Douze mappemondes pour dire l'histoire. Douze esquisses d'un monde autre que Farid Belkahia regroupe dans cette exposition. Une exposition qui revient aussi sur une représentation de Jérusalem et une main de grande dimension. À la fois réflexion sur le monde et ses clivages et promesse de réconciliation, les derniers travaux de Belkahia ouvrent un débat sur le sens de l'appartenance. Au-delà de l'anecdote et du hasard derrière la découverte de ces mondes dérivants que sont les continents, il y a l'empreinte d'un parcours. Ni palimpseste ni sédiments du passé, mais une réflexion sur l'incertain de cette "géographie ambulante". Dérive des continents et cheminements humains. Forcément, il y a, à un moment ou un autre de ce long glissement dans l'immensité des possibilités, un point de jonction. Un centre qui ne délimite pas les contours du monde, mais leur sert de mémoire. Farid Belkahia risque le rapprochement des antagonismes non dans un élan d'optimisme béat, mais surtout pour accentuer les différences. Dans ce mouvement vers la pénétration des mondes géographiques, chaque rencontre est un séisme. Quand une plaque dérive sur une autre, elle en modifie l'aspect et lui imprime et la violence du contact et l'apport qu'elle charrie dans son sillage. Chez Farid Belkahia, c'est aussi ce va-et-vient entre les disparités qui préside aux variations sur le thème de l'appartenance. Appartenance à un espace qui se plie aux exigences du temps. Le vœu de l'artiste n'est pas de créer l'unité. Cela serait une illusion dont il ne peut supporter la superficialité. Il cherche plus de marquer les territoires de chacun en acceptant ceux des autres. C'est une logique d'acceptation des différences. Elle se fait dans le recul, la distance et la distanciation. Géographie de l'espace et géographie de l'esprit, ces douze mappemondes sont ce fil secret pour cheminer entre les dérives, trouver une voie du cœur dans le chaos. Farid Belkahia La dérive des Continents Du 20 septembre au 30 octobre à la galerie Bab Rouah à Rabat Farid Belkahia 1934Farid Belkahia est né en 1934 à Marrakech. Il passe son enfance à Amizmiz où son père tient un commerce. Très tôt initié à l'art par son père qui fréquente les cercles autour d'artistes étrangers tels que Antoine, Olek et Jeannine Teslar, Nicolas de Staël. C'est dans l'atelier de Olek Teslar que Farid Belkahia fait son apprentissage de la peinture. À 15 ans, il y peint ses premières toiles qui constituent la genèse de ce que l'on nommera plus tard sa période expressionniste. L'enlèvement de Mohammed V en 1954 l'incite à donner à ses œuvres un élan engagé. Un an plus tard, il quitte le Maroc pour Paris où – grâce à l'intervention d'un ami de son père – il est reçu par François Mauriac qui lui procure un logement à l'Institut catholique de la rue Madame. Il s'inscrit aux Beaux-Arts dans les ateliers de Brianchon et Legueult. 1959Dès sa sortie des Beaux-Arts en 1959, poussé par la curiosité et le désir de comprendre le communisme, il s'établit à Prague où il suit des cours de scénographie à l'académie de Théâtre de Prague. L'obsession du cercle et de la flèche apparaît déjà comme une sorte d'alphabet personnel qui fonctionnera comme un repère nécessaire à l'expression d'une conception particulière de l'être. Il sera très vivement marqué par la visite d'Auschwitz en 1955, mais aussi par la pression qu'exerce le régime communiste à Prague. 1962 En 1962, Mahjoub Benseddik, alors secrétaire général de l'Union marocaine des travailleurs, le sollicite pour prendre la direction de l'Ecole des Beaux-Arts de Casablanca. Poste qu'il honorera jusqu'en 1974. Il s'entoure d'une équipe de pionniers tels que Mohammad Melihi, Mohammad Chebaa, Hamidi et Hafid qui dirigent les ateliers de peinture. Tony Maraini enseigne l'histoire de l'art, Bert Flint se charge de l'enseignement de l'histoire des arts populaires au Maroc et Jacques Azéma dirige l'atelier de dessin. Son grand intérêt pour la mémoire et le cheminement de l'homme à travers la tradition lui dicte très vite de créer des ateliers pour l'enseignement de l'histoire de l'artisanat marocain, du travail du tapis, du bijou à la céramique. Il reçoit des artistes tels que Dimitrienko, César et Lurçat. 1965La carrière de Farid Belkahia est marquée par ses voyages. En 1965, il part pour Milan où il suit les cours de l'Académie Brera. Il vit à Monza et rencontre des peintres tels que Castellani et Kounelis ainsi que Bonalumi et Fontana. En 1972, il est invité aux Etats-Unis par le State Department où il est impressionné par le Massachusetts Institute of Technology (MIT) et par les différents musées et institutions d'art. En 1974, il démissionne de l'école des Beaux-Arts de Casablanca. En 1978, il se rend en Chine. Influencé par un article de Jean Lacouture paru dans Le Monde sur le Transsibérien, il l'emprunte pour le retour. 1990En 1990, il épouse l'écrivain Rajae Benchemsi et en 1993 naît sa fille Fanou. Farid Belkahia vit et travaille actuellement à Marrakech.