Aérien Royal Air Maroc (RAM) doit regagner les 17 % de son activité qui ont été réaffectés à Atlas Blue. Cumulé aux mutations que connaît le secteur de l'aérien, de nouveaux comportements ont vu le jour au sein de la RAM. Au sortir de bons résultats d'une manière générale en dépit des turbulences qui affectent le secteur, le patron de la compagnie nationale, Mohamed Berrada a dévoilé les grands enjeux du redéploiement de RAM. Jamais Mohamed Berrada, PDG de Royal Air Maroc, n'a expliqué autant la stratégie de développement de la compagnie aérienne nationale. Certes, beaucoup de choses ont été dites jusque-là sur les turbulences qui affectent le secteur aérien depuis le 11 septembre 2001, sur la surcharge du kérosène, la libéralisation du transport aérien national et leurs conséquences sur Royal Air Maroc, mais jamais sur le travail en profondeur initié par la compagnie par rapport aux mutations en cours. Pourtant, ce n'est pas par manque de communication. Au contraire, la RAM a inondé les rédactions de communiqués sur les nombreuses nouvelles structures qu'elle met en place. Il s'agit de cette politique de filialisation dont les tenants et aboutissants ne sont pas toujours compris par certains qui continuent à se demander si la compagnie nationale n'est pas en train de se disperser. "Royal Air Maroc n'est pas seulement une compagnie de transport aérien tel que nous la connaissions avant. C'est un groupe qui voudrait jouer un rôle de croissance économique dont l'objectif est d'assurer sa pérennité", souligne Mohamed Berrada. Aux yeux du patron de RAM, l'analyse de l'évolution du transport aérien sur 10 ans permet de faire un constat : le taux maximum de croissance du secteur est de 1,5 %. "Si on reste là où on en est, on ne va pas tellement évoluer. Il n'y a pas de gisement de croissance", estime-t-il. Depuis, les responsables de la compagnie tentent de réagir en conséquence. Ils ont ainsi procédé à l'analyse des différentes branches d'activité du groupe et ont constaté qu'il y avait des pôles de compétences. Mieux encore, ils concluent que ces centres de compétences peuvent être mieux valorisé en les sortant du groupe et en leur conférant une plus grande autonomie. C'est le cas par exemple du Centre d'appels. "Si ce service à l'intérieur de la RAM est mal géré, cela va entraîner un surcoût pour le groupe", fait constater Mohamed Berrada. En effet, il y a au niveau de ce service plus de monde par rapport à ce dont la compagnie a besoin. Ainsi pour amener ce service à s'autogérer et à chercher elle-même des gains de productivité, les responsables de la RAM estiment qu'il faut non seulement l'externaliser mais la soumettre à la concurrence même si la compagnie va lui donner sa préférence. "Aujourd'hui, si chaque centre de compétence devient autonome et commence lui-même à améliorer sa productivité, c'est la productivité globale de la compagnie qui va se retrouver améliorée. C'est la vision stratégique que nous avons mise en place", explique le patron de RAM. Six pôles de compétences ont été dégagés jusque-là. En première ligne, le transport régulier (RAM Airlines et Air Sénégal International). À ce niveau, la compagnie nationale a fait le choix de séparer l'activité régulier du charter. "Le gouvernement nous a poussé à créer une compagnie charter, mais nous avons préféré pousser plus loin en créant une compagnie low-cost. En effet, quand on analyse l'ensemble des compagnies aériennes dans le monde, on voit que là où le trafic augmente le plus avec des taux de croissance de 20 à 25 %, c'est dans les low-cost", souligne Mohamed Berrada. Partant, Atlas Blue a tout simplement repris le trafic charter que faisait la RAM en y greffant de nouvelles lignes point à point avec des coûts bas. Seulement depuis, une partie du chiffre d'affaires, soit 17 % équivalant à près de 900 millions de dh que réalisait la RAM via l'activité charter de RAM sont revenues à Atlas Blue, une partie des charges est partie également avec le chiffre d'affaires. Aujourd'hui, l'ambition du groupe est de rattraper ce chiffre d'affaires. Aux yeux du patron de RAM, cela passe impérativement par une augmentation du trafic régulier dans ce pôle de compétence, notamment au niveau de RAM traditionnelle. "Nous allons faire pour l'exercice 2004/2005 le même chiffre d'affaires et le même trafic qu'on faisait avant la cession de six de nos avions à Atlas Blue", dit-il. Pour le premier mois, la compagnie a atteint cet objectif puisqu'elle a réalisé au cours de novembre 2004, une augmentation de 21 % de son trafic qui se trouve même plus cher que celui du charter. Sur le terrain, les responsables de RAM misent sur le développement du pôle du Hub de Casablanca en essayant d'attirer le trafic de l'Afrique pour continuer sur l'Amérique, le Moyen-Orient et sur l'Europe. Ceci explique d'ailleurs, le développement extraordinaire du trafic africain au cours des trois derniers mois (croissance de + 40 %). À côté du deuxième pôle de compétence (transport touristique à bas coût avec Atlas Blue), RAM met en place un nouveau pôle de compétence, Atlas Cargo. Selon Mohamed Berrada, le Conseil d'administration vient de valider cette filialisation. Quant à Atlas Hospitality, ce pôle de compétence a enterré Sotoram et fait émerger Atlas catering devenu un service. Atlas Hospitality qui comptait trois hôtels vient d'acquérir 4 autres établissements de l'ONMT. Ce pôle dispose actuellement de 7 hôtels sans compter celui de Nouaceur dont les travaux vont démarrer dans deux semaines. Autres centres de compétence : l'industrie (centre industriel aéronautique, SMES, Matis) ainsi que les services et innovations. Le premier regroupe déjà le centre industriel aéronautique, la SMES et Matis tandis que le second est constitué d'Atlas On Line, RAM Academy, Amadeus…. Avec toutes cette organisation, Royal Air Maroc doit voler tranquillement. Mais, son patron a-t-elle toutes les cartes entre ses mains ? (voir Open Sky avec l'Europe). RAM : un résultat net de 250 millions de dh Royal Air Maroc a résisté à la crise. C'est ce qui ressort des résultats de son dernier exercice (1er novembre 2003-31 octobre 2004). Le trafic global de la compagnie a augmenté de 14 % (3,7 millions de passagers). Quant au trafic régulier, il a enregistré une hausse de 17 %. Pratiquement, l'ensemble des marchés se sont inscrit dans la hausse. En première ligne, l'Afrique, l'Amérique du Nord, l'Europe, la France, l'intérieur du Maroc et le Maghreb avec respectivement 35 %, 22 %, 19 %, 18 %, 11 % et 9 %. Sur le marché intérieur, la compagnie vient de réduire ses tarifs de 30 à 60 % sur toutes les destinations. Sur le terrain, le chiffre d'affaires a atteint 7.651 millions de dh, soit une hausse de 11,61 % par rapport à l'exercice précédent. Côté résultat net, la compagnie s'en tire bien. Elle a réalisé un bénéfice net de 250 millions de dh contre 150 millions lors de l'exercice précédent. En 2004, RAM a investi près de 2 milliards de dh. Open Sky avec l'Europe : Vers des négociations difficiles Non seulement, Royal Air Maroc doit composer avec des objectifs contradictoires (promouvoir la destination Maroc en améliorant son offre, soigner sa rentabilité, et assurer des missions de service public) mais elle doit également faire face aux nouveaux accords que le Maroc doit signer avec l'Union européenne(UE) dans le domaine de l'aérien. Sur ce dernier point, un mandat a été donné par le Conseil des Ministres des transports del'UE à la sa commission transport pour négocier dès janvier 2005 avec le Maroc l'Open Sky. Interpellé sur la question, le patron de la RAM a fait état de ce que les Européens vont demander. "Chaque compagnie dans cet ensemble peut venir prendre n'importe quel point en Europe pour venir au Maroc". Pour Berrada, si le Maroc accepte cela, "c'est qu'on leur a tout donné". Ce qui est intéressant à ces yeux, c'est "qu'est-ce qu'ils vont nous donner ?" On leur donne l'espace marocain, c'est-à-dire que n'importe quelle compagnie européenne pourra venir exploiter la liaison Paris- Casablanca. Mais il faut qu'on nous laisse aller en Europe pour faire par exemple deux destinations à l'intérieur de l'ensemble européen", dit-il. Pour rappels, RAM réalise 40 % de son chiffre d'affaires sur la liaison Casablanca-Paris. Jusque-là également, cette question est gérée au niveau bilatéral entre le Maroc et les autres pays européens. Quand on sait que ce qui est extra-européen ne peut pas être accepté au sein de l'Europe, les négociations risquent d'être difficiles.