Enfin, la nouvelle constitution est tombée. Après le fameux discours historique du 9 mars, la commission de la constitution vient de donner naissance à son projet tant attendu. Verdict : le résultat est plus que décevant. Allons au vif du sujet : le Maroc est une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale. Un panaché de tout un tas de concepts qui deviennent par le plus grand des miracles le système le plus abouti et le plus adéquat pour notre patrie, et ce, selon les 179 articles qui s'en suivent. Un jeu de mots des plus exquis qui concrétise une ambigüité au sein de la séparation des pouvoirs, séparation traitée de souple. Une souplesse qui sera une excuse pour ne rien séparer en fin de compte. L'amazigh est devenu une langue officielle. Point positif pour cette constitution. L'article V cite même la hassania -d'une façon très ambiguë- et appuie la richesse culturelle et linguistique des multiples zones du Maroc. Reste à dévoiler les mécanismes qui implémenteront cette officialisation graduelle selon le texte constitutionnel. Allons là où il y a anguille sous roche : le volet de la monarchie. On avait refusé l'article 19, maintenant on se retrouve gâtés avec le 41 et le 42 qui étalent désormais toute l'armada de sa majesté. Une scission a été adoptée entre le pouvoir religieux et le pouvoir absolu. Le roi l'a même énoncé dans son discours : Le 19 causait problème, on le divise en deux ! Et par le plus grand des miracles le problème sera résolu, une des approches les plus mystérieuses … Remarquez par le passage que la sacralité a enfin quitté les rivages de notre texte constitutionnel. Encore une fois, sa majesté marque sa présence avec sa bienveillance sur tout un panel de conseils. La preuve avec les articles suivants : le roi préside le haut conseil religieux, le roi est le président de l'état et son représentant suprême, le roi -et non le peuple- désigne le nouveau président du gouvernement, le roi préside le conseil des ministres, le roi peut dissoudre les deux chambres, le roi préside le tout nouveau haut conseil de sécurité, le roi préside le haut conseil de la magistrature et cerise sur le gâteau comme le dicte la tradition : le discours royal ne peut faire l'objet de débat en aucun cas. Quelqu'un peut-il me faire comprendre comment un roi avec tant de pouvoirs peut occuper la fonction d'arbitre ? Arbitre de son propre jeu, peut être. Tant qu'on y est, notre arbitre a cité dans son discours qu'il avait adressé à son peuple un discours historique le 9 mars, de l'éloge de soi ne fera de mal à personne … Le must de la neutralité présumée de l'arbitre apparaît lorsqu'il vous incite à voter oui et proclame qu'il fera autant pour le bien du processus démocratique. Chapeau l'arbitre ! Venons-en au premier ministre, désormais président du gouvernement nommé par le roi et émanant du parti vainqueur des élections, autre point positif de ce projet constitutionnel. Cependant, les pouvoirs qui lui sont octroyés sont très minimes et portent une certaine illusion : Le président du gouvernement aura un pouvoir de nomination aux postes clés, mais ces nominations seront des suggestions à l'ordre du jour dans le conseil des ministres, conseil présidé par le roi je vous rappelle. Autre hic, on avait parlé de la confusion entre le conseil des ministres et le conseil du gouvernement, l'article 92 qui renvoie au 49 démontre que ce dernier est impuissant face au conseil des ministres : le conseil du gouvernement est supposé émettre des suggestions qui seront proposées au roi dans le conseil des ministres. En plus de cela, le nouveau pouvoir de dissolution du parlement octroyé au président du gouvernement est sous tutelle du roi et du conseil des ministres selon l'article 104. Bref, le nouveau président du gouvernement aura à rassembler ses ministres pour apporter des suggestions à sa majesté qui aura toujours le dernier mot … une monarchie absolue sous le couvert d'une monarchie constitutionnelle et moderne. Ce que je constate, c'est qu'on a étoffé les 108 articles pour en faire 180, on a mis trop de maquillage au pouvoir absolu, on a créé tout un tas de conseils qui auront à démontrer leur utilité et on nous demande de voter oui pour tout cela … Désolé, mais lorsque vous aurez une vraie constitution instaurant une vraie monarchie parlementaire avec une vraie séparation de pouvoirs et un vrai roi-arbitre, vous me verrez le premier aux urnes, d'ici là je vous remercie pour les efforts que vous avez fourni pour nous apporter ce projet et je vous informe de mon rejet de cette arnaque constitutionnelle.