Fin de l'instruction du procès des cinq détenus de Guantanamo L'instruction du procès des cinq extradés de Guantanamo (Abdellah Tabarak Mohamed Ouzar, Mohamed Mazouz, Redouane Chekkouri et Brahim Benchekroun), s'est enfin achevée le 5 novembre dernier. Alors que le juge d'instruction de la Cour d'appel de Rabat a conclu de leur culpabilité, les cinq détenus ont crié à l'injustice et au coup monté. Les avocats d' Abdellah Tabarak, extradé de la base de Guantanamo, et ses coaccusés, présentés devant le juge d'instruction de la Cour d'appel de Rabat, Mohamed Chentouf, ne cachent pas leur mécontentement. Et pour cause, tout le plaidoyer qu'ils ont exposé, pour obtenir le non-lieu pour incompétence de la justice marocaine, n'a pas été retenu lors de l'audience du 5 novembre dernier. Extradés de Guantanamo et remis aux autorités marocaines depuis le 1er août dernier, les cinq détenus (Abdellah Tabarak Mohamed Ouzar, Mohamed Mazouz, Redouane Chekkouri et Brahim Benchekroun), devront comparaître devant la chambre criminelle de la même cour, dans les jours qui suivent, pour répondre de leurs chefs d'accusation aussi graves à savoir appartenance à une bande criminelle, non-dénonciation de crime... Pour la défense qui dénonçait “une accusation montée de toutes pièces”, le procès en question n'a pas lieu d'être pour la simple raison que leurs clients n'ont commis aucun crime sur le territoire marocain. Lors de leurs différentes auditions et comparutions devant le juge d'instruction de la Cour d'appel de Rabat, Abdellah Tabarak persiste, tant bien que mal, à faire tomber les charges décisives retenues contre lui dans l'éclipse mystérieuse du milliardaire saoudien qui a été révélé tout au début par le Washington Post et le Seattle Times. En effet, les deux publications américaines, qui s'appuyaient sur des documents du ministère américain de la Défense et l'enquête des agents des services secrets marocains qui ont spécialement fait le déplacement à Guantanamo, ont été les premières à dévoiler l'identité et la fonction de Tabarak grâce auquel le chef du réseau Al Qaïda avait réussi à s'enfuir lors de la bataille de Tora Bora. Depuis son extradition au Maroc, Abdellah Tabarak, dément cette information et soutient qu'il a fait le déplacement en Afghanistan uniquement pour enseigner le Coran à Peshawar. Il reconnaît, toutefois, qu'il a rencontré, à plusieurs reprises, Oussama Ben Laden, sans pour autant adhérer à son organisation terroriste. “Je n'ai jamais combattu et je n'ai jamais eu d'informations sur la préparation des attentats du 11 septembre”, a assuré Abdellah Tabarak lors de sa dernière audience au juge d'instruction de la Cour d'appel de Rabat. Et de s'interroger: “si j'étais effectivement le disciple le plus proche de Ben Laden, pensez-vous que les autorités américaines m'auraient livré à la Justice marocaine sachant que jusqu'à présent treize marocains sont toujours en détention à Guantanamo...”. Les arguments de Tabarak sont appuyés par une autre version selon laquelle il a été “monnayé” et présenté par un Pakistanais aux Américains comme étant le garde du corps de Ben Laden, en contrepartie de 5000 dollars. C'était à l'époque où l'armée américaine avait mis à prix toutes les grosses têtes du mouvement Al Qaïda en Afghanistan. Devant le juge d'instruction de la Cour d'Appel de Rabat, Tabarak a assuré qu'il ne connaissait, jusqu'à son arrestation par les forces américaines, aucun des autres détenus extradés de cette base cubaine transformée en un immense camp de concentration à ciel ouvert et en barbelés. Une base où sont rassemblés des captifs talibans, où revenaient régulièrement des noms d'intégristes marocains présumés impliqués dans la croisade sanglante de Ben Laden. Jusqu'à quelques semaines, ils étaient dix-huit Marocains, parmi les six cents prisonniers de la base cubaine. À présent, ils ne sont plus que treize, dont certains se trouvent dans un état psychique critique, a confié Tabarak à son avocat. Depuis leurs arrestations en Afghanistan, ils ont passé plus de trois années enfermés à Guantanamo, où ils auraient subi les pires tortures, avant leur transfert au Maroc. “Quand il a été remis aux autorités marocaines, nous pensions qu'il allait être libéré, au lieu de cela, la Cour d'appel de Rabat l'a accusé sans aucune preuve tangible d'avoir participé à un groupe criminel ainsi que d'avoir porté atteinte à la sécurité de l'Etat”, fait-il remarquer. Les avocats de la défense estiment que la justice marocaine est “incompétente” pour juger une telle affaire car les actes reprochés aux mis en cause ont été commis en dehors du territoire national. Cependant, la défense de Tabarak, et ses compagnons, assurée conjointement par Me Hilal, Ramid et Zahrach, est battue en brèche par la justice marocaine. Selon le rapport du juge d'instruction, on a pu prouver, selon les enquêtes et les investigations de la BNPJ ainsi que les différentes comparutions des détenus, leur adhésion au réseau terroriste Al Qaïda ainsi que des rapports solides et des contacts divers avec un ensemble de cellules et d'organisations qui ont les mêmes visées terroristes. Parmi les organisations concernées citées par le rapport de l'instruction figurent le “Groupe islamique combattant marocain”, les “Marocains afghans” et le “Groupe islamique combattant libyen”. Selon le rapport préliminaire de la Brigade nationale de la police judiciaire, les cinq détenus ont suivi des entraînements militaires en Afghanistan où ils ont notamment appris le maniement des armes et la préparation des explosifs. À ce sujet, on reproche à Abdellah Tabarak, entre autres, de ne pas avoir informé les autorités d'un projet d'attentat contre le Maroc auquel on lui aurait proposé de participer alors qu'il se trouvait au Soudan en 1995. Entre ces vérités et les contrevérités d'Abdellah Tabarak, c'est la chambre criminelle de Rabat qui tranchera.