Tous les segments sont concernés, l'ancien se vend un peu mieux que le neuf. La demande est là mais ne trouve pas chaussure à son pied. Baisse généralisée des prix, sauf dans l'hyper-centre de Casablanca et Rabat. Les professionnels du marché de l'immobilier sont unanimes: 2016 a définitivement été une année atone. En effet, le rythme des transactions sur les différents segments a connu un net ralentissement, avec toutefois des disparités selon les villes et les quartiers. «Le haut standing a perdu de la vitesse et le moyen standing se développe corrélativement à la lente croissance de la classe moyenne. Le social a souffert de la position de certains projets. Par ailleurs, l'ancien a plus la cote que le neuf car les prix sont plus abordables», affirme Moncef Lahlou, DG de Capital Foncier. C'est principalement l'inadéquation entre l'offre et la demande qui est à l'origine de cette torpeur du marché. Si la demande ne s'est pas transformée en transactions au cours des dernières années, il n'en demeure pas moins qu'elle est toujours aussi importante, mais ne trouve pas chaussure à son pied. «La crise de la demande n'a jamais existé au Maroc. Depuis dix ans, le marché de l'immobilier résidentiel est en demande à toutes les strates de la population. C'est plutôt l'offre qui n'est pas adaptée et ne répond pas aux besoins des acheteurs», nous livre M. Lahlou. Pour William Simoncelli de Carré Immobilier, «on assiste à un retour à la normale après une période d'euphorie. Jusqu'en 2013, ce sont les spéculateurs et les investisseurs qui animaient le marché. Aujourd'hui, ce dernier est plus constitué d'acheteurs finaux, plus exigeants en termes de délais de livraison, de qualité du produit et de prix». En effet, pour la clientèle aujourd'hui active sur le marché, l'achat d'un bien immobilier est un acte réfléchi qui prend du temps pour se concrétiser, d'où le ralentissement du rythme des transactions. Par ailleurs, les MRE qui avaient l'habitude de booster le marché pendant la période estivale ont levé le pied ces dernières années, à en croire Cedric Elsener, DG de Maroc Immobilier Capital. «Les MRE disposaient avant de budgets importants à investir en immobilier. Aujourd'hui, les budgets ne dépassent pas 500 000 DH et sont investis au mieux dans du logement social», explique-t-il. En plus de la baisse du pouvoir d'achat en raison de la crise économique, notamment en Europe, cette catégorie de clients est frileuse depuis les nombreux épisodes d'«arnaques immobilières». Les promoteurs sont dans une logique de déstockage Du côté de l'offre, l'année dernière a assisté à un ralentissement de la production. «Seul le segment social a connu un maintien de la production par contrainte, car même en cas de mévente les promoteurs doivent honorer leurs engagements pour bénéficier des mesures fiscales incitatives. Les autres segments ont connu une nette baisse de la production», nous confie Youssef Ibn Mansour, président de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI). Cette baisse s'explique notamment par «les difficultés d'écoulement des promoteurs. D'ailleurs, de grands promoteurs ont été assujettis à un transfert de leurs biens aux banques sous forme de dations en paiement», explique Moncef Lahlou. Mais quand bien même la production a tourné au ralenti en 2016, l'offre est toujours abondante et plus importante que la demande, mais reste pour la plupart inadaptée aux nouvelles exigences de la clientèle. Si on prend le cas de Casablanca par exemple, beaucoup de produits sont prêts aujourd'hui du côté des régions de Dar Bouazza, Bouskoura... «L'offre est très importante vers ces zones-là. Actuellement, les clients de la classe moyenne supérieure font un arbitrage, pour des raisons de scolarité, de commodité et de confort. Au même prix, ils préfèrent opter pour une villa à Dar Bouazaa plutôt qu'un appartement en centre-ville», atteste Hassan Slaoui, notaire à Casablanca, avant de poursuivre : «Certes la distance n'est pas avantageuse mais l'infrastructure commence à suivre (écoles, cliniques) et offre plusieurs avantages». Conscients de la nécessité de s'aligner sur la demande, certains promoteurs commencent à anticiper et à changer leur façon de fonctionner. Qu'ils soient petits ou grands, les opérateurs étudient plus la demande : les superficies sont rationalisées, les promesses de plus en plus tenues et les promoteurs sont plus soucieux par rapport à la qualité des matériaux. De plus, ces derniers ont compris que le seul moyen de remédier à cette torpeur était de baisser les prix de leurs produits. «Certains ont même pu liquider leurs stocks grâce à ça», affirme M. Slaoui, avant d'ajouter : «L'accalmie des ventes immobilières a entraîné une correction sensible des prix de tous les produits (appartements, lots de terrains lots de villas)». A Casablanca, par exemple, la baisse est palpable : «Les prix ont connu une correction de 5% à 30%» atteste M. Slaoui. Exemple: aux Golfs d'Anfa à Anfa supérieur, les lots de terrain atteignaient 30 000 à 35 000 DH le mètre carré en 2015. Aujourd'hui, les prix varient de 21 000 à 25000 DH. Dans des quartiers à Ain Diab, les prix variaient de 22 000 DH à 23 000 DH, ils se situent aujourd'hui entre 16 000 DH et 17 000 DH. Même constat pour les appartements et les bureaux mis en vente en 2015 entre 20000 et 22000 DH contre pas plus de 18 500 DH et 19000 DH aujourd'hui. «Que ce soit à Casablanca ou à Rabat, les prix à la vente sont toujours en hausse au niveau de l'hyper centre. Mais plus on s'éloigne plus les prix stagnent, voire baissent», confirment M. Ibn Mansour. Les autres villes du Royaume n'ont pas été épargnées par la baisse. Les avis divergent quant à la reprise du marché en 2017 En termes de perspectives, les avis sont partagés : «Nous assistons à une baisse des mises en chantiers et au démarrage d'une phase d'écoulement de stocks. Les prix devraient se stabiliser, ce qui devrait dynamiser le marché cette année, tandis que quand il y a de fortes fluctuations des prix l'attentisme se fait sentir, que ce soit chez l'acheteur ou le vendeur. Nous devrions donc assister à une reprise du marché», affirme M. Elsener, avant d'ajouter que «le regain d'intérêt est pressenti en ce début d'année, que ce soit au niveau de l'immobilier résidentiel ou professionnel». Pour sa part, M. Simoncelli pense que «2017 constituerait un point d'inflexion pour un redémarrage du marché en 2018. Les promoteurs ont réfléchi sur les produits à développer sur les 3 dernières années», avant de poursuivre que la baisse des taux de crédits devrait être un élément déclencheur pour la reprise du financement bancaire. Un avis que réfute M. Ibn Mansour qui pense que «malgré la baisse des taux, le crédit reste cher». Pour lui, le marché a du potentiel mais il faut que tous les ingrédients soient réunis pour booster la demande. M. Slaoui ne considère pas non plus la baisse des taux du crédit comme un facteur pouvant redynamiser l'activité. «Car en parallèle à cette baisse, Il y a eu augmentation des droits d'inscription à la conservation foncière, ceux des droits hypothécaires… Le coût des transactions a augmenté de 1%, ce qui n'est pas négligeable». En tout cas, les transactions peinent à reprendre en ce début d'année, mais en même temps «janvier est un mois assez particulier. Logiquement, si reprise il y a, on ne la ressentira que vers la fin du mois de février», atteste M.Slaoui. [tabs][tab title ="Un certain dynamisme sur le marché du locatif"]Si les transactions immobilières se font toujours au compte-gouttes, le marché de la location résidentielle est plutôt dynamique. «Une dynamique qui concerne aussi bien la demande locale qu'étrangère (expatriés). Le marché a encore de beaux jours devant lui, notamment à Casablanca, au vu du rythme d'implantations des structures étrangères», affirme M.Elsener. Concernant les prix de location, on constate une baisse moyenne d'environ 20% à 30%. En termes de perspectives, «la nouvelle réglementation sur le bail devrait relancer le marché du locatif et donc l'investissement dans ce segment». poursuit M. Elsener. Cependant, «la loi sur la TVA sur les loyers professionnels inquiète les opérateurs non professionnels car ils ne savent pas s'il y a un risque de redressement et si ils doivent devenir producteurs de TVA. De même les locataires seront contraints de payer une TVA sur les loyers professionnels, ce qui risque de créer beaucoup de conflits».[/tab][/tabs] [tabs][tab title ="Vers une stabilité des prix des terrains ?"]Selon Moncef Lahlou de Capital Foncier, «le prix des terrains connaissent une certaine stabilité. Ce qui permet aujourd'hui de construire des immeubles à des prix raisonnables et dégager une marge satisfaisante», avant d'enchaîner : «Un prix raisonnable suppose que si le promoteur achète un terrain, il pourra le construire et le vendre au prix que le marché est prêt à payer. Le calcul du prix de vente d'un terrain prend en compte le prix d'achat du terrain, de la construction, de la commercialisation et surtout et avant tout, le prix que le consommateur final est prêt a payer et pour lequel sa banque est prête a le financer». Notons à ce titre que l'indice des prix des actifs immobiliers calculé par Bank Al Maghrib au 3e trimestre 2016 affiche une hausse de 2,4% en glissement annuel pour les terrains, et un bond de 15,8% au niveau des transactions.[/tab][/tabs]