La kasbah de boulaâouane Pour mettre fin à un climat de terreur qui durait depuis deux siècles, Moulay Ismaïl édifia la kasbah de Boulaâouane, au bord de l'Oum Er-Rbia. À mi-chemin entre Settat et El Jadida, sur l'ancien itinéraire qui reliait à l'époque almohade, Marrakech à Fès, désigné sous le nom de «Trik Assoltan», se trouve la Kasbah de Boulaâouane. Située au point le plus étroit d'une boucle de l'Oum Er-Rbia, elle surplombe toute la région sur les deux rives du fleuve. Cette kasbah fait partie des soixante-seize forteresses construites à cette époque par Moulay Ismaïl. Elle demeure aussi la plus impressionnante. En 1514, la région de Boulaouane, à la lisière des régions des Doukkalas et de la Chaouia, fut le lieu de batailles opposant les Marocains aux assaillants portugais, débarqués d'Azemmour et de Safi. Par ailleurs, les gens de Bled Siba faisaient fi des accords commerciaux et droits de passage signés entre les autorités souveraines. Dès lors, ils s'attaquaient aux commerçants ou avaient recours à des actes illégaux (fraudes, commerces licites…) Ce climat d'insécurité provoqua l'abandon de Boulaouane par ses habitants, de riches agriculteurs. Fin stratège politique, Moulay Ismaïl ne le voyait pas de cet œil. Il décida de pacifier le Maroc en implantant des kasbah tout le long de la côte atlantique. C'est ainsi qu'il marqua de son sceau toutes les autres villes et bourgades du Maroc. Il jalonna le pays de forteresses et de gîtes dans les lieux de passage. Il les peupla de soldats, issus de sa garde des «Abids El Bokhari» qui furent chargés de la sécurité de la population et de la levée des impôts. Pour Boulaouane, il choisit d'implanter sa forteresse sur le point le plus élevé. De là, la kasbah était visible de toutes parts et surveillait aussi bien les tribus des Doukkalas que celles de la Chaouia. Devenue poste de contrôle et de protection, elle dominait ainsi toutes les voies de communication. Une forteresse démilitarisée L'accès à la kasbah se fait par une porte monumentale (trois arcs dans un encadrement rectangulaire). De part et d'autre, des colonnettes encadrent le parapet de la porte. Celle-ci porte une inscription gravée : l'acte de naissance de la kasbah. Il nous fournit le nom de son commanditaire : Moulay Ismaïl en personne et celui de son exécutant : le Pacha Saïd Abou Othman Ben El Khayat. La date de la construction est aussi indiquée : 1120 de l'hégire (correspondant à 1710 de l'ère chrétienne). Le couloir d'entrée qui, en 1950, a été transformé en une ligne droite était à l'origine, en chicane, comme dans toutes les maisons traditionnelles marocaines. En avançant, on entre dans une pièce donnant accès de part et d'autre à des réduits pour les gardes. Suit un vestibule à ciel ouvert, d'où les défenseurs de la kasbah pouvaient repousser les attaquants. À gauche de ce lieu de défense, un escalier permet d'accéder au chemin de ronde. À droite, on débouche sur l'entrée d'origine de la kasbah. Là, des petites colonnes en marbre marquent leur différence avec le style architectural de la forteresse. Elles proviendraient, dit-on, du Palais saâdien Badii, de Marrakech. Moulay Ismaïl l'aurait dépouillé pour élever les colonnes des palais de Meknès. Les annexes et un petit hammam précèdent la maison que devait occuper le seigneur des lieux. En 1949, des colonnes en grès avec leur base et leur chapiteau existaient encore. Depuis, elles ont été dérobées. Dommage, car il s'agissait de pièces essentielles pour la reconstitution de la cour. Tout est dans un état de délabrement sérieux. Seule une cage d'escalier laisse deviner l'existence d'un ancien étage. Une tour rectangulaire de 15 mètres domine la kasbah et ses environs. C'était une habitation (sorte de Menzeh) et une tour de surveillance en même temps. La kasbah possédait une mosquée dont la toiture effondrée a été remplacée par une toiture en béton (ce qui est un non-sens). Six impressionnants magasins (sortes de greniers souterrains) s'appuient contre les remparts. Tout près, une porte mène au fleuve. Après avoir traversé un couloir abrité par deux murs élevés, on prend un petit chemin qui aboutit vers des bassins aujourd'hui disparus. Mais vous serez récompensé d'être arrivé jusque-là : de magnifiques orangeraies occupent ces berges de l'Oum-Er-Rabia. Elles embaument toute l'atmosphère. Il suffit de s'allonger et d'oublier tout le reste… Une porte au Nord n'existait pas à l'origine. Elle a été ouverte en 1949 par un colon qui exploitait des terres aux alentours. En 1745, Moulay Abdallah (fils de Moulay Ismaïl) demeura une année dans la région de Doukkala, donc au sein de la kasbah de Boulaâouane. Il voulait en finir avec la dissidence des tribus doukkalis qui soutenaient son frère, mais aussi rival : Moulay El Mortadi.