Le mariage Dans les sociétés traditionnelles, les conjoints subissent la volonté de leurs parents car il s'agit davantage d'un mariage contrôlé, que d'une union imposée par les familles. De nos jours, cette situation semble appartenir à un passé lointain. Au Maroc, comme ailleurs, le mariage sous-tend deux composantes fondamentales : d'une part, un arrangement familial. C'est-à-dire que les démarches en vue du mariage sont amorcées par les parents. À cet égard, une enquête minutieuse et discrète est menée, souvent par des "entremetteurs", sur les qualités morales, intellectuelles et la fortune du partenaire envisagé. La famille recherche donc une certaine concordance économique, sociale et culturelle, craignant la mésalliance. Ce faisant, les conjoints subissent la volonté de leurs parents. Et d'autre part, une gestion du patrimoine familial. C'est pourquoi, souvent, les parents souhaitent pour leur fille un jeune homme titulaire d'une dot "raisonnable" mais "bien payé" et qui fera de leur fille une héritière préciputaire. Vu sous cet angle, la raison semble davantage conditionner le mariage que les sentiments et l'émotion surtout dans le milieu rural "Personnellement je préfère marier ma fille à un homme fortuné, qui lui assurera son avenir, qu'à un jeune qui n'arrive même pas à subvenir à ses besoins. Un bon père ne vous dira pas le contraire", nous a révélé crânement Lahcen 60 ans et père de 3 filles toutes mariées. De nos jours, la situation a considérablement changé : d'abord, parce que l'intervention parentale dans le choix du conjoint s'est relâchée. De fait, nous sommes passés de l'arrangement familial à l'arrangement conjugal. En effet, "le choix du conjoint est le plus souvent initié par les conjoints eux-mêmes, qui dans un deuxième temps, se présentent mutuellement à leurs familles", nous a confié un jeune couple casablancais (Mouna 25 ans étudiante et Abdellah 31 ans aide-comptable). La volonté parentale dans la formation de l'union apparaît donc comme subordonnée au désir du couple qui s'unit. Ensuite, il semblerait que l'entrée dans la vie conjugale coïncide beaucoup moins avec le mariage. Alors que dans la société traditionnelle le couple se forme, le plus souvent, avec le mariage. Même si la pratique de la cohabitation n'est pas aussi généralisée. Ainsi, d'après un sondage effectué à ce sujet en 1995, parmi les mariages célébrés dans les années 1990 seulement 10% étaient faits suite à une période de cohabitation. D'ailleurs, la grande majorité des interviewés rejetaient l'idée de la cohabitation aussi bien celle qui précède le mariage légal que celle qui se substitue à lui. Le témoignage d'un couple en est une parfaite illustration : "dans notre société, il est quasiment impossible qu'un couple arrive à cohabiter sans conclure l'acte légal. Outre le mépris de la société qui va empoisonner la vie du couple, les autorités réprimandent catégoriquement ce genre de pratique", nous a confié Ahlam 24 ans, célibataire. Enfin, il paraît que le rôle du mariage dans la gestion du patrimoine familial n'est plus dominant. Cela ne signifie pas pour autant que le mariage obéisse désormais uniquement aux seules lois de l'amour ; envisagé comme dénué de toute correspondance à l'"homogamie", c'est-à-dire, à la concordance économique, sociale et culturelle des milieux des futurs époux. En effet, nul ne manquera de relever que l'"hétérogamie" qui signifie la discordance des milieux socioculturels des conjoints est très faible. C'est, en tous cas, ce que nous a confirmé Redouane 28 ans marchand ambulant : "c'est très rare qu'une personne aisée songe à se marier avec quelqu'un de nécessiteux ou très peu instruit. Comme on dit chez nous : le pauvre est prédestiné à épouser un pauvre et le riche de même ! " Cette situation d'homogamie qui caractérise les sociétés traditionnelles à l'image de la société marocaine, s'explique par trois choses : Premièrement , le choix semblable provient du fait que les individus sont placés dans des les mêmes contextes (écoles, usines, quartiers…). Deuxièmement, il dépend de l'affection encouragée, nourrie par les similitudes de goûts, des habitudes, elles-mêmes conditionnées par des éducations voisines. Troisièmement, l'homogamie sociale serait le résultat d'une stratégie rationnelle des acteurs cherchant, par le biais du mariage, à conserver ou augmenter leurs capitaux matériels et symboliques. C'est cette troisième explication qui nous semble la plus pertinente pour la société marocaine, caractérisée par une homogamie subie dans le bas de l'échelle sociale, et une homogamie voulue dans les classes supérieures. Autant dire qu'entre une histoire d'amour à la Roméo et Juliette et un mariage avec villa et voiture à la clé la décision de la future mariée ne serait pas difficile à prendre. Vous avez sûrement deviné !