Les grands défis de l'habitat Toufiq Hjira a réussi, mercredi 23 février, son examen à l'évaluation du bilan-étape en remplissant son devoir d'obligation morale et publique de présenter les résultats de son Département à mi-parcours de l'actuelle législature. Un bilan dressé sans triomphalisme, ni langue de bois avec mea culpa. Si les acquis sont appréciables, les chantiers ouverts multiples et les perspectives plus ambitieuses, des défaillances persistent encore tant dans les secteurs clés de la lutte contre l'habitat insalubre et l'éradication des bidonvilles que dans le domaine prioritaire de la promotion des logements sociaux. Mais le “baroudeur” istiqlalien se fait fort d'affronter toutes sortes de difficultés pour sortir le pays d'une “catastrophe” urbanistique et d'habitat envahie, en grande partie, par le secteur informel et miné par la corruption. Ce qui l'amena à mesurer l'étendue colossale des projets à concrétiser pour “rattraper les bêtises, les erreurs et les catastrophes du passé”. Imaginez l'ampleur de la tâche : si on arrêtait, dès aujourd'hui, toute construction de bidonville, clandestine, précaire ou anarchique, il faudrait mobiliser un budget de 75 milliards DH pour régulariser la situation de l'habitat en mettant sur le pied de “guerre” toutes les institutions et organismes concernés pendant plus de…dix ans. Hjira, le “chouchou” des parlementaires, toutes formations politiques confondues, qui l'ont élu “ministre de l'année” pour ses qualités de travailleur, d'intégrité et de dynamisme forçant le respect, est le seul membre du cabinet Jettou qui a reconnu ses “faiblesses” en termes de capacités objectives de réalisation des objectifs. Un logement pour chaque citoyen Quant au talent, bien sûr qu'il n'en manque pas, au contraire. “J'admets que nous avons échoué sur ce créneau, à ce jour”, laissa-t-il échapper. Une autocritique que ennoblit davantage le personnage dont la mission est partagée avec les collectivités locales et les autres Départements ministériels si on voulait dresser la liste des entraves n'émanant pas nécessairement du secteur de l'habitat. Mais “la responsabilité est collective” et “l'habitat est l'affaire de tous, public et privé confondus”, rappelle-t-il avec insistance. En s'abstenant, de jouer les Cassandre ou de sangloter dans les chicanes à la Sisyphe. L'optimisme est le trait fort du responsable politique, l'engagement sa qualité majeure et la combativité et la ténacité sa “force de frappe” qui le poussent à aller au charbon pour qu'au Maroc, “un logement de qualité et sécurisé pour tout citoyen, même à revenus irréguliers, devienne à terme, une réalité concrète”. Un son de cloche tout à fait insolite, habitués que nous fûmes à ces slogans dominants en régime plutôt communiste ou socialiste. Mais loin des clivages idéologiques stériles, Hjira est un authentique militant du développement social et de la réduction de la fracture en matière d'habitat. Il en a fait une haute priorité en tentant d'adapter encore plus les mécanismes des fonds de garantie, Gogaloge et Fogarim surtout, ouvrant l'accès à la propriété et au crédit “garanti” à l'ensemble des citoyens non salariés ou ne justifiant pas de revenus réguliers. Les 300 000 dossiers de demande en souffrance, dans ce cas de figure, devraient connaître une issue heureuse dans les mois à venir. “Il est aberrant que les banques exigent des garanties administratives ou financières qui ne concernent pas cette catégorie de population en marge des circuits formalisés, d'autant plus que c'est l'Etat qui prend en charge 70% des montants au titre des fonds de garantie”.Les pauvres ont leur défenseur au gouvernement pour l'accès à la propriété, et cela est primordial. Et le ministre se fait un point d'honneur à faire respecter ses engagements pour “produire 100 000 unités dès 2005”, objectif de la déclaration gouvernementale, et de “commercialiser les logements sociaux à 120 000 DH dont seuls les revenus égaux ou inférieurs à 3.000 dh mensuels devront en bénéficier”. L'élan Royal Si le secteur de l'habitat a connu un sérieux regain de dynamisme, en témoignent les hausses constantes de la consommation de ciment en plein “boom”, c'est bel et bien grâce à l'engagement du Souverain qui en a préconisé la priorité au gouvernement. Pas moins de 144 projets d'habitat, à travers les différentes régions du Royaume, ont été lancés par Sa Majesté Mohammed VI depuis son intronisation en juillet 1999. Le programme des villes sans bidonvilles est avancé à hauteur de 47% pour être étendus à une vingtaine d'agglomérations. La mise à niveau des ex-OST, actuels OPH (opérateurs publics d'habitat ) est achevée, leur recapitalisation ayant mobilisé 900 millions DH et l'ardoise du CIH de 800 millions DH totalement effacée. Le Holding El Omrane, fédérant l'ensemble des sociétés SNEC, Attacharouk et ANHI, entre autres, est opérationnel. Et les nouveaux concepts commerciaux de “villa économique” et de « ville nouvelle » vont bon train. Et les faiblesses, alors ? Hjira les a énumérées, lui-même en mettant en avant les failles en matière de recours aux nouvelles technologies de construction de bâtiment et de maîtrise d'ouvrage sociale (MOS). Le partenariat engagé avec des instances internationales de premier plan est en voie de s'attaquer à ces problèmes. Bilan 2003-2004 / De mieux en mieux ! Le budget d'investissement a connu un bond remarquable entre 2003 et 2004 en passant de 820 millions DH à près de 1,5 milliard DH. Le foncier public a été mobilisé sur une superficie totale de 3 400 hectares. Un vaste chantier de 103 000 unités d'habitat a été bouclé en 2004 dont 27 000 unités au titre des programmes de restructurations. L'encours des crédits à la construction a progressé de 12,5% en 2002 et de 15% en 2004. L'emploi urbain dédié au secteur a embauché un effectif correspondant à 9,1% de la population active totale du Royaume. Les travaux pour la construction de 450 000 logements ont été lancés en 2003-2004 dont 96 projets lancés par le Souverain au bénéfice de 265 000 ménages et mise en chantier de la première étape du programme de construction des logements sociaux à 120 000 DH comprenant 9 500 unités. A signaler également la poursuite du programme d'intervention pour l'habitat menaçant ruine représentant 11 700 unités identifiées à travers les différentes régions du Royaume. Même topo pour l'habitat non règlementaire intéressant 100 000 ménages. Le programme spécial pour les provinces du Sud a mis en chantier 20 000 unités d'habitat pour un investissement de 1,2 milliard DH et les prévisions ont arrêté un nouveau programme de 40 000 logements nécessitant 1,4 milliard DH. Enfin, en ce qui concerne la reconstruction d'Al Hoceïma, 8 000 maisons en campagne ont été reconstruites avec une assistance technique. Perspectives 2005 / Le « plein régime » C‘est l'année qui connaîtra la réalisation de l'objectif gouvernemental de 100 000 unités produites par an. 2005 verra la mise en œuvre de 20 chantiers prioritaires dont la généralisation de la contractualisation avec les provinces du Royaume ciblées pour les programmes “Villes sans bidonvilles”. A retenir également le lancement du méga-chantier des “logements sociaux” Les autres objectifs intéressent l'ouverture de nouveaux espaces urbanistiques sous le concept de “Villes nouvelles” ou de “Villes pilotes”. En outre, cette année verra la généralisation du guichet unique et la délivrance des autorisations et permis de construire dans un délai maximal de 15 jours. Au-delà de 2005, les objectifs principaux se traduisent par la nécessité de réduire le déficit d'habitat et de professionnaliser l'activité des secteurs de l'habitat et de l'urbanisme.