Les 4 de Guilford On se souvient d'un chef-d'œuvre nommé “Au nom du père”. C'était Jim Sheridan, un réalisateur irlandais des plus engagés qui avait adapté à l'écran l'histoire douloureuse des 4 de Guilford. Ils étaient accusés de terrorisme alors qu'ils étaient innocents. Aujourd'hui, Tony Blair présente des excuses publiques à tous ceux qui ont été salement malmenés par une justice anglaise qui avait caché des preuves pour condamner des innocents. “Je suis absolument désolé qu'elles aient fait l'objet d'une telle épreuve et d'une telle injustice”. C'est Tony Blair, le Premier ministre britannique qui parlait ainsi mercredi 9 février courant lorsqu'il a présenté des excuses publiques à 11 personnes victimes d'une erreur judiciaire et incarcérées pour certaines d'entre elles pendant 15 ans après des attentats de l'Armée républicaine irlandaise (IRA) en 1974. Ces attentats dans les villes anglaises de Guildford et Woolwich avaient fait sept morts et plus de 100 blessés. Les onze personnes ont toutes été acquittées par la suite et l'affaire a constitué une des plus retentissantes erreurs judiciaires de Grande-Bretagne. “Les attentats de Guilford et Woolwich ont fait sept morts et plus de 100 blessés. Leur perte, pleurée par leurs familles, ne s'effacera jamais. Mais il ne sert à rien de condamner les mauvaises personnes pour ce crime affreux”. C'est ce qu'on appelle faire amende honorable après un tel crime d'Etat commis à l'égard de plusieurs individus dont la vie a été brisée à jamais. Le cinéma change la politique L'affaire des 4 de Guilford refait surface après un grand film signé Jim Sheridan. “Au nom du père” où le rôle de Jerry Conlon a été joué par Daniel Day Lewis ( nominé à un Academy Award pour une magnifique prestation). Le film de l'Irlandais Sheridan n'était pas seulement une simple adaptation d'une histoire d'injustice. C'était aussi un compte-rendu détaillé des exactions de la police anglaise qui masquait les preuves, jouait avec la justice et torturait les Irlandais innocents ou coupables. Aujourd'hui, après plusieurs années de silence, même après la sortie du film en décembre 1993, T.Blair rend justice aux quatre de Guilford en demandant pardon. Pardon qui ne changera rien à un fait qui restera une honte anglaise : la mort du père de Jerry, Guiseppe, en prison alors qu'il n'était même pas parmi la liste des innocents accusés. Comment Tony Blair et le gouvernement britannique pourront effacer un tel crime contre un vieux bonhomme qui n'avait rien fait d'autre que d'avoir mis au monde son fils Jerry ? Mister Blair ne s'est pas étendu sur la question escamotant du coup toutes les ramifications qu'elle pourrait susciter pour les jours à venir. Reste que, quoi qu'il arrive, le cinéma engagé a démontré qu'il était capable de pousser des politiciens à changer leur fusil d'épaule en reconnaissant la torture, le crime et le recours à la force pour se débarrasser soit des dossiers épineux soit clore des enquêtes qui n'aboutissent à rien. Dans le cas Conlon et les 4 de Guilford, il fallait un verdict et des coupables, on a alors épinglé des jeunes hippies et on les a lynchés sur l'autel de l'injustice dans le pays de la démocratie et des droits civiques. Jim Sheridan, le cinéaste irlandais peut être fier d'avoir remis sur la scène publique une affaire aussi embarrassante pour l'Angleterre et fait connaître le destin occulté des 4 de Guilford. Comme quoi l'art sert aussi à redresser des torts quand les artistes ont des tripes et du cœur.