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Mourad Bouziani, baron de la drogue, repris 24 heures après son évasion : Les détails d'une évasion ratée
Publié dans La Gazette du Maroc le 08 - 05 - 2006

Admis à quitter sa cellule de la prison de Oukacha pour subir un examen médical pour son diabète, Mourad Bouziani, un gros trafiquant de drogue condamné à 20 ans de prison, a pris la fuite, le mardi 2 mai dernier, en trompant la vigilance de ses trois gardiens. Le lendemain, vers 21H, il a été localisé à Rabat, grâce à l'interception de l'une de ses communications téléhoniques, et arrêté avec ses complices, un cousin et les trois gardiens. Récit d'une évasion ratée qui n'a duré que 24H.
Le tout Casablanca ne parle que de lui. De ce gros bonnet de la drogue à la forte corpulence qui a pu réussir un coup aussi spectaculaire pour tromper la vigilance des gardiens et disparaître dans la nature. En ce mardi 2 mai, l'évasion de ce dangereux criminel est venue soudain pimenter les conversations ennuyeuses de la population pénitentiaire de la prison Oukacha de Casablanca. Les questions fusent de toutes parts, mais sans trouver des réponses.
S'agit-il d'un plan d'évasion mûrement réfléchi et minutieusement préparé ? Les gardiens de prison, chargés de son transfert aux urgences de l'hôpital Ibnou Rochd, étaient-ils les exécutants malgré eux de cette opération aux ingrédients d'un polar hollywoodien ? Comment se fait-il qu'il a été admis à quitter sa cellule de prison de Oukacha pour une, soi-disant, crise de diabète, alors qu'une note de la DGSN met en garde les responsables de l'établissement pénitencier d'une éventuelle évasion de ce détenu de luxe du pavillon 1 ? Qui en est responsable en fin de compte ? Lui, c'est Mourad Bouziani, alias Mourad Casa, un gros bonnet de la drogue condamné à 20 ans de prison, pour trafic de drogue, tentative d'homicide avec préméditation, détention d'armes sans autorisation, dans le cadre de l'affaire dite «Mounir Erramach» qui a éclaté au Nord du pays en août 2003. L'histoire de son évasion ratée, elle, n'a duré que l'espace de 24 heures et n'avait pas besoin de tant d'efforts ni d'astuces imaginatives.
Il ne s'est pas enfui en creusant un tunnel à partir de sa cellule pour se retrouver de l'autre côté de la muraille et échapper à la vigilance des miradors. Il a fait plus facile. Le film des événements. Mardi 2 mai, vers 10H du matin, Mourad Bouziani, par on ne sait quelle astuce, réussit à obtenir un billet de sortie de la direction du pénitencier afin d'aller voir un médecin à l'hôpital Ibnou Rochd de Casablanca pour sa maladie de diabète.
Une évasion au prix de 500 DH
Voilà des mois que Mourad Bouziani fréquente le médecin du dispensaire du complexe pénitentiaire, mais rien n'y est fait. Celui-ci l'oriente vers l'hôpital, vu l'état de santé du détenu : maux de tête, vomissements, jambes enflées montée de l'insuline… C'est du moins ce que Bouziani n'a cessé de répéter pour obtenir le sésame de la sortie. Rendez-vous est pris donc ce mardi 2 mai aux urgences de l'hôpital Ibnou Rochd. Le dangereux Mourad Bouziani quitte la prison par la grande porte, dans une estafette de la prison, en compagnie de trois «gentils» gardiens qui ne doivent pas le lâcher d'une semelle. Pourtant, la note de la DGSN, incluse dans le dossier du détenu, prévoit, dans une telle situation, que le détenu soit emmené sous haute surveillance, en prévention d'une éventuelle évasion. Sur place les urgences de l'hôpital sont prises, comme à leur habitude, d'une grosse frénésie. Et comme le veut le règlement, le patient détenu, Mourad Bouziani, est pris en charge et des médicaments lui sont prescrits par un médecin interne. Il était 13H 30 environ.
Bouziani, qui a retrouvé son air jovial, parle sans cesse sur son téléphone cellulaire, sans qu'aucun gardien s'en doute de son projet d'évasion qui commence à prendre forme. La visite médicale faite, Bouziani consulte sa montre et lance brusquement à ses gardiens qui lui ont ôté ses menottes : «C'est encore tôt pour rentrer. Je vous invite à déjeuner. Que dites vous d'une bonne friture de poisson commandée chez Snack Amine?» L'offre est intéressante, mais elle n'était pas suffisante pour convaincre les gardiens Bouarfa et Falahi d'aller jusqu'à enfreindre le règlement et risquer leurs postes respectifs. Un moment d'hésitation et le tour est joué. Bouziani, connu pour être un grand corrupteur, met sa main dans sa poche et file aux gardiens la somme de 500 DH pour accepter ce précieux déjeuner. Et pour les mettre en confiance, il leur propose de se mettre juste dans un café en face des urgences d'Ibnou Rochd pour ne pas trop tarder à rentrer en prison. Bouziani appelle un cousin et passe la commande. Homme libre, il se trimbale, les mains dans les poches, entre l'épicerie du coin et le café comme bon lui semble. Les gardiens, eux, sont tellement excités qu'ils oublient de prendre soin de surveiller le généreux détenu qui attend avec impatience l'arrivée de son cousin sauveur. Il était 14H 15 quand le cousin, à bord d'une Renault Kangoo de couleur blanche, débarque sur les lieux, embarque son client et repart à toute vitesse. Le plan d'évasion a marché. Mourad Bouziani a pris la fuite. C'est un homme libre. Entre temps, pris de panique et affolés, les compagnons du fugitif informent la direction de la prison qui, à son tour, alerte la PJ de la préfecture de police de Casablanca. Rocambolesque. Le procureur général du Roi près la Cour d'Appel, informé, ordonne une enquête minutieuse dans cette affaire, confiée à la célèbre BNPJ et l'arrestation des trois gardiens négligents, accusés de complicité. À ce stade de l'enquête, tout est possible. Des barrages de police sont dressés dans les sorties de la ville, mais en vain. Mourad Bouziani est introuvable. Il fallait attendre le lendemain, mercredi 3 mai, à 21H, pour que le dangereux détenu soit localisé à Rabat, route Zair, dans un snack-resto près du centre commercial Méga Moll. 
Interception d'un appel téléphonique
Comment peut s'interroger le commun des mortels ? La réponse vient de la bouche même d'un commissaire de police à la BNPJ, chargé de ce dossier.
«C'est grâce à l'interception de l'une de ses communications passées de son propre portable que nous l'avons interppelé. Dès son évasion, nous avons mis son portable sur écoute, sur ordre du parquet, ce qui nous a permis de le localiser rapidement quand il a appelé un ami pour le charger de lui débrouiller la somme de 20. 000 DH ». Et d'ajouter : «Le rendez-vous fixé au fast-food, il nous fallait juste se déplacer pour le cueillir sur place sans trop de résistance». Conduit à la BNPJ à Casablanca, Mourad Bouziani déballe tout. Les détails de l'opération, l'implication de ses gardiens complices accusés de corruption, octroi de facilité pour évasion à un détenu et complicité, dans cette grosse affaire d'évasion qui n'a duré que 24H. Son seul souci, comme il n'a pas cessé de le répéter, ne pas revenir à la prison d'Oukacha où il risque de subir les affres des employés de cet établissement qui lui en veulent d'avoir dénoncer leurs collèges.
Présenté au parquet de la Cour d'appel de Casablanca vendredi 5 mai dernier, Mourad Bouziani risque jusqu'à 2 ans de réclusion qui s'ajouteront aux 20 années qu'il purgera, à coup sûr, sous haute surveillance.
Qui est Mourad Bouziani ?
ils d'un commissaire de police retraité, Mourad Bouziani, connu pour être brutal et dangereux, a été arrêté le 3 août 2003, lors d'une grosse bagarre qui a éclaté dans une boîte de nuit du nord, le Baobar, entre lui et les sbires d'un autre baron dénommé Hicham Harbouli. La cause n'est qu'une cargaison de haschich de mauvaise qualité qu'aurait vendu Bouziani au clan Harbouli qui essaiera de faire justice soi-même. S'ensuivent une fusillade et une poursuite digne des règlements de comptes d'Al Capone et du Chicago des années trente. Il y aura quelques blessés parmi le clan de Harbouli qui a été effleuré par une balle à la tête. L'affaire éclate et les arrestations se multiplient dans les deux clans. La justice condamne à perpétuité Hicham Harboul, alors que Mourad Bouziani a écopé de 20 ans de prison pour tentative d'homicide avec préméditation, possession et usage d'armes à feu, trafic de drogue, falsification de documents administratifs et corruption. En prison, Mourad Bouziani écrit des lettres anonymes pour enfoncer Mounir Erramach et l'accuser de préparer une imminente évasion. Ses agissements finiront par mettre l'attention des responsables du ministère de la justice sur Erramach, placé dans une cellule isolée au pavillon des islamistes à la prison civile de Salé, alors que lui bénéficiera de largesses et de privilèges à Tétouan, à Kénitra et à Casablanca par où il essaiera de s'évader.
Hicham Harbouli, le détenu
de luxe de Tétouan
'est une grosse histoire de blanchiment d'argent, qui a éclaté en Espagne en mois d'avril 2005 et qui permettra de neutraliser Hicham Harbouli, en cavale, condamné par la justice marocaine à perpétuité, dans le cadre de l'affaire dite «Mounir Erramach». Tout a démarré avec l'arrestation, au début du mois de mars dernier, de l'avocat chilien, Fernando Del Valle, à la Costa Del Sol, au sud d'Espagne, qui a tout déballé. Ses aveux ont conduit les enquêteurs espagnols sur les traces des plus gros trafiquants de haut vol marocains qui ont trouvé refuge en Espagne. Des Russes, des Ukrainiens, des Finlandais, des Français, des Espagnols et des Marocains qui donnaient l'insomnie à plusieurs polices européennes.
L'affaire avait comme code un nom : "baleine blanche" et avait permis de mettre la main sur une grosse fortune estimée, par la police espagnole, à 250 millions d'Euros. Le pactole comprend également 250 immeubles saisis ainsi que des voitures de luxe, des yachts, des avions, des œuvres d'art, des bijoux et de l'argent liquide.
En cavale en Espagne depuis l'été 2003, Hicham Harbouli a été donc finalement rattrapé par la malédiction de la drogue. Son arrestation en Espagne a mis à nu les ramifications d'un réseau de trafic de drogue bien organisé qui opérait à partir de l'Espagne vers l'autre rive méditerranéenne. Fort de ses appuis au Maroc, Hicham Harbouli s'est arrangé pour ne plus émarger à Tétouan ou à Tanger, se contentant de donner des ordres par téléphone et se chargeant d'organiser un trafic qui prenait pour point de départ les deux présides Sebta et Melilla. Interpellé, puis extradé au Maroc, le petit parrain est, depuis, incarcéré dans la prison civile de Tétouan où, dit-on, il bénéficie d'un traitement très spécial avec sorties quotidiennes, en attendant de prendre la poudre d'escampette vers l'Europe.


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