Violence conjugale Avec l'adoption du nouveau Code de la famille en février dernier, le Maroc franchissait une étape importante dans l'évolution du statut de la femme. Evolution, certes, mais certains problèmes sociaux sont difficiles à enrayer, et le spectre insidieux de la violence conjugale continue à hanter toutes les couches de la société marocaine. Depuis le 6 février dernier, le Maroc s'est pourvu d'un nouveau Code de la famille, qui vient donner davantage de droits aux femmes. Puisqu'il s'agit d'un pas considérable vers l'égalité des genres, on pourrait s'attendre à ce que les femmes s'en trouvent de moins en moins victimes de violence. Difficile de savoir si le nouveau code de la famille a déjà contribué à raréfier les cas de violence conjugale, mais il semblerait que de plus en plus de femmes violentées décident de sortir de l'ombre. "Il y a eu une augmentation [du nombre de cas] après le discours royal sur la nouvelle Moudawana", explique Fatima Ferdous, coordonnatrice du Centre d'écoute et d'orientation juridique et de soutien psychologique pour femmes victimes de violence. "La violence existe depuis toujours", explique-t-elle, "mais l'espoir d'un changement a poussé plus de femmes à chercher une solution", précise-t-elle. Toutefois, les effets immédiats de la nouvelle Moudawana ne seraient pas que bénéfiques. "Certaines femmes ont même commencé à subir des violences immédiatement après l'annonce de la Moudawana", affirme Mme Ferdous. Un fléau aveugle Certains hommes, interprétant la nouvelle législation comme une atteinte à leurs droits, ont tout simplement décidé de se défouler sur leur femme, affirme-t-elle. Certains des cas traités par le centre d'écoute sont ceux de femmes ayant décidé de chercher de l'aide après le premier signe de violence. Toutefois, dans d'autres cas, 10, 20, voire 30 ans ont dû s'écouler – souvent dans la peur et la honte – avant que la victime ne décide d'agir pour mettre fin à l'abus. Mme Ferdous indique d'autre part que toutes les tranches d'âge sont touchées, et que la violence "traverse toutes les classes sociales". Une étude réalisée auprès des femmes ayant fait appel au centre a permis d'identifier différentes raisons pour lesquelles les victimes hésitent à se confier. D'abord, le "poids des traditions" joue un rôle important, des comportements violents sont même souvent admis comme faits "habituels" et "normaux". La peur de se retrouver en situation financière précaire, ou de provoquer la vengeance du conjoint, figurent aussi parmi les raisons citées. Soutien psychologique, un pas difficile Les effets de la violence sont bien entendu physiques, mais surtout psychologiques. On parle souvent de dépression, d'anxiété, certains cas conduisant même à des tentatives de suicide, à l'isolement social, à la toxicomanie ou encore à l'alcoolisme. Malgré les difficultés morales auxquelles sont confrontées les victimes de violence conjugale, la majorité d'entre elles hésitent à faire appel à l'aide de psychologues. "On essaie de les convaincre de rencontrer des psychologues", explique Mme Ferdous. "C'est aux femmes de décider si elles désirent ou non faire appel aux services juridiques et psychologiques", ajoute-t-elle en précisant que plus de 80% sont encore réticentes à l'idée de rencontrer un psychologue. Des réactions du genre " vous croyez que je suis folle?" démontrent bien que la nature de l'aide psychologique est encore mal connue auprès des victimes de violence. Pourtant, les résultats sont clairement visibles, soutient Mme Ferdous, et les bénéfices sont indiscutables. "Il y a un grand changement", explique-t-elle, "on le voit immédiatement sur son visage, dans sa façon de s'habiller". Le soutien psychologique permet ainsi aux femmes d'effectuer un grand travail au niveau de l'estime de soi, et de reprendre goût à la vie, ajoute Mme Ferdous. Avec les moyens mis en œuvre par diverses organisations au niveau national, de plus en plus de femmes décident de dénoncer la violence dont elles sont victimes, mais un travail énorme reste à faire avant que le fléau ne soit enrayé.