Lakome publie la traduction française de l'analyse envoyée par les diplomates de l'ambassade des Etats-Unis à leur administration centrale concernant l'Affaire Belliraj à Washington et révélée par Wikileaks. Une lecture édifiante. B10 09RABAT679 Date06/08/2009 07:14 Origine Ambassade de Rabat Extrait du document (C) Résume: Le 28 Juillet, un tribunal de Salé a condamné le Marocain-Belge Abdelkader Belliraj à perpétuité (au lieu de la peine de mort requise par le procureur) pour avoir dirigé un réseau international de terrorisme. Les 34 autres accuses avec Belliraj ont été condamnés à des peines allant d'un an à 30 ans de prison. Document complet ClassificationSECRET//NOFORN Header VZCZCXYZ0002 PP RUEHWEB DE RUEHRB #0679/01 2181914 ZNY SSSSS ZZH P 061914Z AUG 09 FM AMEMBASSY RABAT TO RUEHC/SECSTATE WASHDC PRIORITY 0538 INFO RUCNMGH/MAGHREB COLLECTIVE RUEHBS/AMEMBASSY BRUSSELS 3210 RUEHLE/AMEMBASSY LUXEMBOURG 0115 Content S E C R E T RABAT 000679 SIPDIS NOFORN STATE FOR S/CT, NEA/MAG AND DRL/NESCA E.O. 12958: DECL: 08/06/2019 TAGS: PHUM, PGOV, PTER, KISL, MO SUJET: AFFAIRE DE TERRORISME HISTORIQUESOULEVE DES QUESTIONS DE DROITS DE L'HOMME REF: A. 08 RABAT 0311 (NOTAL) B. 08 RABAT 0178 (NOTAL) C. 08 RABAT 0222 (NOTAL) D. RABAT 0543 (NOTAL) Classe par: CDA Robert P. Jackson pour raisons 1.4 (b) and (d). 1. (C) Résumé : Le 28 Juillet, un tribunal de Salé a condamné le Marocain-Belge Abdelkader Belliraj à perpétuité (au lieu de la peine de mort requise par le procureur pour avoir dirigé un réseau terroriste international. Les 34 autres accusés avec Belliraj ont été condamnés ) des peines allant d'une année à 30 années de réclusion criminelle. Alors que Belliraj avait sans doute des liens avec le terrorisme, ce lien est bien moins clair pour six politiciens Islamistes qui ont écopé de peines allant de deux à 25 ans. Ces six politiciens sont connus du public et de la presse comme « prisonniers politiques ».Ils auraient été arrêtés à cause de leur affiliation politique plus que pour une quelconque connexion réelle avec des actes terroristes. Les militants des Droits de L'homme qui suivent de près cette affaire ont condamné le procès et les verdicts. Un membre de la famille d'un des politiciens condamnés à 20 ans a qualifié ce procès de « farce » et s'est demandé « Comment ceci est-il possible dans le nouveau Maroc » Fin Résumé. ---------- Background : 2. (C) En Février 2008, le Ministre de l'Intérieur Chakib Benmoussa a publiquement annoncé le démantèlement d'un dangereux réseau terroriste, orchestré par le Marocain-BelgeAbdelKaderBelliraj. Belliraj lequel avait été arrêté pour possession d'un arsenal d'armes a feu, qui devait être utilisé pour assassiner des Ministres Marocains, des membres de l'armée, et des citoyens Juifs. Il est soupçonné, aussi d'avoir commis au moins 6 assassinats en Europe, et d'avoir été impliqué dans des trafics d'armes, dans le blanchiment d'argent, dans des vols et autres crimes (Ref A). Les 34 autres arrêtés en relation avec le réseau ont été accusés de crimes tel que d'avoir « porté atteinte à la sécurité intérieure de l'Etat » et « comploté afin d'exécuter des actes terroristes ». Les crimes plus graves eu égard aux lois Marocaines anti-terrorisme. ------------------------------ Les Six Politiciens --------------------- 3. (C) Alors qu'il ya peu de doute que Belliraj et quelques uns de ses complices ont commis des crimes graves, le public et les medias ont qualifié les six autres accusés de « prisonniers politiques » car ils ont été arrêtés pour leur affiliation politique plus que pour avoir une eu une quelconque connexion réelle avec des actions ou intentions terroristes. Bien que l'Ambassade et d'autres missions diplomatiques ne contestent pas l'apparente légitimité de la menace que constitue Belliraj, qui a une longue histoire de relations avec des Islamistes radicaux tels l'Ayatollah Khomeini ?? , Osama Bin Laden, il semble y avoir peu de preuve que les six politiciens aient été impliqués dans un complot terroriste. Cependant, le GOM a persisté à juger tous les accusés ensemble sous les lois anti-terroristes promulguées après les attentats suicides de Mai 2003 à Casablanca, rejetant ainsi les tentatives répétées des avocats de séparer les procès des six de l'ensemble du groupe. Le résultat fut que les politiciens furent accuses, comme les autres membres du groupe, de participation a des activités terroristes, y compris complot contre le régime, d'appartenir à un groupe armé avec pour objectif de déstabiliser le régime, et de menacer la sécurité publique. Crimes les plus sévères eu égard aux lois Marocaines anti-terrorisme. 4. (U) Cinq des politiciens affiliés à des partis politiques d'inspiration Islamiste au moment de leur arrestation ont été condamnés de 2 à 25 ans de prison. Maelainin Laâbadila, un membre Sahraoui du conseil national du parti de tendance Islamiste Parti de Justice et Développement (PJD), dirigeait la commission du PJD sur le Sahara Occidental; Mustafa Moatassim occupait le poste de Secrétaire Général de Al Badil El Hadari (l'Alternative Civilisationnelle). Un petit parti politique de tendance Islamiste qui a été dissous deux jours après son arrestation. Mohamed Marouani et Amine Regala sont , respectivement, le Secrétaire General et Porte-parole du parti non autorise de La Nation (Al Oumma), une formation Islamiste qui demandait le statut de parti ; et AbdelhafidSriti travaillait comme correspondant pour la télévision a Al Manar du Hezbollah. 5. (SBU) Le sixième politicien, Hamid Najibi, un membre du conseil national du Parti Socialiste Unifie (PSU) est le seul politicien a ne pas être affilié à un parti Islamiste, a été condamne à une peine en sursis de deux ans. La réaction internationale à ces lourdes sentences a été pour la plupart une réaction de choc, surtout compte tenu du scepticisme de plus en plus exprimé par la presse et le public concernant cette affaire. ---------------------------------------------- Les Liens Politiques de Belliraj ------------------------------- 6.(C) Au début des années 1990, sous le règne du Roi Hassan II, au moins quatre des six politiciens appartenaient à une organisation nommée Choix Islamique, une organisation culturelle et politique Islamique. Pour des raisons idéologiques, le « Choix Islamique » a été dissou. Il s'est ensuite divisé en deux partis politiques plus petits : « Al Bazdil El Hadaru »,l'Alternative Civiliationnelle et « El Ouma » la Nation. Selon des dirigeants du gouvernement Marocain, Bellarej et ses co-conspirateurs espéraient utiliser ces partis comme base pour une branche politique de leur réseau, puis en guisede facade politique, les utiliser pour déstabiliser le Maroc.(Ref B) 7. (C) Au moment de leurs arrestations, l' Alternative Civilisationelle avait été reconnue par le GOM, et selon Sidi Ali Maelinin, le frère de Mr. Laâbadila, avait été encouragée comme alternative au PJD à tendance Islamiste, jusqu'au jour ou le réseau terroriste fut découvert. Quant au parti d'El Ouma,il avait déjà demandé sa reconnaissance et était en attente de statut d'organisation politique au moment des arrestations en Février 2008.Parce qu'elle n'avait pas encore reçu de refus officiel, elle était sur le point de devenir un parti par défaut, a affirmé Maelainin. Il pense que le GOM s'opposait à toute reconnaissance de d'El Ouma parce quecela aurait pu ouvrir la voie pour que l'organisation Islamiste de Sheik Yassine Justice et Charité (al-Adlwaal-Ihsan or AWI)puisse entrer dans le champ politique. Une démarche à laquelle le Palais était fermement opposé. ----------------- Un Message au PJD ----------------- 8. (C) Les proches des politiciens, et de plus en plus la presse, suggèrent que les arrestations des six accuses politiques visaient plus à limiter la prolifération des politiciens et partis politiques Islamistes, qu'à prévenir des actes terroriste. Comme il a été rapporté, peu de temps après les arrestations des six politiciens, même le PJD a reconnu que les arrestations auraient eu pour message de les mettre au pas (Ref C). Le PJD a dénoncé les verdicts contre les politiciens, suggérant que de tels châtiments évoquaient le règne autoritaire de Hassan II et les années de plomb. 9. (C) Selon Abdelaziz Nouyidi, un avocat des droits de l'homme et membre de l'équipe de défense, l'arrestation et le procès de figures politiques Islamistes étaient programmé pour envoyer un message clair aux parties politiques à l'approche des élections locales de Juin 2009 à savoir que « Le Palais voulait rappeler aux Islamistes de rester dans les limites établies par le roi, » affirma-t-il, poursuivant qu'une alliance entre le PJD et la gauche ne serait pas bienvenue. Nouyidi pense que l'inclusion parmi les accusés de Hamid Najibi du Parti Socialiste Unifie traduisait le mécontentement du Palais à la perspective de telles alliances. ----------------------- Preuve et Irrégularités ----------------------- 10. (C) Selon les ONGs des droits de l'homme, des avocats de la défense et des diplomates Européens en connaissance de cette affaire, les preuves à charge contre les 35 accusés consistaient en les déclarations faites par les accusés à la police et dans laquelle ils se mettaient en cause eux-mêmes et impliquaient d'autres, et dans deux saisies d'armes qui auraient été destinées à exécuter des assassinats et autres actes terroristes. Les accusés avaient, dans un premier temps, fait leurs déclarations devant un juge d'instruction, puis s'étaient rétractés devant le juge de première instance, déclarant que les aveux avaient été obtenues sous la contrainte, ou avaient été falsifiées. 11. (S/NF) Le texte du jugement rédigé par juge chargé de l'affaire n'a pas encore été rendue public, et il n'est donc pas clair quelles autres preuves le GOM pourraient avoir contre les accusés. Le gouvernement Marocain a fourni au Regionalaffairs office des photographies des armes saisies qui comprenaient des armes à feu, des munitions, des silencieux et des cagoules. Malgré les demandes répétées, le GOM n'a pas fourni de preuve satisfaisante d'une relation entre les politiciens et le réseau terroriste. Daniel Bernard, Conseiller judiciaire Belge auprès du gouvernement Marocain qui a suivi cette affaire de près,pense que « peut-être y a-t-il quelque chose derrière ces accusations » des six politiciens. Mais si c'est le cas, le gouvernement Marocain ne l'a communiqué à personne. 12. (C) Qualifiant le procès et les poursuites contre son frère en justice de « farce », Sidi Ali Maelainin indique pour PolOff d'autres irrégularités dans l'affaire ;« Le juge a, ainsi, et à plusieurs reprises refusé à la défense l'accès au dossier, ou de convoquer des témoins, ou de présenter des preuves. » dit-il. Accusations confirmées par Bernard. De plus, presque tous les accusés pensent que leurs déclarations avaient été falsifiées par la police. Le chargé d'affaire a soulevé ces problèmes dans sa réunion du 24 Juin avec le président du Conseil des Droits de l'Homme Ahmed Herzenni, qui a reconnu ces irrégularités et promis d'auditer (review) le procès une fois le verdict rendu (Ref D). ------------------- Pas de Juste Procès -------------------- 13. (C) Qualifiant le procès de « pré-cuit,» Johan Jacobs, Conseiller à l'Ambassade Belge, affirma qu'il n'y avait « aucun doute » que le procès était inique. Pas une seule personne n'a été acquittée, observa-t-il, un résultat invraisemblable étant donné le nombre élevé des accusés. Il se demanda comment un juge impartial pouvait arriver à un verdict et prononcer des sentences pour 35 différents individus en moins de 12 heures après la plaidoirie de la défense. Il affirma a PolOff que quelques preuves présentées durant le procès avaient été fournies par la Belgique et étaient rédigées en Français et Hollandais. Même si les preuves fournies par Bruxelles étaient exactes et dans quelques cas accablantes, Jacobs se demandait comment un procès pourrait être juste si ni la défense, ni le procureur ne pouvaient les comprendre. Quand la défense demanda d'obtenir des traductions des documents à l'Arabe, la cour décida que seulement des extraits des documents pourraient être traduits oralement séance tenante. C'est une façon étrange d'honorer le droit de l'inculpe a connaitre les preuves présentées contre lui, dit-il, ajoutant : « certains de ces gars ont des preuves solides contre eux, mais ca ne change pas le fait que le procès était injuste. » Sidi Ali Maelinin a qualifié le manque de justice du procès d' « effrayant.» Dans le contexte des reformes initiées par le Roi Mohammed VI au cours des 10 dernières années, il s'interrogea : »comment ceci pourrait-il être possible dans le nouveau Maroc ? » ----------- Commentaire ----------- 14. (C) L'approche autoritaire adoptée par le GOM dans cette affaire illustre la disposition du Maroc à utiliser ses lois anti-terrorisme afin de marginaliser les activités politiques de tendance Islamiste. La conviction quasi-générale que le verdict de ce procès était prédéterminé par le Ministère de l'Intérieur—un scenario pas improbable-souligne le manque de confiance que plusieurs Marocains ont envers le système judiciaire. Tout aussi troublant pour les visions de reforme de la gouvernance au Maroc est la perspective fort plausible qu'au moins six accusés ont été jugés et condamnés pour des raisons politiques qui n'ont rien à voir avec des activités terroristes. Si c'est vrai, ceci représenterait une manipulation des tribunaux non seulement pour des objectifs sécuritaires, mais aussi pour influencer une activité politique légitime. Un pas en arrière dans le progrès politique et démocratique que le Royaume a réalisé durant les dix dernières années. Même si le GOM a réalisé de grands progrès dans le respect des droits de l'homme sous le Roi Mohammed VI, il reste encore du travail à faire, particulièrement dans le respect des points de vue non-officiels. Fin de Commentaire.