Il y a une dizaine de jours, le Fonds Monétaire International a publié un rapport d'étape évaluant dans ses grands agrégats, l'économie marocaine. Ce rapport était attendu suite à l'octroi, l'été dernier, de la Ligne de Précaution de Liquidité pour pallier à la dégradation dangereusement rapide de la balance de paiement du Maroc, et de ce fait, l'amenuisement de ses réserves de change. Ce qui était moins attendu cependant, c'était la liste de statistiques prévisionnelles préparées par les équipes du FMI, ainsi que des officiels de la délégation marocaine. Des chiffres qui n'ont été présentés ni devant le parlement, ni au grand public, et qui n'ont pas encore été commentés à ce jour par le Ministère des Finances (à l'heure où ce billet a été écrit, la page web du MINEFI ne reprend aucun communiqué de presse faisant état de ces projections) Outre l'aspect discrétionnaire de ces décisions politiques, c'est la nature même des chiffres qui poussent l'observateur à se demander si la communication officielle autour du projet économique du gouvernement n'est pas bicéphale: pour la consommation domestique, des chiffres tantôt rassurants, tantôt alarmistes, servant des objectifs politiques de court-terme. D'un autre côté, des engagements sont pris auprès des institutions internationales sur des statistiques autres. L'exemple principal pour illustrer cette divergence est la croissance moyenne projetée pour la période 2010-2018 (ou plus précisément, 2013-2018) rappelons nous que le programme gouvernemental avait prévu de créer les conditions favorables pour une croissance moyenne de 5.5% sur la période de sa législature, c'est-à-dire jusqu'à 2016. Un rapide calcul élémentaire permet de démontrer que les trois prochaines années doivent réaliser au moins 6.7% successivement pour arriver à réaliser cette moyenne. A ce jour, la position officielle quant à cet objectif de croissance est constante. Pourtant, la moyenne 2013-2018 prévue dans le rapport du FMI est plus proche des 5% (un chiffre plus réaliste au vu des performances historiques de l'économie marocaine) et pour la durée de ce gouvernement, un chiffre plus proche des 4.6%, une moyenne observée depuis les 15 dernières années. Cette histoire de croissance n'est pas une bagatelle. Car c'est sur cette base que le gouvernement a implicitement calqué son programme de réduction du déficit, une autre promesse de celui-ci est de réduire le déficit à 3% d'ici 2016 (notamment afin de stabiliser l'accroissement de la dette publique) ce même objectif est maintenu malgré tout. Le principe du déficit exprimé en pourcentage du PIB est simple: pour réduire le ratio, il s'agit d'augmenter dénominateur (une forte croissance du PIB) ou de réduire le numérateur, avec une politique de consolidation (ou d'austérité) orientée vers une réduction réelle du déficit. Dans l'hypothèse d'une croissance moyenne de 5.5%, la réduction du déficit se passerait sans problèmes particuliers (des réductions nettes de déficit de l'ordre de 5.5 Milliards de dirhams, ou 2.2% de la consommation des administrations publiques) Mais comme les projections du FMI le démontrent, une forte augmentation du dénominateur de ce ratio est peu plausible. Il en résulte que pour une même tendance de réduction du déficit, le gouvernement sera obligé de fournir plus d'effort pour lever plus d'impôts et/ou réduire plus de dépenses. Et d'après les prévisions relatives aux finances publiques, la pression fiscale étant constante, chaque dirham de réduction du déficit correspond à 1.5 dirham de réduction de dépenses. Le graphe ci-dessous reprend les éléments d'évolution des finances publiques (excluant les dépenses d'investissement public) ainsi que le déficit en pourcentage de PIB. On observera que 2013 est une année critique dans ce programme de maîtrise du déficit. On observera que durant cette même année, les niveaux de dette publique (domestique et étrangère) sont stabilisés, le déficit de la balance de paiement ramené en dessous de 5.3% du PIB (pour avoir une moyenne de 4 mois d'importations exprimés en réserves de change). Quelles conclusions en tirer? Principalement que la transparence autour de décisions engageant le Maroc ne figure pas sur la liste des priorités des autorités marocaines. L'efficacité économique de cette grande discrétion de la part de nos dirigeants est douteuse, car elle décime petit à petit la confiance potentielle qu'on peut lui prêter. D'un autre côté, l'attitude paternaliste, qui consiste à ne pas expliquer des décisions prises en coulisses mais réputées efficaces est non seulement improbable, mais surtout est antinomique avec l'idéal d'une économie moderne aux politiques gouvernementales prévisibles et transparentes. Dans ses rapports avec le FMI et ses annonces de politique économique en général (et la réforme de la caisse de compensation en particulier) le gouvernement maintient religieusement la tradition de 'boîte noire'.