La session de printemps s'ouvre vendredi 13 avril alors que la session extraordinaire n'est toujours pas clôturée. Le projet de loi portant réforme du livre V du code de commerce a été adopté en deuxième lecture. La réforme de l'enseignement, la langue amazighe, le droit de grève, le code pénal, autant de sujets qui feront débat ces quatre prochains mois. C'est cette semaine que démarre la deuxième session parlementaire de cette deuxième année législative. La session de printemps qui commence le deuxième vendredi du mois d'avril, connaît habituellement une montée en régime. Les parlementaires ont, en effet, un peu plus de temps pour améliorer leur rendement puisqu'une bonne partie de la session d'automne est consacrée exclusivement au débat et au vote du projet de Loi de finances. C'est souvent la période pendant laquelle le débat parlementaire est moins électrique, mais plus riche. Cette année ne devrait pas déroger à la règle, sauf peut-être que les parlementaires sont déjà en activité depuis deux semaines. La session extraordinaire, décrétée le 26 mars, n'a pas encore fini que la session ordinaire commence déjà, ce qui est une première en soi. «Ce n'est pas vraiment une première, explique Chokrane Amam, chef du groupe parlementaire de l'USFP, mais c'est un cas très rare puisqu'il n'est arrivé qu'une seule fois». Dans ce cas, la session n'est pas clôturée par décret comme le veut la loi, puisque l'ordre du jour n'est pas épuisé, et on passe donc directement à la session ordinaire, qui, elle, sera clôturée dans quatre mois, explique la même source. Les deux projets de loi alibi de cette session extraordinaire n'ont finalement pas été adoptés aussi rapidement qu'on l'aurait pensé. Il s'agit rappelons-le de la réforme du Livre V du code de commerce, importante pour améliorer le rang du Maroc dans le classement du Doing Business de la Banque mondiale et le projet de loi relatif à la formation continue également indispensable pour que le Maroc bénéficie d'une cagnotte prévue pour le secteur dans le cadre du Millenium Challenge. Certes, le gouvernement a fait jouer le poids de sa majorité et les deux projets sont presque passés comme une lettre à la poste à la première Chambre, l'Exécutif a d'ailleurs accepté sans difficulté les 39 amendements proposés par les députés, mais il n'en a pas été de même à la deuxième Chambre. Les conseillers ont jugé bon d'y apporter leur lot d'amendements, 9 au total. Ce qui est suffisant pour renvoyer le texte en deuxième lecture et donc retarder son adoption et la clôture de la session extraordinaire. Le texte a été finalement adopté par les députés, lundi, après avoir validé quatre des neuf amendements apportés par la deuxième Chambre. Le deuxième texte, portant sur la formation professionnelle, a connu un traitement différent. Les conseillers, principalement ceux de la CGEM mais également des syndicats et de certaines formations politiques, ont tout simplement décidé de le renvoyer en commission pour un examen plus approfondi. Des textes qui susciteront la polémique Les autres textes au programme ont tous été adoptés sans difficulté. Du moins pour certains. Au menu de la première Chambre se trouvent déjà trois projets de lois organiques en retard de presque deux ans par rapport au dead-line fixé par la Constitution. La loi organique relative à l'exercice du droit de grève, attendue depuis la Constitution de… 1962, n'a toujours pas été adoptée, alors que le texte est devant les députés depuis le 6 octobre 2016. Il a été remis à la commission concernée en février de l'année dernière, et puis on n'en a plus entendu parler. Deux autres textes, tout aussi polémiques, végètent dans les tiroirs de la commission depuis fin septembre 2016, il s'agit des projets de lois 04-16 et 26-16 relatifs respectivement au Conseil national des langues et de la culture marocaine et de la mise en œuvre de l'article 5 de la Constitution portant sur l'officialisation de la langue amazighe. Selon des parlementaires, seul le projet de loi relatif au Conseil national des langues et de la culture marocaines, déjà en phase très avancée, aura la chance d'être validé avant la fin de la session. Les deux autres textes étant très polémiques et nécessitent ample débat. Ils risquent fort probablement de faire un aller-retour entre les deux Chambres avant leur validation définitive. Bien sûr, d'autres projets de lois ordinaires, mais d'importance capitale, sont également attendus. Le chef du groupe parlementaire socialiste parle en ce sens du projet de loi relatif à l'institution du Médiateur, lui aussi arrivé presque au bout du circuit législatif, et les projets de réformes des codes de la procédure civile et pénale que le gouvernement vient de soumettre pour avis au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire. Est attendu également pour cette session le projet de loi-cadre 51-17, relatif à la réforme de l'enseignement, actuellement en attente de validation en conseil des ministres, qui ne manquera pas de susciter un grand débat au sein des deux Chambres. Entre autres textes d'importance déjà versés dans le circuit législatif, celui portant réforme de Bank Al-Maghrib. C'est un texte très attendu, estime-t-on. Deux projets de loi attirent également l'attention des analystes politiques. Les deux textes d'une portée stratégique portent sur la délimitation des eaux territoriales du Royaume, les frontières maritimes et la zone économique exclusive. La question est au cœur d'un différend avec l'Espagne qui a été portée, il y a près de dix ans, devant les Nations Unies, mais qui n'a pas connu d'avancée perceptible depuis. Toujours pas de journée pour les propositions Au total, ce sont pas moins de 28 projets de lois, dont six relatifs aux conventions internationales, qui sont actuellement en examen en commission au sein de la première Chambre. Des propositions de lois aussi, il y en a à volonté. On en compte pas moins de 83 qui ont été déposées mais dont la plupart n'ont pas encore été programmées, et risquent probablement de ne jamais l'être, en commission. Une bonne partie de ces propositions risque de passer à la trappe, il s'agit d'une quinzaine de propositions de lois organiques présentées par les députés. Le gouvernement estime, selon une interprétation qu'il a faite de la Constitution, que ce genre de textes ne peut émaner que du gouvernement, étant donné que les projets de loi organique doivent passer par le circuit de validation en conseil des ministres avant d'être déposés au Parlement. C'est d'ailleurs l'une des questions qui ont donné lieu à un débat vif entre les parlementaires et l'ancien gouvernement. Lequel débat a été tranché évidemment en faveur du gouvernement. Depuis, aucune proposition de loi organique n'a pu voir le jour. Malgré cela, les parlementaires continuent d'en déposer, estimant que, selon la Constitution, rien ne peut les en empêcher. Naturellement, c'est la proposition de loi portant réforme du régime de retraite des députés qui est la plus attendue, du moins par les premiers concernés, soit près d'un millier d'anciens parlementaires qui ne touchent plus leur «pension» depuis octobre de l'année dernière. Le texte est également intéressant à appréhender dans la mesure où il révèle l'existence de certains intérêts étriqués au sein de la majorité qui ne coïncident pas forcément avec l'ensemble de ses composantes. Le groupe PJD a décidé, en ce sens et pour des raisons qui lui sont propres, de faire cavalier seul en proposant la liquidation du régime, il a rapidement été rappelé à l'ordre. Une proposition de réforme commune a finalement été adoptée par la majorité et le groupe de l'Istiqlal. Cette mouture prévoyait un relèvement de l'âge de la retraite et du niveau des cotisations corrélé à une baisse de la base de calcul du montant de la pension. Mais alors que tout allait bien, les députés ont fait volte-face. Ils ont finalement estimé que ce n'est pas à eux de financer le déficit du régime. Ils ont donc rejeté, d'un commun accord, l'idée de la hausse des cotisations qui devaient passer de 2 900 DH actuellement à 3 400 DH. Cela dit, malgré l'engagement affirmé à maintes reprises du gouvernement, les députés, mais aussi les conseillers, n'ont toujours pas eu leur journée consacrée exclusivement au débat et, éventuellement, à l'adoption des propositions de lois. Le gouvernement a bien mis en place une commission ad hoc qui s'est penchée sur plusieurs dizaines de textes, et à en croire le porte-parole de l'Exécutif, celui-ci a bien réagi positivement à de nombreuses propositions, mais ça reste là. Entre-temps, les propositions s'accumulent sur les bureaux des deux Chambres. Outre les 83 textes présentés par les députés, les conseillers ont également remis aux services de la Chambre 45 propositions de loi dont la plus ancienne remonte à … 2015. En plus des propositions, les conseillers n'ont toujours pas décidé du sort réservé à quelque 24 projets de loi dont le plus ancien date de 2013, mais le plus polémique est sans doute celui lié à l'extension de l'assurance maladie aux parents des fonctionnaires resté bloqué dans la Chambre depuis l'ancien gouvernement. Ce qui fait dire à de nombreux observateurs, sans peut être le vouloir, la deuxième Chambre agit quelquefois en congélateur de textes. [tabs][tab title ="Une session d'automne chargée"]Pendant la dernière session d'octobre, le projet de Loi de finances a constitué la matière la plus consistante lors de cette session. Il a nécessité, pour son examen et son vote en commission, 12 réunions, 58 heures et 50 interventions des députés, outre les réponses du gouvernement. Pendant cette session, les commissions parlementaires ont tenu 152 réunions (soit 540 heures de travail), dont 111 consacrées à la législation et 41 au contrôle de l'action gouvernementale. Au lendemain de sa clôture, le gouvernement parlait d'une «session d'exceptionnelle» aussi bien au niveau législatif que de contrôle de l'action du gouvernement. L'Exécutif qualifie également le bilan de la session de «considérable». Et ce, dans le sens où les députés ont pu examiner et adopter pas moins de 25 projets de lois, ce qui porte le nombre de textes adoptés depuis le début de la législature à 71projets de lois. Concernant les propositions de lois, on parle au sein du gouvernement de «progrès notables» qui ont été réalisés à travers la mise en œuvre des dispositions de l'article 23 de la loi organique relative à l'action du gouvernement. Ce faisant, une commission technique a été mise en place et l'Exécutif s'était dit disposé à examiner 41 propositions de loi. Evidemment, aucune liste de ces textes n'a été publiée et, pis encore, seules deux propositions de lois ont fini par être adoptées pendant toute la session. En outre, et pour ce qui est du contrôle de l'action du gouvernement, le nombre de questions orales auxquelles le gouvernement a répondu lors des séances hebdomadaires au titre de la session d'automne a atteint 648 questions, sachant que le chef du gouvernement a répondu à 77 autres questions dans le cadre des séances mensuelles consacrées à la politique générale.[/tab][/tabs]