Il est médecin légiste au CHU d'Ibn Rochd. Il est souvent appelé à “faire parler” des cadavres, à “décortiquer leur mort”, mais également à ausculter des patients et à établir une contre-expertise de leur état de santé. Saïd Louahlia nous brasse les contours de l'erreur médicale, qu'il rencontre souvent. Erreur ou faute médicale La Gazette du Maroc : que veut dire l'erreur médicale? S. Louahlia : L'erreur médicale n'engage pas la responsabilité du médecin; mais si l'erreur est accompagnée de complication, elle devient faute. L'erreur, c'est se tromper. Aussi, le médecin a-t-il le droit de se tromper, mais il n'a nullement le droit de “fauter”. La faute engage des conséquences juridiques. La loi définit la faute par le code des obligations et des contrats par “tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage et dont il est tenu de le réparer” . Autrement dit, “faire ce qu'il ne fallait pas faire”, il s'agit alors, d'une faute directe par omission, à titre d'exemple: le mauvais diagnostic, l'oubli d'un corps étranger après une opération chirurgicale (compresse, bistouri...). Ou encore “ne pas faire ce qu'il fallait faire”, un acte qualifié de faute indirecte par omission telle la non assistance à personne en danger. Peut-on mettre en doute le diagnostic du médecin et l'accuser d'une erreur médicale? Il faut d'abord situer la faute médicale dans le temps et dans l'espace. La notion de la médecine et de l'accès aux soins a changé. Jadis, on pouvait tolérer l'erreur du médein, actuellement, le médecin n'a plus droit à l'erreur. Le public ne voit plus en ce médecin “l'homme sage”, mais un homme qui peut rendre compte de son acte. Il est traité sur un pied d'égalité. Il est surveillé et contrôlé par la population. Le patient, à tort ou à raison, peut déposer plainte. Il a droit à l'information. Le fait qu'il demande le pourqoui de l'acte ne veut pas dire que le patient soit “fou” ou “insolent” comme le prétendent certains confrères. La population commence à être informée par le biais des médias. On commence à juger “les blouses blanches”, qui doivent se défendre. La justice était “clémente”, auparavant, avec le corps médical, étant donné qu'un médecin limité par les moyens ne peut travailler correctement. Mais le cumul des dossiers a constitué l'expérience de la justice qui devient très exigeante à tel point qu'une faute jugée simple auparavant, est devenue lourde à présent. Y a-t-il des degrés de la faute médicale? La loi ne classifie pas les fautes. Dans le langage juridique, on classe la faute simple ou lourde, volontaire ou involontaire.... Mais, la justice ne fait pas de différence : “Quiconque ayant commis une faute par son imprudence, sa négligence, sa maladresse est poursuivi”. Cependant, il y a des fautes techniques (omettre de demander une radio, oublier de surveiller le malade après une opération, opérer l'oeil sain...), ou encore des fautes par incompétence (opérer un patient alors qu'on n'est pas qualifié, usurpation de titre....). Par ailleurs, le patient oriente la justice vers le pénal ou le civil selon le chef d'inculpation et le dédomagement qu'il convoite. Mais certaines conditions particulières impliquent la faute pénale, à savoir: la non assistance à personne en danger, la violation du secret professionnel, la rédaction de certificats de complaisance, l'avortement illégal, l'abus ou la vente de produits stupéfiants, les coups et blessures volontaires ou involontaires. Qui juge la faute médicale? L'expert médical, le professionnel de la justice. Mais est-ce que l'expert a les mains libres? La situation est embarrassante, mais il faut défendre la profession, pas les professionnels.