En adoptant une meilleure gestion de l'eau d'irrigation dans le cadre de la coopération internationale maroco-japonaise, une douzaine d'agriculteurs doukkalis ont introduit pour la première fois dans leur région des cultures à haute valeur ajoutée, à l'instar du maraîchage et des agrumes. La culture de la betterave à sucre a été également optimisée grâce au goutte-à-goutte. «Vous voyez ces petits arbres. D'ici quelques années, ils produiront les premières agrumes de Doukkala». C'est en ces termes empreints d'optimisme que Abderrahim Tahour nous accueille, sous un beau soleil printanier, dans sa ferme de 12 ha à El Hagagcha dans la province de Sidi Bennour. Pour y arriver en provenance de Casablanca, nous avons parcouru 178 km via la A5 -autoroute reliant la capitale économique à Safi- jusqu'à Sidi Smail, avant de prendre la route nationale N1 menant à notre destination finale via Khmiss Zemamra. C'est à 10 km de cette dernière que se trouve la commune rurale d'El Agagcha dans laquelle Abderrahim Tahour et onze autres agriculteurs ont planté des orangers et des citronniers pour lancer une nouvelle culture dans leur région. Spécialisés auparavant dans le blé, les légumineuses et la betterave, les douze agriculteurs regroupés au sein de l'association «Al Khair» des usagers de l'eau agricole (AUEA) ont déjà réussi à se lancer depuis 2013 dans le maraîchage (choux, tomate, pois et fenouil). «Cette métamorphose a été entamée lorsqu'on est passé de l'irrigation par aspersion au système du goutte-à-goutte, en bénéficiant d'un accompagnement financier et technique dans le cadre du projet d'amélioration du système d'irrigation dans le périmètre irrigué des Abda-Doukkala, conduit par le ministère de tutelle et l'Agence japonaise de coopération internationale (JICA)», nous explique Abdelalem Gmir, président de l'AUEA. Doté d'une enveloppe de 50 MDH sous forme d'un don du gouvernement japonais, ce projet réalisé entre 2011 et 2016 a permis l'installation de deux grands bassins de stockage d'eau, deux stations de pompage et douze stations de tête avec abris individuels comportant les équipements de fertilisation, de filtration et de matériel annexe. «Le seul problème qui se pose encore pour nous actuellement, c'est le coût élevé de l'électricité de ce nouveau modèle», affirme M. Gmir. Augmentation des revenus, avantages apportés par la diversification des cultures ou développement de l'agrégation…, les bienfaits de la valorisation de l'eau par le goutte-à-goutte sont multiples, mais la question de l'efficacité énergétique s'impose aussi comme une problématique à traiter à terme. «L'outillage des stations de pompage et des autres installations connexes est certes développé par rapport aux technologies usitées par des agriculteurs de notre taille, mais il est énergivore», illustre-t-il. Néanmoins, les agriculteurs de l'AUEA sont très satisfaits des résultats du projet et demeurent optimistes quant à l'avenir. Doukkala, une région championne de l'agrégation Parmi les agrégateurs qui ont jeté leur dévolu depuis des années sur la région de Doukkala, on énumère des mastodontes de l'agrobusiness, à l'instar de Cosumar, Nestlé Maroc ou Centrale laitière. L'agrégation qui représente l'un des fondements du PMV est, pour rappel, un partenariat entre l'amont productif et l'aval commercial et industriel qui permet notamment de dépasser les contraintes liées à la fragmentation des structures foncières tout en assurant aux exploitations agrégées de bénéficier des techniques modernes de production et du financement et d'accéder au marché intérieur et extérieur. C'est le cas notamment de l'AUEA d'El Hagagcha dont les douzes membres qui se partagent 180 ha cultivent la betterave sur 70 ha dans le cadre d'un contrat d'agrégation avec Cosumar. «Les agrumes pour lesquelles 37 ha ont été dédiés feront l'objet, si tout marche bien, d'un autre contrat avec les Domaines agricoles», indique M. Tahour qui, de son côté, a opté pour les citronniers. Ex-MRE d'Italie, Abderrahim Tahour a décidé de rentrer définitivement au Maroc en 2000 pour se consacrer à la culture de la terre de ses aïeux. «Dans cette parcelle que je consacre à la betterave, le rendement de la campagne 2015-2016 se situe entre 70 à 80 tonnes/ha», nous indique M. Tahour. Pour sa part, la Cosumar précise qu'il s'agit en moyenne sur le plan national de 73 ha/ à une richesse (ndlr, teneur en sucre) de 18,1%. Durant la campagne 2015-2016, 607000 tonnes de sucre blanc ont été produits par la Cosumar ; soit une couverture des besoins nationaux en sucre à hauteur de 50% contre 42% en 2014/2015. Par rapport à la campagne précédente il s'agit d'une hausse record de 19%. Quid de la durabilité de la chaîne de valeur sucrière? La Cosumar affirme qu'une batterie de mesures et process sont mis en œuvre pour la gestion rationnelle de l'eau et la réduction de l'empreinte carbone de la filière. Il s'agit entre autres, dans le premier volet, du traitement du rejet liquide qui permet l'économie de 4 millions de mètres cubes d'eau par an. Dans le deuxième volet, la récupération de l'énergie de la vapeur issue du procédé de raffinage de sucre permet une économie d'énergie de près de 16000 tonnes de Co2 par an. La valorisation des coproduits n'est pas en reste à travers l'utilisation de la pulpe déshydratée pour l'alimentation du bétail.