Elections du président de la Chambre des représentants L'élection du président de la Chambre des représentants le vendredi 8 avril provoque beaucoup d'effervescence au sein des partis de la majorité. Certains parlent de concertations, d'autres de négociations alors que la mouvance populaire renie tout contact sur ce sujet. Le flou politique est total. Le vendredi 8 avril aura lieu l'élection du président de la Chambre des représentants. Un évènement qui suscite beaucoup de remous dans la classe politique depuis quelques semaines notamment au sein de la majorité gouvernementale. Chaque composante de cette majorité hétérogène essaye de tirer le maximum d'avantages de ces élections en brandissant le nom d'un candidat potentiel au perchoir. À tel point qu'à quelques jours de cette date butoir, aucun dirigeant politique n'est sûr de rien à part que les tractations vont bon train et que le vote secret est très craint. Mais si certains confirment l'existence de négociations comme Mohamed Elyazghi, d'autres les renient totalement comme Mahjoubi Aherdane. Autant dire que le flou politique est total, même si curieusement tout le monde s'accorde sur l'éventualité de la réélection de l'incontournable Abdelouahed Radi. Cette ambiguïté relève peut-être de la nature du vote à bulletin secret qui risque de pousser les parlementaires à ne pas respecter les consignes de leurs partis. Mais elle est due aussi et surtout à la rivalité entre les chefs de partis de la majorité qui se détestent amicalement. Risque d'éclatement de la majorité Tout le monde met la pression sur tout le monde y compris au sein de la Koutla où les frères ennemis PI-USFP se battent à distance avec leur légendaire amabilité qui remonte à des décennies. Le PPS garde le cap et vote pour un candidat unique par alliance d'abord et pour parer à tout éclatement de la majorité comme nous se disait Khalid Naciri. Quant à l'opposition, le PJD revient à la charge pour présenter son candidat Lahcen Daoudi comme au début de cette législature. Mais l'équation la plus complexe de cette majorité fragilisée par ses tensions internes, demeure la position de la mouvance populaire qui a déjà pris la décision de présenter un candidat à l'élection de la Chambre des représentants. Ses composantes devaient se réunir à quatre ou cinq jours de la date des élections pour désigner leur représentant. C'est dire que le risque de l'éclatement de la majorité reste toujours palpable à moins que Driss Jettou n'intervienne encore une fois pour mettre de l'ordre dans la maison par le biais de la “caisse” de compensation. Encore faut-il savoir concilier les désirs des uns et des autres par la répartition de postes d'ambassadeurs, de walis, gouverneurs et autres directeurs de sociétés étatiques très prisés ces derniers jours. Il est vrai que le nœud du problème ne se résume pas uniquement à un quota dans les postes, mais ce point de discorde de la représentativité demeure aussi vivant qu'il ne l'a été au lendemain des dernières élections législatives en 2002. D'autant plus que depuis cette date la transhumance a fait son effet néfaste pour chambouler la donne du classement de parti majoritaire en députés et conseillers. Et c'est justement cette scission qui fait peur dans ces élections à la présidence de la première chambre où le vote à bulletin secret reste entre les mains des députés et non pas des dirigeants politiques. Négociations ? Ceci étant, c'est la personnalité même du président sortant de la Chambre des représentants, Abdelouhahed Radi, qui risque de primer sur toute autre considération de vote. L'homme, avec sa casquette de socialiste, a cette particularité d'avoir toujours eu l'estime et du pouvoir et de ses adversaires politiques. Même le vieux lion de l'Atlas, Mahjoubi Aherdane, qui ne mâche pas ses mots au sujet de ses élections, dit avoir beaucoup d'amitié et de respect pour Radi. Mais ce vétéran politique qui n'a rien perdu de sa jouvence et de son verbe assassin, n'oublie pas ses vieux réflexes de rebelle et se bat pour que la mouvance populaire soit représentée à sa juste valeur : “Cela fait longtemps que les composantes de la mouvance populaire ont pris la décision de présenter un candidat à l'élection de la présidence de la Chambre des représentants. Cela ne doit donc surprendre personne et nous allons nous réunir incessamment pour désigner par voie démocratique quelqu'un parmi nous pour briguer ce poste. C'est notre droit le plus absolu car nous estimons que nous avons assez supporté tout en n'ayant jamais accepté notre position au sein de la majorité. Maintenant il faut que notre représentativité au sein des institutions politiques soit proportionnelle au nombre de nos députés et conseillers. Personnellement je n'ai rien contre Abdelouahed Radi qui reste un ami et un homme que je respecte, mais j'estime qu'il est temps que le mouvement populaire, toutes tendances confondues, retrouve la place qui lui sied sur l'échiquier politique. Nous n'avons rien négocié avec les autres partis de la majorité et mon ami Mohand Laenser qui est dans le gouvernement ne m'a rien dit à ce sujet. On ne sait si pas le rusé Mahjoubi Aherdane verse dans l'excès, la pression ou l'intox pour faire passer son message. Toujours est-il qu'il contredit les propos de son allié dans la coalition Mohamed Elyazghi qui, lui, évoque des négociations avancées tout en précisant que ces élections constituent un véritable test pour la majorité gouvernementale. Autant dire que ce vieux routier de la politique n'exclut pas les risques d'un quelconque dérapage. Dans la rencontre de presse qu'il a organisée dans sa résidence, le leader socialiste était pourtant clair et optimiste : " Des concertations soutenues se déroulent actuellement au sein de la Koutla et avec les autres partis de la majorité pour présenter un candidat unique aux élections du président de la Chambre des représentants. Certes cette échéance constitue un véritable examen de passage de la cohésion de la majorité, mais je suis optimiste quant à l'issue de ces négociations." L'ordre établi Reste à savoir sur quelle base on négocie, d'autant plus que certains alliés évoquent la candidature unique sans spécifier s'il s'agissait de Abdelouahed Radi ou de quelqu'un d'autre. À part le cartésien Khalid Naciri du PPS qui cite nommément le président sortant de la Chambre des représentants : "notre but est de préserver la Koutla et la majorité gouvernementale, par conséquent nous verrions d'un bon œil une seule candidature de la majorité. A priori nous sommes plutôt favorable à la reconduction de Abdelouahed Radi sur la base du deal politique du début de la législature." Mais tout en considérant que les chances de Radi sont importantes, Khalid Naciri n'en craint pas moins une fissure dans la majorité si la mouvance populaire persiste à présenter un candidat : " nous considérons que l'intérêt de la majorité et du pays consiste à ce que les dirigeants de la mouvance populaire s'abstiennent de présenter un candidat. Car dans le cas contraire, l'expérience de la majorité actuelle risque de subir un coup dur dans la cohésion qu'elle a maintenue jusqu'ici." C'est plutôt le suspens qui est maintenu même si le ministre istiqlalien chargé des relations avec le Parlement, Saâd Alami, affiche une sérénité à toute épreuve : “Les concertations avec les partis de la majorité ne se sont jamais arrêtées. À une semaine de la date des élections, je demeure optimiste quant à la présentation d'un candidat unique.” Même si ce n'est pas l'inusable Abbas Fassi qui parle, on sent son empreinte à l'istiqlalienne qui suppose une lecture à interprétation variable. Quand on parle de concertations, on évoque évidemment des négociations qui sous-tendent des concessions de part et d'autre au sein même de la Koutla. Le précurseur de la notion du soutien critique et solide leader istiqlalien Abbas Fassi ne dévoile jamais ses cartes. La candidature unique dont parle avec diplomatie, Saâd Alami, ne signifie pas pour autant que l'Istiqlal n'est pas tenté de présenter un candidat de son groupe. Par contre la direction du RNI semble jouer le jeu de la majorité et ne veut pas entrer dans de vaines spéculations. Le président de la chambre des conseillers, Mustapha Oukacha est très explicite sur ce sujet : “Le RNI n'est nullement concerné par la question de candidature à la présidence de la Chambre des représentants dans les circonstances actuelles. Le plus important est que la majorité se base sur la solidarité et la cohérence en vue d'assurer la continuité”. Reste à savoir comment va agir la base d'un parti où plusieurs contestataires élèvent de temps en temps la voix pour mettre en minorité un Ahmed Osmane toujours placide et imperturbable. Les députés du RNI peuvent aussi profiter du vote au bulletin secret pour contrecarrer les consignes du parti. Toutes les supputations sont possibles le vendredi 8 avril dans l'enceinte du Parlement sauf pour un dirigeant du PJD qui a requis l'anonymat. Il confirme que son parti va présenter Lahcen Daoudi, pour la forme, candidat une opposition qui n'a pas un brin de doute que rien ne va changer à la tête de la Chambre des représentants. Pour cet opposant islamiste notoire tout ce branle-bas est préfabriqué par certains partis pour tirer le maximum de profits. Pour lui, ces pressions sont le prélude à un marchandage pour installer les leurs dans des postes de responsabilités tels que les ambassadeurs, Walis et autres. Autrement conclut-il, après ces effets d'annonces tout le monde va rentrer dans les rangs car personne n'aura l'audace de changer l'ordre établi.