Il est nécessaire de prendre en main son devenir et ne pas attendre que l'entreprise le fasse. Quand on a la responsabilité d'une équipe, il faut se tenir informé et ne pas cultiver l'opacité au risque de perdre sa crédibilité. Conflit social, chute des ventes, endettement, nouvelles stratégies en vue, réorganisation ou restructuration en perspective, contrainte de rentabilité de plus en plus accrue… les entreprises sont souvent exposées à des crises plus ou moins profondes. Comment doit-on réagir ? Doit-on tout plaquer et aller voir ailleurs ou bien essuyer la tempête en attendant des jours meilleurs ? Eclairage avec Youssef Tahiri, DG de MC Consulting. La Vie éco : Quelle est la nature des difficultés auxquelles peut être confrontée une entreprise ? Youssef Tahiri : Les problèmes que peut connaître une entreprise sont de diverses natures. Cela peut aller d'une simple difficulté passagère à la grosse crise qui peut remettre en cause sa pérennité. Un conflit social, un différend entre partenaires, des difficultés économiques sectorielles ou touchant l'environnement général de l'entreprise peuvent, à terme, générer des effets négatifs sur l'activité. Toute organisation peut être confrontée à des problèmes sans que le mal vienne de l'intérieur. Comment ces problèmes se répercutent-ils sur le personnel en général ? Sur le plan psychologique, cela engendre le stress et un sentiment d'insécurité, sachant que certains problèmes se traduisent parfois par des licenciements. Au niveau individuel, la gestion de telles situations diffère en fonction de la culture managériale de l'entreprise. On sera plus tranquille et mieux impliqué dans la recherche d'une voie de sortie de crise dans une entreprise qui développe les relations de confiance, l'esprit d'appartenance et la responsabilisation que dans celle où la communication est inexistante. Toujours est-il qu'on doit penser avant tout à sa situation personnelle ? Oui, dans la mesure où l'entreprise ne se préoccupe pas assez de la vie de ses collaborateurs, cadres ou employés. Par contre, dans les entreprises où le sacrifice et l'abnégation ont une signification et où, tout simplement, la culture est forte, la lecture de la situation sera différente. Néanmoins, il ne faut pas oublier que l'intérêt et la sécurité sont les premiers paramètres qui détermineront les comportements individuels. Pour un cadre qui dirige une équipe, la situation peut s'avérer plus compliquée à gérer, surtout s'il ne dispose pas des informations nécessaires pour rassurer ses collaborateurs. En cas de grosses difficultés, il est nécessaire d'aller chercher l'information à la direction si l'entreprise ne communique pas. C'est une attitude positive et constructive que de chercher à comprendre. D'une part, cela permet de faire taire les rumeurs. D'autre part, on montre son degré d'implication. Mais il me paraît inconcevable que la direction générale ne puisse rassurer ses cadres dans les moments cruciaux. Quel que soit le niveau hiérarchique, un manager qui n'a pas la possibilité d'informer ses collaborateurs, et par conséquent de les rassurer en cas de problème, finit par perdre sa crédibilité. De toutes les manières, pour gérer une situation de crise, il existe autant de méthodes que d'entreprises et de problèmes. Doit-on tout plaquer si les problèmes persistent ? J'ai cité auparavant les critères organisationnels et individuels, mais je pense qu'il en existe un troisième : le marché de l'emploi. Tout est question de potentiel et d'employabilité. Ceux qui sont sûrs d'eux ne vont pas attendre que la situation pourrisse davantage. Les autres, qui estiment ne plus avoir de chance de se recaser ailleurs, vont plutôt essayer de s'accrocher. C'est une situation très délicate pour eux… Effectivement. Mais, j'ai tendance à dire qu'on doit penser constamment à l'employabilité, indépendamment des situations de crise. Il va de soi que si on arrive à la développer, il sera possible de s'en sortir. Ceci d'autant plus que rien n'est définitivement acquis dans l'entreprise. Bref, on doit prendre en main sa carrière et son devenir et ne pas attendre que l'entreprise le fasse pour vous. C'est la meilleure façon pour se prémunir contre les mauvaises surprises. Est-ce à dire qu'on ne doit pas du tout compter sur l'entreprise ? Pas à 100 %. Pour la simple raison que la finalité de l'entreprise est par essence économique et non sociale. Il revient aux individus de se prendre en charge. Maintenant, si l'entreprise peut contribuer à l'employabilité et au développement personnel de ses employés, c'est une bonne chose, d'autant plus qu'elle a une responsabilité sociale envers eux. En parlant de crise, on s'est jusque-là limité à des problèmes à caractère économique, mais on remarque dans beaucoup d'entreprises un mal être qui pousse certaines personnes à partir. Qu'en pensez vous ? Beaucoup de cadres n'ont plus de visibilité sur la politique globale de leur entreprise. Ils ne voient plus où tout cela mène. Par exemple, on a vu des cadres européens diplômés de grandes écoles de commerce aller faire carrière dans l'enseignement parce qu'ils ont trouvé un sens à ce qu'ils font. Malheureusement, ce n'est pas le cas dans les entreprises. Certains n'arrivent plus à voir le lien entre ce qu'ils font au quotidien et les finalités de l'entreprise. Il y a aussi le cas des cadres qui finissent par démissionner moralement parce qu'ils n'ont pas la possibilité de se développer au sein de leur entreprise à cause d'une organisation défectueuse. Pour moi, tout cela est le résultat d'une défaillance du management. A ce niveau, le salut passe forcément par une bonne révolution managériale En cas de difficultés sérieuses, il est nécessaire d'aller chercher l'information auprès de la direction, si l'entreprise ne communique pas. C'est une attitude positive et constructive que de chercher à comprendre. D'une part, cela permet de faire taire les rumeurs. D'autre part, on montre son degré d'implication. Youssef Tahiri, DG de MC Consulting On ne peut pas totalement compter sur l'entreprise pour la simple raison que sa finalité est par essence économique et non sociale.