Décentralisation, développement et nouvelle gouvernance Décentralisation, déconcentration, régionalisation, nouvelle gouvernance, action de proximité, démocratie locale, autant de concepts-clés qui ont fait voler en éclats le sacro-saint principe de l'Etat-Providence et de l'Etat-Nation. Les grands paradoxes de l'histoire : au moment où la mondialisation galope, la régionalisation s'affirme. Quelle appréciation des expériences avancées, notamment occidentales ? Quel diagnostic de parcours au Maroc ? Quelles perspectives de nouvelle gouvernance ? Autant de thèmes livrés à la réflexion des participants au séminaire international du samedi 6 juillet, conjointement organisé par l'Association Convergences 21 (Section de Rabat) et la Région de Rabat-Salé-Zemmour-Zaër. Un plateau de choix d'éminents protagonistes réunis autour de la problématique suivante : “ Régionalisation et développement : quels rôles pour les acteurs institutionnels et socio-économiques ? ”. D'emblée, Azzedine Abaaqil, Président du club régional Convergences 21 annonça l'objectif du forum : “ le séminaire a pour objectif particulier de sensibiliser les acteurs nationaux sur l'enjeu de la régionalisation dans plusieurs domaines, telle l'expression démocratique du citoyen, la solidarité sociale, le développement économique et une meilleure allocation et utilisation des ressources ”. Et de lancer son credo : “ la démocratie s'impose comme un choix incontournable de développement lié aux enjeux des stratégies régionales”. Autrement dit, il ne saurait y avoir de bonne gouvernance sans décentralisation effective impliquant les compétences et moyens nécessaires d'accompagnement pour faire des collectivités régionales la locomotive de développement. Décentralisation par compétences acquises En écho, Abdelkébir Berkia, président de la région de Rabat-Salé-Zemmour-Zaër, s'appliqua à mettre en exergue l'atout décisif que représente l'implication du tissu associatif dans le processus de développement local. “ Il faut une implication totale du tissu associatif fondé sur un véritable partenariat avec l'Etat et les collectivités locales. La région constitue le cadre privilégié d'un partenariat mobilisateur entre les acteurs institutionnels publics et privés, nationaux et étrangers où les ONG ont un rôle important à tenir ”, a-t-il vivement préconisé. Nos spécialistes ont fait remarquer que le processus de proximité enclenché par la charte de 1976 n'a pas su intégrer la dimension économique comme prérogative à part entière dans la gestion des collectivités locales. Au contraire de ce qui se passe dans les modèles européens de décentralisation qui ne se sont pas confinés à un simple découpage à compétence administrative et sociale. Comment se porte le Maroc de la décentralisation à la lumière des expériences des pays européens de la Méditerranée, à l'instar de l'Espagne et de l'Italie? Autant dire tout de suite que cette question a été tranchée par l'espagnol Jordi Alvinyà du Gouvernement de Catalogne : “il existe plusieurs voies et moyens qui conduisent à la régionalisation. Chaque pays doit créer son propre modèle de décentralisation et de gouvernance locale ”. En clair, sur ce chapitre, tous les chemins peuvent mener à la “ Rome des régions ”. Et c'est par le génie intrinsèque à chaque nation et le transfert de ses compétences lourdes que s'exprimeront au mieux les particularismes internes et les potentialités locales. “ Les compétences lourdes doivent être transférées du centre vers le territorial et doivent être accompagnées d'un transfert des crédits budgétaires nécessaires ”, a plaidé de son côté, M. Noally , chargé de la coopération décentralisée au Conseil de la région de Rhônes-Alpes, un espace représentant 10% du potentiel de l'Hexagone. Faute de quoi, s'ensuivent des “défaillances dans les mécanismes institutionnels du développement local ”. Ces mêmes carences qui, aux yeux du professeur Azzouaoui, sont responsables du taux de pauvreté très élevé au Maroc . D'où l'échec patent de la théorie du développement vertical, au moment où les expériences significatives de par le monde se sont évertuées à initier des processus horizontaux basés sur l'autonomie totale de la gestion des collectivités territoriales. Exemples illustrés par l'intercommunalité à la française et par les gouvernements autonomes du royaume ibère. La régionalisation, une aspiration universelle L'exemple français montre bien l'intérêt d'un “ processus des compétences acquises sur l'initiative des régions ” aboutissant de facto à la reconnaissance du droit de plein exercice des nouvelles prérogatives. C'est ce qui fait dire leur certitude aux experts communautaires : “ la région existe d'abord par ses compétences, ses initiatives et sa pratique”. Pour sa part, le catalan J. Alvinyà considère que “ les acteurs impliqués localement peuvent agir de manière plus appropriée ”. A cette fin, il faut des acteurs locaux pour réussir le développement et atteindre le changement. L'entrée en lice de Mohamed Brahimi, directeur général des collectivités locales au ministère de l'Intérieur, montra son attachement à la décentralisation en tant qu'évolution inéluctable des modes d'organisation et de gestion des sociétés. Il a plaidé ouvertement le caractère universel des aspirations à la régionalisation et la consécration du droit à la différence. “ La régionalisation a pris des accents d'universalité et est au goût du jour. Il faut libérer les identités internes et les micro-culturalismes. Il faut laisser s'exprimer les particularismes car les souverainetés nationales sont de plus en plus sacrifiées sur l'autel de la mondialisation ”, a-t-il notamment souligné. Tout en tenant, toutefois, à distinguer entre les régionalismes “séparatistes qui se nourrissent à la violence ” et “ d'intégration qui reconnaît le droit à la différence ”. C'est dans cette dernière option que Mohamed Brahimi a inscrit l'expérience de décentralisation à la marocaine.