Une balle de 100 kilos de vêtements usagés se négocie à 25 000 DH et peut contenir des articles neufs de marque. Sources d'approvisionnement : Sebta, Melillia, Tétouan, Fnideq et Nador Un revendeur peut gagner entre 4 000 et 7 000 DH nets par mois. Chemises, foulards, pantalons, pulls et même lingerie féminine siglés par les grands créateurs de mode à bas prix ? à‡a existe, il suffit d'avoir la bonne adresse. Il faut dire que des grandes marques vendues entre 20 et 100 DH, ça vaut la peine pour des petites bourses ! Et ce n'est pas sur le fameux boulevard Al Massira de Casablanca qu'on trouvera cette manne, mais plutôt dans de petites échoppes situées dans des quartiers populaires, comme Hay Hassani, à Casablanca, oà1 s'est développé un grand marché de la fripe. Une ruelle entière, non loin de l'hypermarché Marjane, accueille ces commerces qui connaissent une activité intense surtout les week-ends. Ahmed, 36 ans, jeune diplômé en lettres, y tient une échoppe de fripes. «Cela fait deux années que je suis dans le circuit après avoir essayé en vain de trouver un emploi… Aujourd'hui, je gagne 6 000 à 7 000 DH par mois et je prends en charge toute ma famille». Dans son magasin, on trouve de tout : chemisiers, robes, ensembles, tee-shirts, foulards, soutiens-gorges, parfois des nappes ou des draps. Ses clientes, souvent des jeunes femmes actives au revenu limité. Mais, de plus en plus, des «femmes d'un niveau social élevé viennent chercher des pièces rares», raconte le jeune commerçant qui ajoute que «ces clientes me laissent parfois même leurs numéros de portable pour que je les rappelle dès qu'il y a un arrivage intéressant». Intéressant signifie un arrivage avec des articles neufs signés. Car le marché de la fripe, ce n'est pas seulement des vêtements usagés. Il y a également du neuf notamment des fins de série provenant de grandes surfaces étrangères et des restes d'export (articles non livrés ou rejetés par des donneurs d'ordre étrangers pour cause de malfaçon) que l'entreprise exportatrice commercialise localement sur ce marché parallèle, souligne un autre commerçant de Hay Hassani. Le gros des livraisons vient cependant principalement des villes du nord, notamment Tétouan, Fnideq, alimentées à partir de Sebta. Autre plaque tournante de ce commerce, Nador, approvisionnée directement par Melillia ou même par des circuits de contrebande en Italie. Naturellement, une «véritable bourse de la fripe existe aujourd'hui», explique R'kia, propriétaire d'une baraque de friperie. «Au début, je faisais le déplacement dans le nord pour ramener la marchandise, mais aujourd'hui, il y a un grossiste qui nous approvisionne. Je vendais les vêtements chez moi, mais le propriétaire, craignant des problèmes avec la Douane, m'a menacée d'expulsion. C'est pourquoi j'ai loué cette baraque et j'y suis installée depuis une année. Ce commerce me rapporte davantage que les tâches ménagères que je faisais chez certaines familles», confie R'kia qui, après avoir payé son loyer et son fournisseur, s'assure un revenu net «respectable» de 4 000 DH par mois. Avec 200 DH, j'ai pu habiller mes quatre enfants pour la rentrée La balle de 100 kilos est vendue à 25 000 DH par les grossistes installés dans le nord qui approvisionnent plusieurs villes notamment Casablanca, Rabat, Marrakech ou Témara. La balle contient des vêtements usagés et neufs. Ces derniers sont des bonnes affaires recherchées par la majorité des clients. Mais parfois, et cela arrive souvent, la balle peut contenir des articles en mauvais état, non commercialisables ou du linge de maison, moins prisé. Les prix de vente varient entre 3 DH (un foulard signé s'il vous plaà®t !) et 100 DH pour les robes, les vestes pour homme ou les ensembles pour femme. Les tee-shirts et pulls pour enfants sont vendus entre 5 et 15 DH. Et depuis quelques mois, les échoppes vendent aussi chaussures et espadrilles, un peu plus cher, entre 250 et 300 DH. Le prix constitue donc le principal critère d'achat pour une clientèle qui, même si elle dispose de moyens pour se procurer du neuf dans les boutiques, n'hésite pas à faire un tour à la friperie dans l'espoir d'y trouver des petits accessoires intéressants : sacs, ceintures et foulards. Il y a aussi les mères de familles nombreuses au pouvoir d'achat limité. «Avec un budget de 200 DH, j'ai pu habiller mes quatre enfants pour la rentrée scolaire et même pour l'Aà ̄d. Il suffit de bien laver les vêtements, les repasser et ils deviennent comme neufs !», raconte une habituée. Manifestement, le marché de la fripe a de beaux jours devant lui en raison de la demande qui connaà®t une évolution constante et de la qualité des commerçants qui s'y investissent. Ceux-ci sont de plus en plus de jeunes diplômés ou des personnes qui s'adonnaient, il y a quelques années, à la contrebande des articles électroménagers. Aujourd'hui, indique un commerçant, le marché de l'électroménager s'est développé et a connu une baisse des prix qui ne justifie plus la contrebande. Ce qui a poussé à une reconversion dans la friperie qui s'avère, pour l'instant, un commerce juteux. Pourtant, les textes prévoient des sanctions (amendes et parfois même emprisonnement) à l'encontre des commerçants épinglés pour fraude. Des dispositions qui ne semblent pas dissuader les commerçants. Il n'en demeure pas moins que, dans le marché de la fripe, tout le monde trouve son compte.