Entre 2006 et 2010, l'Etat aura dépensé un budget cumulé de 10 milliards de dirhams pour lutter contre la pauvreté, l'exclusion sociale et, in fine, réduire les inégalités sociales. 10 milliards pour une population qui reste encore à définir en quantités. La première question qu'on se poserait, maintenant que le programme a été bouclé : le revenu des ménages pauvres s'est-il amélioré sur la période ? En d'autres termes, serait-il possible de comparer l'évolution du revenu par ménage pour cette population, au transfert théorique des 10 milliards de DH. Intéressons-nous particulièrement au décile le plus défavorisé, c'est à dire aux 10% des ménages les plus pauvres, chaque année sur la période 2005-2010. Alternativement, on peut faire la même comparaison pour les ménages en dessous du seuil de pauvreté relative (c'est-à-dire les ménages touchant un revenu inférieur ou égal à 50% ou 60% du revenu médian). Selon les données publiées sur le site de l'INDH, les 10 milliards ont été distribués annuellement avec une croissance annuelle de 10% chaque année, passant de 1.5 milliards de dirhams, à 2.5 milliards. D'un autre côté, la population-cible a augmenté de 580.000 en 2006 à 651.000 en 2010. En cumulé donc, le transfert théorique par ménage du programme serait de l'ordre de 15.000 à 16.200 dirhams par ménage sur 5 ans. Cette somme représente le montant de transfert théorique dont bénéficierait le ménage. En observant les grands aggrégats de l'économie nationale, on observera aussi que le Revenu National Brut Disponible entre 2006 2010 a augmenté, en moyenne, de 9.38% (ou 3.31% lorsqu'on calcul le revenu par ménage) d'un autre côté, l'évolution du revenu par ménage du décile inférieur sur la même période a été sensiblement proche (3.29% en moyenne annuelle) on peut donc supposer que de ce point de vue, l'écart des revenus pour cette population n'a pas été trop défavorable. La croissance stable des transferts théoriques n'arrive pas à lisser les fluctuations de revenus pour la couche la plus défavorisée. Le graphe reprend l'évolution du transfert théorique versus l'évolution de gains de revenus pour le dernier décile. On observe que pour un budget INDH moyen par ménage croissant, la fluctuation des revenus de ces même ménages n'est pas plus lisse que celle des années précédentes. L'argument en faveur des dépenses engagées par le programme de l'INDH devrait se mesurer surtout au lissage des gains de croissance qui bénéficient aux pauvres, et ensuite au montant moyen de transferts exigés pour sécuriser cette croissance. Prétendre que l'INDH déboucherait à une diminution (de moitié) de la pauvreté absolue n'aurait pas de sens, à moins de considérer que l'existence de populations très pauvres au Maroc est très coûteux, plus coûteux que d'opérer des transferts directs à ces populations. Car dans l'absolu, il ne s'agit pas tant d'obtenir un résultat (la réduction du taux de pauvreté en absolu) que de maximiser le rendement de chaque dirham alloué au budget de lutte anti-pauvreté. Les résultats prime facie indiquent que pour chaque dirham dépensé dans le cadre de l'initiative s'est traduit par un gain par ménage de 20 centimes. Nous sommes en droit de se demander si ce programme a été efficace en termes budgétaires. Les objectifs principaux de l'INDH, ceux en définitive qui auront capturé l'essentiel des financements alloués, correspondent à des programmes dont l'issue attendue serait celle d'une réduction de la fluctuation des revenus de la couche défavorisée: la définition même de la précarité étant l'impossibilité, pour un agent donné, d'anticiper l'évolution future de ses revenus. Le succès d'un programme de l'INDH serait, de prime abord, de réduire cette incertitude. Dans le cas présent, l'indicateur de succès serait donc l'évolution de la volatilité relative du revenu des ménages appartenant aux couches les plus défavorisées. Un succès devrait montrer une réduction de la volatilité relative au bénéfice des ménages-cibles. L'écart est calculé comme le rapport de la volatilité du revenu du dernier décile sur celle du revenu médian par ménage. Le deuxième graphe montre bien une rupture par rapport à la tendance lourde de creusement des inégalités face à l'incertitude des revenus futurs. Il serait donc honnête de reconnaître cet aspect au programme INDH: entre 2006 et 2010, l'écart a bien été quasi-constant. Néanmoins, lorsqu'on compare les gains obtenus pour les ménages les plus défavorisés par rapport au coût global, on observe que le gain cumulé pour les ménages défavorisés de la réduction de l'incertitude-revenu a été d'un peu moins de 230 millions de dirhams – le rendement cumulé au bien-être social de l'INDH a donc été de 2.3%. Ce chiffre est différent du premier résultat, car il dénote d'une quantification de l'amélioration du bien-être des ménages du dernier décile. Il est cependant ironique d'observer que le résultat aurait été exactement le même si le gouvernement avait décide d'affecter directement cette somme (230 millions) aux ménages directement pendant cinq ans. Le trait est certainement forcé, puisque plusieurs programmes sont en fait des investissements de micro-projets (donc générant des revenus plutôt stables et indépendants de l'assistance perpétuelle des autorités publiques) mais enfin il serait intéressant de noter que l'écart d'incertitude du revenu a redémarré en 2011, une assertion qu'il s'agira de vérifier lorsque les agrégats pour 2012 et 2013 seront arrêtés. Le bénéfice social étant somme toute marginal comparé aux efforts déployés, nous sommes en droit de nous poser la question qui fâche : étant donné que ces transferts débouchent sur un jeu à sommes nulles, qui sont les populations mises à contributions? Il peut être ainsi suggéré que la classe moyenne, contribuable captif par excellence, aura été la plus grande contributrice de ce vaste projet de justice sociale, peut-être même le bouc émissaire de celui-ci. Note technique: Les résultats obtenus (pour ceux qui s'y intéresseraient) sont calculés à partir d'une densité de distribution des revenus calculée comme suit: avec le revenu moyen Le revenu de la population défavorisée est calculé sur la base de la probabilité d'appartenance au dernier décile, ou encore de réaliser La volatilité de la croissance du revenu pour une classe sociale donnée est calculée comme un écart type sur l'historique des variations depuis 1955 jusqu'à la date t: