Libre-échange Maroc-USA L'accord de libre-échange entre le Maroc et les Etats-Unis – qui doit entrer en vigueur au cours des prochaines années – est porteur de bien des promesses. Il devrait notamment faciliter l'exportation des produits marocains vers le marché américain, en plus de développer l'attractivité du Maroc pour les investisseurs américains désirant s'y installer. Or, c'est avec précaution que les barrières tarifaires devront être démantelées, faute de quoi plusieurs secteurs de l'industrie marocaine, notamment le secteur agroalimentaire, pourraient en souffrir gravement. L'industrie marocaine de production bovine et de volaille serait en mauvaise posture pour faire face à la compétition américaine si l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis prévu pour les prochaines années entrait en vigueur aujourd'hui. C'était là l'un des sujets abordés lors de la 2ème journée nationale de l'alimentation animale qui se tenait ce 16 décembre au parc d'exposition de l'Office des changes de Casablanca. L'événement était une initiative de Lesieur Cristal, bien connu du grand public pour ses huiles végétales, mais aussi premier producteur de tourteaux de soja destinés à l'alimentation d'animaux d'élevage. "A l'heure où notre économie se mondialise, les accords de libre-échange signés avec nos partenaires internationaux ouvrent à la fois de nouvelles opportunités à nos productions, mais sont aussi porteurs de menaces nouvelles", a déclaré Ahmed Rahhou, président directeur général de Lesieur Cristal, lors d'un discours adressé aux industriels de l'agroalimentaire venus nombreux pour l'occasion. "Aujourd'hui, le Maroc n'est pas compétitif sur tout le secteur agricole", a-t-il ajouté. À donner la chair de poule Parmi les secteurs de l'industrie qui en subiraient les effets, l'aviculture est l'un de ceux qui seraient le plus durement touchés si les produits américains pouvaient dès aujourd'hui entrer librement sur le marché marocain. Aux Etats-Unis – premier producteur mondial de viandes rouge et blanche – les coûts d'opération sont largement inférieurs et la capacité de production nettement supérieure en comparaison aux niveaux marocains actuels, ce qui donne aux produits américains un avantage considérable au niveau du prix de vente. Mike Martin, représentant de l'Association des producteurs de soja américains, soulignait que le prix du poulet entier sur le marché marocain tournait autour de 20 dh le kilogramme, alors qu'il n'en coûterait que 11 dh le kilogramme si on devait l'importer des Etats-Unis après le démantèlement des barrières tarifaires. "Ils ont des cuisses de poulet très bon marché", a-t-il ajouté en précisant qu'elles étaient même considérées comme un sous-produit par le consommateur américain. "Ils peuvent sérieusement menacer la consommation locale", a déclaré Martin. Le secteur de l'élevage bovin se trouve aussi menacé, bien que l'écart entre les prix ne soit pas aussi prononcé. Des problèmes de structure Nombreux sont les facteurs qui contribuent à élargir l'écart entre les coûts d'opération des producteurs marocains et ceux de leurs homologues américains. On parle notamment de coûts énergétiques élevés et de frais portuaires significatifs pour l'importation des matières premières. Les méthodes marocaines d'élevage, moins industrialisées que les techniques américaines, devront être revues si l'industrie locale espère être en mesure de concurrencer la grande puissance mondiale. "Tout ça doit être dans un programme qui ramène les coûts au niveau des autres pays membres des accords de libre-échange", a affirmé Rahhou, en ajoutant qu'un dialogue était déjà en cours entre les membres de l'industrie et le gouvernement. "Le ministère de l'Agriculture est très présent avec nous dans cette problématique, et le ministère de l'Industrie aussi", a-t-il déclaré. Il a ajouté que le démantèlement des barrières tarifaires ne devait pas se faire hâtivement, faute de quoi l'industrie agroalimentaire marocaine pourrait en souffrir lourdement. Investir ou périr Si l'industrie marocaine de l'élevage avicole espère faire face à la concurrence américaine lorsque s'envoleront les taxes sur l'import, il est clair que les producteurs devront accepter d'investir dans les infrastructures. "Beaucoup d'éleveurs de volaille ont des bâtiments qui ne répondent pas aux normes", expliquait Ahmed Rahhou, président directeur général de Lesieur Cristal lors de la 2ème journée nationale de l'alimentation animale tenue ce 16 décembre à Casablanca. De ce fait, les chaleurs estivales causent chaque année la mort de centaines d'oiseaux, réduisant ainsi la rentabilité de l'investissement des producteurs. Rahhou a souligné que bon nombre d'éleveurs utilisent des serres normalement destinées à l'agriculture parce qu'elles peuvent être construites à moindre coût. "Les gens n'ont pas d'argent, mais ils perdent beaucoup de toute façon en taux de mortalité" a-t-il ajouté. L'industrie avicole brésilienne a pris un essor formidable au cours des quelques dernières années, si bien qu'elle talonne aujourd'hui sa concurrente américaine. "Si les Brésiliens peuvent produire le poulet à moindre coût, pourquoi ne le pourrait-on pas", a déclaré Rahhou, soulignant que même en Tunisie, le prix du poulet était de 20 à 25% inférieur au prix marocain.