Vision apocalyptique Il fût un temps où la politique pas plus que le syndicat n'intéressait que les hommes. Ce temps-là est, sinon révolu, à tout le moins en train de disparaître. Le messie sera très prochainement de retour ! Et Marocain de surcroît ! Eh oui. A en croire un “précis prophétique” émanant d' “Al Adl Wa al Ihsane publié par Al Ayyam. Cheikh Abdeslam Yassine, le saint-patron de la Jamaâ est bel et bien l'élu du Ciel. Rassemblant la biographie onirique et les récits fantasmagoriques des disciples,” l'œuvre “plonge dans un surréalisme ahurissant, à défaut d'être pathétique. Première vision: “une grande tente lumineuse, aussi grande qu'une ville, avec un grand nombre d'anges. J'y suis entré et j'ai demandé à l'une de ces créatures de lumière la raison d'une telle tente sur le toit de la maison de Sidi (sic) Abdeslam Yassine. L'ange m'a répondu qu'elle est là pour veiller à sa sécurité et le protéger de tout préjudice ou acte satanique venant de l'Etat, afin de contourner la Jamaâ et la paralyser ! !”. Voilà, pour la raison d'une tente de rêve que la raison politique ne connaîtra jamais. La part du délire puise à l'image des divagations néo-conservatrices des chrétiens “nouveaux-nés”, dans la mythologie de la fin des temps. Elevé au rang d'un semi-dieu, le Cheikh y est vénéré, presque déifié et ses pouvoirs surhumains, révélés par des visions délirantes, ahurissantes, y paraissent d'origine divine et éternelle. Dans ces fantasmes théologico-dépressifs, on trouve de tout : les califes, les anges, le prophète... Il y est question également de sublimation “presque freudienne”, d'une secte. Messianique et troublante, la vision des disciples, soigneusement transcrite et annotée, fait de l'ancien assigné à résidence un gourou en contact permanent avec les cieux. On nous laisse déduire la réaction des ouailles quand on touche à leurs idoles ! Les lendemains ne promettent rien de rassurant, juré ! Apparemment obnubilés par un trouble collectif, ils nourrissent une vénération des plus abêtissantes. Au rêve s'incruste la dépression heureuse. D'où le double risque : mettant en scène des hallucinations et des fantaisies, ces visions sont pathologiques pour ceux qui y croient- donc suicidaires- et dangereuses pour ceux qui en doutent. Car cela s'apparenterait, pour les fidèles, à une hérésie pure et simple. Soufisme ? Loin s'en faut. Les “rêves” sont menaçants. Deuxième vision, pour y voir clair : “Puis est venu le prophète Sidna Mohammed, habillé en blanc immaculé ; suivi de ses quatre compagnons,de Sidna Bilal (le Muezzin du prophète) ,de Sidi Abdeslam et de tous nos frères détenus. Le prophète (que la paix soit sur lui) a pris place et a étendu sa “Burda”. Ainsi, les anges, les quatre califes, Bilal, les membres du Conseil de l'orientation et nos frères les détenus sont assis à droite du prophète. Le reste à sa gauche...” De la vision apocalyptique, on sombre dans la menace implicite, et l'incitation à peine voilée à l'apologie du crime ! Et, oui les “frères détenus”, érigés en sorte d'Apôtres de Jésus ne sont que les 12 étudiants Adlis, condamnés à 20 ans de réclusion criminelle après la mise à mort d'un étudiant!! Voilà, pour l'eucharistie! Reste l'Evangélique dans toute l'histoire. Politiquement, parlant “J'ai vu-dit un autre disciple- une maison entourée d'une palissade verte, d'où émanent encens et odeurs agréables. J'y suis entré. J'y ai vu le prophète feuilletant” Al Minhaj annabaoui “(la voie du prophète, un livre de A. Yassine); en disant : “béni soit le compagnon, bénie soit la compagnie” ! Imaginez le prophète en train de lire, avec un émerveillement certain, les livres de Yassine ! Non seulement, Sidna Mohammed bénit et onctifie les Adlis, mais en fait les meilleurs compagnons. Assis à sa droite, les élèves du Cheikh auront, en fin d'analyse, la joie de voir les adversaires, (politiques surtout) dévorés par les feux de l'enfer ! Le crime des 12 étudiants en fait, par ailleurs, les élus. A côté des califes et des anges. Résultat : les rêves des Adlis sont... des homicides jusqu'à maintenant inconscients ! Qu'en sera-t-il après le réveil ? ( Al Qawma). D'aucuns, les plus zélés des sympathisants, y verront peut-être un “coup monté” pour discréditer la Jamaâ. Que nenni. La preuve: M. Abbadi, un leader de la Jamaâ, à “Al Ayyam” “Le Cheikh incarne la vie du prophète aussi bien dans ses comportements et ses dires que dans sa morale”. Plus encore : “ Le guide est sur les pas du prophète, Al Minhaj en dira long à ce propos”. En clair :c'est lui le légataire certifié. Le fin mot de l'histoire : Le Messie est déjà parmi nous. Wa la hawla wa la Koua... ! Les disciples ont, paraît-il, une religion particulière qu'on peut résumer à la manière d'Elie Semoun: “Athés pieds, Cheikh Yassine”.