Mères dites prostituées-célibataires Prostituées, bonnes et analphabètes…, elles courent les rues. Il existe des femmes à qui la vie n'a pas souri, depuis les premières lueurs de leur existence. La majorité de celles qu'on rencontre sont des femmes en quête de survie dans cette métropole, Casablanca. Rongées par la sordide misère, elles sont victimes des agressions sexuelles ou de fausses promesses de mariage qui les entraînent vers la marginalisation. Elles se retrouvent ainsi enceintes. C'est du plat. De ce fait, ces femmes deviennent ce qu'on appelle des mères célibataires, terme péjoratif qui perd sa signification. Un enfant a bien une mère et un père… Ce fléau est devenu presque normal. Car, ces mères, parfois très jeunes, tombent enceintes et doivent garder dans la majorité des cas, le secret et accoucher dans la plus grande discrétion. L'enfant est ensuite abandonné, vendu ou tué. En fait, être mère, c'est avoir un enfant et s'en occuper, lui chanter des chansons et le bercer, c'est ce qu'il y a de plus extraordinaire. Ceci reste un rêve, un rêve merveilleux que toutes les femmes du monde aiment réaliser. Cela devient possible si la femme a les moyens d'élever son enfant en toute sécurité et lui apporter tout son amour. Cependant, dans le cas des mères célibataires, celles-ci sont confrontées à des difficultés majeures. Malheureusement, elles sont confrontées à un effroyable destin : ni travail, ni foyer. Un enfer qui les laisse mener des routes incertaines. Nadia est l'une d'elles, une femme habitant un quartier populaire, dans une toute petite chambre avec ses deux filles. Les larmes aux yeux, elle raconte son histoire avec beaucoup d'hésitation : " Je suis née dans un quartier populaire à Derb Soltan. Mon père est mort alors que j'étais toute enfant. Ma mère faisait tout son possible pour nous élever, mes frères et moi. Quelques fois, elle restait très tard la nuit, parce qu'elle vendait des cigarettes près des bars, et le soir était le meilleur moment pour gagner plus d'argent. C'est pourquoi j'étais obligée de quitter l'école. Il fallait que je m'occupe de mes frères et sœurs, car j'étais l'aînée. Quand j'eus atteint l'âge adulte, mes fugues de la maison se multiplièrent. J'oubliais mes soucis dans l'alcool et je commençais à me prostituer. De là, tout a empiré pour moi. En fait, je n'ai pas que deux filles, j'ai six enfants. Le premier est un garçon, je l'ai vendu à une dame très riche. Le deuxième était une fille, je l'ai abandonnée près des marches de l'orphelinat. L'un d'entre eux est mort, tandis que les deux autres, j'étais obligée de les garder. Tout cela parce que je n'avais pas assez d'argent pour acheter des contraceptifs. À chaque fois, je me fais prendre, car les policiers me trouvent dans la rue avec des hommes drogués ou ivres et je n'ai guère le choix" Mais dans d'autres cas, la pauvreté peut ne pas être la seule cause. Certaines femmes sont victimes de viol ou d'agression et leur état est déplorable. Beaucoup d'entre elles déposent des plaintes aux commissariats, dans les tribunaux, sans succès. Elles sont soumises à leur sort. Un enfant entre les bras, le déshonneur familial en plus … Fadwa, une jeune fille à peine âgée de 16 ans raconte : " J'étais fiancée et l'on avait prévu le mariage le plus tôt possible. Un jour alors que j'étais toute seule chez moi, mon fiancé est venu me rendre visite. Profitant de l'absence de ma famille, il m'a violée pour satisfaire son désir sexuel. Après cela, je ne l'ai plus revu et le plus pénible dans tout cela est que je suis tombée enceinte. J'étais traitée comme une coupable par toute ma famille. Ils m'ont mise à la porte alors que je suis moi-même victime. J'ai trouvé refuge dans une association, c'est elle qui m'a aidée à surmonter toute ma souffrance et m'a trouvé du travail " Dans certains cas, l'Association solidarité féminine vient en aide à ces mères célibataires. Elle essaye de les réintégrer dans la société en leur trouvant du travail et en leur apprenant à mieux s'occuper de leurs enfants et à bien les éduquer. Rares sont les cas qui réussissent. Car l'animation de la rue et les gains faciles qui résultent du vagabondage attirent davantage. C'est ce qui fait que le retour à cette vie de la rue est fréquent. De son côté, la police, lorsqu'elle effectue des rondes pour débarrasser les rues de cette couche sociale qui dérange, elle procède à l'identification des personnes interpellées et les défère devant le Parquet. Relaxées dans l'heure qui suit, elles reviennent faire les cents pas devant le commissariat même.