Le marché de la gestion déléguée des décharges totalise un chiffre d'affaires de 495 MDH. Le volume global des déchets ménagers et assimilés est de 6,5 millions de tonnes pour un taux de collecte de 85,2%. Seulement 10% des volumes sont recyclés alors que l'objectif de l'Etat est d'arriver à 20% en 2020. Le business de la gestion des déchets ménagers a de beaux jours devant lui. Urbanisation, soutien public à la réhabilitation des décharges sauvages et la construction de centres d'enfouissement et de valorisation (CEV) avec à la clé un budget dédié de 8 milliards de DH, cadre réglementaire plus contraignant pour les collectivités locales, opinion publique de plus en plus sensible aux questions environnementales… Les vents favorables à la naissance d'une économie florissante des déchets sont en train de souffler. Néanmoins, le décollage du secteur demeure confronté à une contrainte de taille : la viabilité économique des projets, souvent fragilisée par des collectivités locales en manque de moyens financiers et humains. Selon les statistiques les plus récentes du secrétariat d'Etat chargé du développement durable (SEED), le volume global des déchets ménagers et assimilés est de 6,5 millions de tonnes pour un taux de collecte de 85,2%. Dominé essentiellement par des filiales marocaines de groupes internationaux, le marché de gestion des décharges engrange un chiffre d'affaires de 495 MDH dans le cadre de 19 contrats couvrant 120 communes, à en croire le ministère de l'intérieur. Le financement fait défaut Tout comme la collecte des déchets, la gestion déléguée de l'exploitation des décharges publiques et de la gestion des déchets ménagers est une activité récente au Royaume. Elle touche à différents métiers à haute valeur ajoutée comme l'aménagement, l'exploitation ou la valorisation énergétique. «Nous avons démarré notre première expérience au Maroc en 2000 dans la ville de Fès. Auparavant, les communes géraient directement leurs décharges qui échappaient à tout contrôle ou gestion moderne», indique Ahmed Hamidi, patron de la multinationale américaine Ecomed, première société à s'être associée à une collectivité locale pour gérer sa décharge et valoriser ses déchets. A ce jour, Ecomed détient plus de 50% de parts de marché en volume de déchets et en nombre de contrats (Casablanca, Fès, Marrakech, Ifrane, Laâyoune, Dakhla, Beni Mellal, Mohammédia). «Devant la faiblesse des moyens financiers des communes qui font que le prix moyen à la tonne se situe autour de 150 DH contre 1000 dirhams en Europe, nous étions dès le départ intéressés par la valorisation pour améliorer», détaille M. Hamidi. Ce constat fait l'unanimité parmi les patrons du secteur. «Les communes n'ont pas les moyens financiers et sont souvent mal outillées pour assurer une bonne gouvernance des contrats, d'autant plus qu'elles sont mauvaises payeuses» confirme Abdewafi Said, patron de SOS NDD et président de l'Association marocaine de collecte et du nettoiement (AMCN). «Nous avons des arriérés de plusieurs années comme à Berkane où nous n'avons pas été payés depuis 2014», illustre-t-il. Autre défi que doit relever la filière marocaine : la nature des déchets ménagers au Maroc, dominée à plus de 70% de matières organiques avec une forte teneur en humidité (67%) et un faible pouvoir calorifique. Cet état de fait rend caduque la faisabilité technique de certains procédés de valorisation comme l'incinération. De plus, les technologies mondiales de traitement de lixiviats sont pour la plupart inappropriées. Résultat, les opérateurs sont contraints d'investir en recherche et développement et les collectivités acculées à revoir leurs schémas directeurs de gestion des déchets. Sept mille chiffonniers à intégrer Qu'en est-t-il de la valorisation et du recyclage ? La sous-filière de la valorisation est encore à ses balbutiements. Là encore, c'est Ecomed qui a démarré cette activité dans sa décharge à Fès à travers la valorisation énergétique des déchets en produisant de l'électricité à partir du biogaz. Celle-ci est injectée dans le réseau d'éclairage public permettant à la ville de réduire la facture énergétique (30%) et à l'entreprise de gagner davantage. Mieux encore, les tonnes de CO2 évités grâce à ce genre de projets sont monnayés sur le marché carbone entre 5 et 8 dollars. «Ce modèle a été dupliqué dans nos sites à Marrakech et à Mohammédia dont les petites centrales entreront en service au courant de cette année», confie M. Hamidi. L'ouverture du marché électrique de la moyenne tension permettra d'améliorer l'attractivité de la branche de valorisation énergétique. «Mis à part la valorisation énergétique, le compostage présente un potentiel énorme au vu de la prépondérance des matières organiques et les conditions climatiques au Maroc», observe Aziz Badraoui, patron d'Ozone, un des leaders du secteur. De son côté, la branche du recyclage est tout aussi embryonnaire. Alors que le volume annuel des déchets recyclables est estimé à 850000 tonnes, le taux de réalisation ne dépasse pas 10% sachant que l'objectif fixé par le gouvernement est de 20% à l'horizon 2022. Valeur aujourd'hui, seuls trois centres tri (Rabat, Fès et Meknès) ont été mis en service depuis le démarrage de la gestion déléguée des décharges. Enfin, l'enjeu social de taille de cette sous-filière est d'intégrer pas moins de 7 000 chiffonniers. [tabs][tab title ="Programme national des déchets ménagers (PNDM)"]Elaboré par le Secrétariat d'Etat chargé du développement durable et le ministère de l'intérieur avec l'appui de la Banque Mondiale, le programme national des déchets ménagers (PNDM) constitue en quelque sorte la stratégie publique du gouvernement marocain dans le secteur de la gestion des déchets ménagers et ses branches d'activités. A en croire le dernier bilan présenté mardi 5 juin dernier par la Secrétaire d'Etat Nezha El Ouafi en marge d'une journée d'étude, le taux de collecte a atteint 85,2% tandis que le nombre de décharges sauvages réhabilitées et celui des décharges contrôlées est respectivement de 47 et 23. Vingt-cinq centres d'enfouissement et de valorisation (CEV) ont été aménagés et 25 sont prévus au titre du plan quinquennal 2018-2022. Programmés pour 2018, 15 centres de tri s'ajouteront aux trois centres déjà existants. Si la majorité des professionnels du secteur sont quasi unanimes à souligner l'importance du PNDM pour mettre de l'ordre dans le secteur, d'autres jugent que la cadence doit être accélérée pour atteindre les objectifs fixés à l'horizon 2022 (taux de collecte de 90%, doter tous les centres urbains de CEV et réhabiliter toutes les décharges sauvages). Pour rappel, l'enveloppe du PNDM s'élève à 40 milliards de DH. [/tab][tab title =""][/tab][/tabs]