Mohammed VI vient de nommer par dahir un nouveau président à la tête du Conseil supérieur du contrôle des finances des Habous publics. Un organe de gouvernance non-mentionné dans la constitution et directement chapeauté par le palais. Le Conseil supérieur du contrôle des finances des Habous publics a un nouveau président, Said Benbachir, nommé il y a quelques jours par Mohammed VI. Cette instance a été créée par dahir en 2010 pour contrôler la gestion du patrimoine des Habous publics, qui regroupe plus de 200.000 hectares de terrain et 46.000 locaux commerciaux, selon le dernier bilan public du ministre des Habous Ahmed Toufiq. Elle est définie comme un organisme indépendant de contrôle, d'orientation et du renforcement du contrôle interne. Des prérogatives auparavant attribuées à la Direction du Wakf au sein du ministère des Habous. Le Conseil supérieur n'a toutefois pas encore commencé ses opérations de contrôle. Installé dans ses locaux en 2011, il a dû attendre la promulgation des textes d'application en août 2011 et août 2012 avant de pouvoir commencer à fonctionner. Suite au décès de son premier président, Ahmed Ramzi, en décembre 2012, l'instance est ensuite restée «en stand-by» jusqu'à la récente nomination de Said Benbachir en octobre 2013. Indépendance et transparence ? Pourquoi avoir créé une nouvelle instance de contrôle interne alors que la Cour des comptes, institution supérieure de contrôle des finances publiques du Royaume selon la Constitution, n'a jamais pu auditer la Direction du Wakf ? Ce Conseil supérieur n'est d'ailleurs pas mentionné dans la Constitution de 2011, que ce soit en tant qu'institution liée à la bonne gouvernance (comme la Cour des comptes, le Conseil de la concurrence et l'ICPC) ou en tant que «conseil supérieur» à l'instar de ceux dédiés aux Oulémas et à l'enseignement. Le Conseil supérieur échappe à la tutelle du ministère des Habous mais pas à celle du Palais. Tous ses membres, dont le président, sont nommés par le roi (par dahir). Contrairement aux audits de la Cour des comptes, dont la publicité des rapports est garantie par la loi, ceux réalisés par le Conseil supérieur sont remis chaque année au roi et au ministre des Habous sans que leur publication ne soit explicitement exigée. Mounir Majidi et le terrain de Taroudant Afin de renforcer le contrôle sur les transactions (des biens Wakf), le Conseil supérieur prévoit désormais que chaque opération portant sur des montants supérieurs à 10 millions de DH soient soumis à l'approbation directe... du roi. Le Conseil supérieur sera lui chargé de valider les transactions entre 5 et 10 millions de DH. Cette dépendance vis-à-vis du Palais pose de sérieuses questions sur la capacité du Conseil supérieur de contrôle à exercer pleinement ses prérogatives, sachant que le principal scandale de la décennie lié au patrimoine des Habous concerne... le secrétaire particulier du roi, Mohamed Mounir Majidi. En 2007, le quotidien arabophone Al Ahdat Al Maghribiya révélait en effet que ce dernier avait mis la main sur un terrain Habous de 4,5 hectares à Taroudant au prix dérisoire de 50 DH le mètre carré, soit près de 10 fois moins que les estimations de l'époque, le tout sans appel d'offre. Le ministre des Habous Ahmed Toufiq avait à l'époque confirmé l'information en refusant toutefois de commenter l'évaluation du prix du terrain. Lire aussi la chronique d'Ahmed Benseddik : "Qui contrôle les finances des Habous ?" (mars 2013)