Seulement 150 DH chez un généraliste, 200 pour un spécialiste, 800 pour un scanner…, les remboursements ne se feront plus sur la base des frais réels engagés. Seront d'abord concernés les contrats déficitaires, mais le système sera généralisé en 2008. Les entreprises peuvent payer plus pour améliorer la couverture de leurs salariés. C'est décidé ! Les compagnies d'assurances vont serrer la vis en appliquant, dès janvier 2007, un barème pour les dossiers maladies. La principale nouveauté est que les remboursements des frais médicaux ne se feront plus sur la base des coûts réellement engagés par l'assuré, comme appliqué jusque-là, mais en fonction des tarifs d'un barème fixé par les assureurs. L'enjeu est de taille car aujourd'hui ce sont pas moins de 800 000 personnes, en majorité des salariés du secteur privé et des professionnels libéraux, qui sont concernées. Selon la fédération des assureurs, ce projet était en gestation depuis plusieurs années, pour tenter de remédier à la situation déficitaire de la branche maladie qui réalise un chiffre d'affaires global de l'ordre d'un milliard de DH. Les professionnels avancent que le déficit de cette branche a connu une progression annuelle se situant entre 6 et 7% durant les cinq dernières années. Pour arrêter cette dérive, il y avait deux solutions. La première était d'imposer une majoration des primes aux clients pour rattraper le décalage entre le coût des soins et l'évolution des salaires ; cette majoration serait faite tous les deux ans pour maîtriser l'inflation. La deuxième consistait à s'aligner sur les autres pays en adoptant un nouveau barème qui servirait de base au remboursement en lieu et place des frais réellement engagés par les patients. Des commissions techniques ont planché sur cette dernière piste et ont élaboré cette nouvelle tarification, validée par la Fédération marocaine des sociétés d'assurances et de réassurance (FMSAR). «Nous n'avons rien inventé, les barèmes de remboursement sont conformes à la pratique moyenne sur le marché mais permettront de juguler quelque peu les prix exorbitants facturés par certains praticiens», rappelle-t-on à la FMSAR. Ce barème s'impose à toutes les compagnies, qui pourront toutefois y apporter des modifications en fonction de leurs propres indicateurs concernant la branche maladie. L'objectif est de «responsabiliser l'assuré» Il importe de préciser que le barème de la FMSAR ne touche pas à la nomenclature des actes médicaux, mais il fixe en revanche la valeur de la lettre-clé de l'acte médical. Soit la valeur des fameux K, D ou B. Ainsi, il fixe la consultation chez un généraliste à 150 DH, la consultation chez un spécialiste à 200, le scanner à 800 ou encore le traitement d'une carie à 250 DH. A la fédération, on explique d'ailleurs que le nouveau barème reflète la réalité des honoraires des praticiens et coûts de certains actes médicaux moyens facturés par la majorité des prestataires de soins de la place. L'entrée en vigueur du barème de la FMSAR se fera en deux temps. Dès janvier 2007, il sera d'abord applicable «aux contrats nettement déficitaires» et sera étendu en 2008 à l'ensemble des assurés. Le barème sera soumis aux assurés à la fin du mois de septembre lors des discussions pour le renouvellement des contrats. Concrètement, quel impact aura ce nouveau mode de remboursement sur les 800 000 assurés ? Le remboursement des frais de maladie se fera certes dans la même proportion (80 ou 85% selon le contrat groupe), mais il ne portera pas sur la réalité des dépenses engagées. Exemple : un patient qui se rend chez un spécialiste qui facture 300 DH la consultation sera remboursé sur la base de 200 seulement. Donc, au lieu de se voir rembourser (cas de 85%) 255 DH, il aura droit à 170 DH seulement (voir simulation en page ci-contre). Certains spécialistes craignent un nivellement par le bas Dans la pratique, cette nouvelle mesure entraînera deux conséquences majeures. D'une part, le patient ne disposera plus de la liberté de choisir son médecin puisqu'il devra opter pour le praticien dont les honoraires correspondent au barème des assureurs. D'autre part, les assurés qui font fi des nouvelles conditions ou sont dans l'impossibilité de changer de praticien, même si ses tarifs sont supérieurs aux plafonds fixés, devront mettre la main à la poche et couvrir, en dépit de leur cotisation pour une couverture médicale à hauteur de 80 ou 85%, une part plus importante de leurs frais de maladie. Pour les assureurs, le raisonnement est différent puisqu'ils souhaitent, via ce nouveau barème, «responsabiliser l'assuré et lui permettre de cogérer son assurance maladie. Il doit agir en bon père de famille pour permettre de remédier à l'inflation qu'a enregistré la branche maladie au cours de ces dernières années». L'idée sous-tendant la décision des assureurs est de mettre fin à la surconsommation ainsi qu'à la surfacturation. Mais s'agit-il là des véritables motivations des assureurs ? Ne souhaitent-ils pas tout simplement s'aligner sur la tarification nationale appliquée par la CNSS et la Cnops dans le cadre de l'Amo ? Les professionnels répondent par la négative. Le nouveau barème est supérieur, selon la FMSAR, au tarif national de référence retenu dans le cadre de l'Amo, qui fixe le remboursement sur la base de 150 DH chez un spécialiste et 100 DH chez un généraliste. «Notre démarche s'inscrit dans le cadre d'un travail de normalisation de la branche maladie et la réflexion est entamée depuis longtemps pour faire face au déficit de la branche maladie», déclare le patron d'une compagnie de la place. Certains spécialistes de la question, peu convaincus par les arguments des assureurs, craignent un nivellement par le bas de la couverture médicale des assurés du privé. Ils appréhendent même que les assurés auprès des compagnies privées basculent rapidement vers l'Amo. Une éventualité qui reste peu probable lorsque l'on connaît le niveau de la couverture de l'Amo, notamment une offre limitée au niveau des maladies et des médicaments. En revanche, les entreprises qui souhaitent garantir une couverture réelle ont la possibilité, au moment du renouvellement des contrats, de renégocier la quote-part de remboursement, en y mettant le prix, bien sûr. Enfin, il ne faut pas oublier que les compagnies comptent mettre sur le marché des offres complémentaires à l'Amo, qui pourraient élargir la couverture. Du côté des compagnies, on apprendra que «les offres complémentaires sont prêtes mais le lancement en est différé car il nous faut observer le marché suite à la mise en place de l'Amo». De plus, pour l'instant, les entreprises, selon les assureurs, n'ont pas encore formulé de demande de produits complémentaires.