Le transfert des activités de gros n'est pas du goût des commerçants. Ces derniers acceptent de déloger uniquement la partie logistique. Les professionnels appellent à la reprise des négociations pour tenir compte des évolutions récentes de la zone. Le projet de requalification du quartier Derb Omar à Casablanca est toujours bloqué. Et pour cause, le torchon brûle depuis quelques mois déjà entre les autorités et les commerçants qui refusent les solutions proposées par la Ville pour restructurer cette zone. Explications. Rappelons d'abord qu'une étude a été réalisée en 2014 par le cabinet de conseil EMC pour le compte du Centre régional d'investissement de Casablanca, financée par le Fonds Rawaj (un budget de 1,8 million de DH). Elle a débouché sur trois scénarios de restructuration. Le premier consiste en un «statu quo amélioré» avec la délocalisation des activités de messagerie. En d'autres termes, Derb Omar garde son positionnement actuel avec un transfert des activités de transport de marchandises à un terrain d'un hectare situé à proximité du site. Ce scénario dont le délai de réalisation est relativement rapide (entre 1 an et 2 ans) permet la modernisation des commerces et l'amélioration de la voirie. En revanche, le rapport souligne que «la délocalisation des activités de messagerie aura un impact sur le coût de la marchandise livrée aux autres villes et, in fine, sur la compétitivité du site». Le deuxième scénario, «Casa Trade Center», vise à consolider le positionnement de Derb Omar en tant que site de négoce à vocation locale, régionale et nationale. Le commerce de détail pourrait être maintenu, mais «la zone devra privilégier l'installation d'activités de bureaux et de services». D'une autre manière, le déploiement de ce deuxième scénario se traduira par le transfert des activités de gros en alimentation générale et celles liées aux pneus vers un autre site de 16 hectares. La suppression de ces activités, qui représentent environ 30% de la surface de vente globale, transformera progressivement le site en un lieu d'exposition des articles et de négoce. Cela consolidera la place de Derb Omar en tant que référence nationale pour certaines professions et certains produits (tissus, produits de beauté, ustensiles de cuisine...). Enfin, le troisième scénario consiste en la transformation de ce site historique en zone dédiée aux activités de vente au détail. Ainsi, les activités de gros et de semi-gros s'opéreront sur d'autres sites dédiés à cet effet. Objectif : fluidifier la circulation dans le quartier En somme, les trois scénarios visent à réduire la densité du site afin de fluidifier la circulation dans le quartier et ses alentours. Conscients des désagréments causés par leurs activités, les commerçants de Derb Omar ont également présenté (vers la fin de l'année 2015) des pistes de restructuration adaptées à leurs contraintes. «Ce sont des propositions qui convergent avec les scénarios présentés par la Ville avec quelques petites modifications», explique-t-on du côté de la Chambre de commerce. Le premier scénario, celui de conserver la vocation actuelle du site avec le transfert des activités de messagerie, leur paraît logique. Pour Mhamed Ellatify, président de l'Association des commerçants de gros et de détail, «face à la rareté du foncier dans la zone, nous avons proposé de transformer le stade Larbi Benbarek (ex-stade Philippe) en parc logistique ou encore de transférer le transport de marchandises à la plateforme déjà construite pour cette fin au niveau de l'arrondissement Ben M'sik-Sidi Othmane». Suite à ces propositions, les commerçants devaient se réunir avec les représentants du ministère de l'industrie et du commerce, le Conseil de la ville de Casablanca et le Centre régional d'investissement dans l'objectif de retenir le scénario qui répond le plus à leurs attentes. «Or, nous n'avons pas eu de retour sur les pistes que nous avons proposées», ajoute le président. Du côté de la Ville, on affirme que le troisième scénario, qui consiste à transférer l'activité des grossistes vers d'autres sites, est le seul qui pourrait rendre à Derb Omar son attractivité. Plus de 2 000 commerçants sur le site «Nous avons aujourd'hui plusieurs zones industrielles dans la périphérie de Casablanca. Les grossistes de Derb Omar ont les moyens financiers pour se procurer des locaux dans ces zones. Il faut juste les motiver par des incitations fiscales». Un avis qui n'est pas du goût des professionnels. «Les travaux de construction de la plateforme que devait réaliser le CRI en faveur des grossistes n'ont pas encore démarré. Les offres alternatives proposées dans d'autres zones restent inaccessibles et ne répondent pas aux attentes et besoins des grossistes», explique Mhamed Ellatify. Et d'ajouter : «Avec la concurrence asiatique, la plupart des grossistes sont surendettés. Ils n'ont pas les moyens de s'installer dans d'autres zones». D'autant plus que, selon lui, les commerçants seront obligés de régler leurs arriérés d'impôts avant de pouvoir transférer leurs fonds de commerce. Cette solution pourrait pousser une grande partie d'entre eux à baisser le rideau. Par ailleurs, il est à préciser que le mode d'exploitation des locaux est dominé par la détention de pas-de-porte dont les prix vont de 40000 DH à 120 000 DH le m2. Autrement dit, le prix moyen d'un local de 160 m2 avoisine les 10 millions de DH. «En cas de départ, est-ce que les propriétaires voudront nous rembourser cette somme ? Est-ce qu'il y a des détaillants qui peuvent débourser de telles sommes pour avoir un magasin à Derb Omar ?», s'interroge M. Ellatify avant d'ajouter que les désagréments provenant de l'afflux massif de poids lourds dès les premières heures de la journée ont nettement baissé. Aujourd'hui, ils sont à peine quelque 300 véhicules de différents gabarits (poids lourds, camions, camionnettes, triporteurs, semi-remorques...) qui transitent par le quartier, contre 700 véhicules il y a deux ans. Et pour cause, une grande partie des super grossistes se sont procuré des dépôts dans la périphérie de la ville. Résultat, «sur un total de 2045 commerçants sur le site, seuls 5% font une activité de gros et travaillent avec des véhicules de 14 tonnes. Les autres distribuent leurs marchandises avec des véhicules de 3 tonnes ou font appel aux services des triporteurs».En somme, les commerçants estiment que le problème de Derb Omar est quasi réglé, et que les autorités doivent reprendre les négociations tout en prenant en considération les changements qu'a connus le site depuis le début de la réflexion autour du projet de requalification.