments difficiles à mesurer : transparence, loyauté, esprit d'initiative … Par ailleurs, les effets pervers sont nombreux. «On évalue mieux parce qu'on ne veut pas le conflit, on veut faire plaisir, ou l'on souhaite obtenir un minimum d'augmentation de salaire», explique Omar Benaini, consultant associé à LMS ORH. Il ne faut pas oublier qu'aujourd'hui, alors que la pression sur chacun augmente et révèle rapidement les niveaux d'incompétence, des évaluations de complaisance peuvent coûter cher en termes de crédibilité du management et d'équité, donc de motivation. Quoi qu'il en soit, il convient de bien expliquer l'évaluation et de définir les critères les mieux adaptés à l'entreprise. Par ailleurs, une bonne évaluation suppose une préparation des deux côtés et un entretien ouvert et direct. Il faut donc un certain courage aux supérieurs pour gérer ces situations. Malheureusement ces derniers ne sont pas formés aux entretiens (un manager est supposé savoir évaluer ses équipes). De plus, l'entretien d'évaluation est souvent considéré comme coûteux en terme de temps et les managers sont par ailleurs réticents à l'idée de consacrer du temps à une formation. Définir les critères d'évaluation les mieux adaptés à l'entreprise Heureusement, toutes les entreprises ne sont pas logées à la même enseigne. Les plus averties, comme Lydec ou le groupe Accor Maroc, font circuler des guides d'entretien d'appréciation qui mettent notamment l'accent sur les objectifs, le système de notation, les principaux points à discuter et les différentes étapes du processus. Afin que l'opération se passe dans de bonnes conditions, tous les collaborateurs sont informés une quinzaine de jours à l'avance pour préparer leurs arguments. L'objectif est de dédramatiser l'entretien et faire en sorte qu'il soit un moment d'échange bénéfique. Certains managers préconisent même d'organiser la séance dans un restaurant, autour d'un repas. Pour Meriem Bennis, responsable marketing dans une multinationale, «l'évaluation est le seul moment opportun qui permet de faire carrière ou plutôt motiver son départ de l'entreprise». Mohamed Daifi, quant à lui, préfère se concentrer sur l'avant entretien. «C'est un moment fort où il s'agit de soigner son image auprès de la direction générale. Il faut bien préparer ses arguments, sinon l'on risque de rater le coche», souligne-t-il. Comment ? En mettant en valeur ses meilleures réalisations. En tant que responsable de communication dans un office public, Karim S. n'hésite pas à les coucher noir sur blanc. Bref, l'évalué doit pouvoir user de tous les moyens pour améliorer ses chances. Autre facteur de réussite d'une bonne évaluation : les pleins pouvoirs pour l'évaluateur. «Les entreprises donnent la main au manager pour évaluer, mais on lui donne rarement le pouvoir de décision qui va avec ; par exemple celui de récompenser un collaborateur qui a réalisé de bons résultats. L'évaluation devient donc souvent une simple formalité annuelle», termine M. Benaini. «C'est d'abord un outil de motivation» La Vie éco : Dans quel cadre initiez-vous des programmes d'évaluation annuelle ? Mohammed Yousfi : Notre cabinet est spécialisé dans la formation, le conseil, l'audit et l'accompagnement en matière de qualité, sécurité, environnement et ressources humaines. Nous avons donc eu recours à l'évaluation annuelle au cours de nos missions externes avec nos clients. Nous pratiquons aussi l'évaluation annuelle en interne avec nos collaborateurs experts et formateurs auditeurs consultants. Cette évaluation se pratique avec tous les niveaux de l'entreprise : cadres supérieurs, cadres, agents de maîtrise et employés. Peut-on adopter une même approche pour tous ces profils ? L'objet de l'évaluation diffère d'un niveau à un autre et cela en fonction des objectifs globaux de l'entreprise et de ce qu'elle attend de son personnel. Pour les cadres supérieurs, l'évaluation peut se faire sur les points suivants : atteinte des objectifs (collectifs, de l'entité et individuels), l'évaluation concernant les compétences techniques, l'organisation et la planification, la capacité d'identifier les problèmes, la prise de décision, l'autonomie, la capacité de négociation, la délégation, le leadership, le sens de l'intérêt collectif, l'innovation, la capacité d'écoute, la capacité de contact, l'adaptabilité, la disponibilité et l'efficacité de la formation. Pour les employés, l'évaluation ne se passe pas de la même façon, l'accent sera mis sur les points suivants : atteinte des objectifs (de l'entité et individuels pas les objectifs collectifs, car l'employé ne prend pas de décision à l'échelle globale), l'évaluation concernant les compétences techniques, l'organisation et la planification, la capacité d'identifier les problèmes, la prise de décision, l'autonomie, la capacité à mettre en œuvre les actions, la capacité d'écoute, de contact, la disponibilité, le sens de l'intérêt collectif et l'efficacité de la formation. On constate que l'employé ne sera pas évalué sur le leadership, la délégation et la capacité de négociation pour lesquels les cadres supérieurs et les cadres seront évalués. Donc, chaque niveau de l'entreprise sera évalué en prenant en considération les tâches qu'il exerce. Quelles ont été les principales conclusions de l'évaluation annuelle ? Cela dépend du bilan que va faire le chef hiérarchique avec son collaborateur, mais il y a généralement trois principales conclusions : Maintien du poste avec ou sans proposition d'une augmentation de salaire, évolution vers un autre poste ou une autre fonction (surtout pour les personnes surdimensionnées ou sous-dimensionnées par rapport au poste), réorientation… Pour quelqu'un qui travaille dans le domaine technique alors qu'il est plus rentable dans le commercial, l'éva-luation permet de l'orienter vers le domaine où il est plus efficace. La conclusion du bilan des compétences peut donner lieu aussi à une proposition de formation visant à développer la compétence de la personne évaluée et à élargir son domaine de compétence. L'évaluation annuelle est indispensable pour la motivation du personnel à travers le suivi des carrières et pour la rentabilité de la société car elle permet à la fin d'avoir la bonne personne à la bonne place brahim habriche Mohammed Yousfi Directeur général de La Marocaine de management QSE